EGK: quand la concurrence pousse à la faute

Dernière mise à jour 16/04/12 | Article
Pièces empilées et main voulant arrêter la progression
Assurance maladie. «Ce qui est trop bon marché est toujours trop cher»: cette sage maxime, les assurés de la caisse-maladie EGK en ont fait la cuisante expérience fin février, avec des hausses de primes atteignant +66%.

D.R.

Cette décision a d’autant plus scandalisé les assurés qu’elle a reçu la bénédiction de l’Office fédéral de la santé publique, qui est chargé de la surveillance des primes, et peut donc les refuser. En l’occurrence, il semble que la décision d’EGK soit juridiquement conforme (procédure et délais ont été respectés), mais une plainte pénale ayant été déposée, cet aspect sera examiné par la justice.

Pour certains en effet, comme la Fédération romande des consommateurs, les assurés ont été délibérément trompés: l’automne dernier, les primes publiées ont été présentées comme définitives, alors même que l’OFSP avait décidé qu’elles seraient provisoires, comme l’a expliqué le directeur de l’OFSP, Pascal Strupler (Le Temps du 2 mars 2012), «nous avions un doute que les primes d’EGK couvrent les coûts. Nous avons donc approuvé les primes de cet assureur pour une durée de six mois, en procédant ensuite à un contrôle mensuel.» Le hic, c’est que personne, ni à l’OFSP ni chez EGK, n’a jugé utile d’en informer les assurés... En l’occurrence, l’OFSP semble avoir préféré protéger les intérêts de la caisse, qui risquait une fuite massive de clients, plutôt que ceux des assurés.

Les limites du système

Alors que le directeur et le chef des finances d’EGK étaient éjectés, l’OFSP, en janvier, a été contraint d’intervenir, ce qui a conduit à la hausse des primes que l’on sait. Toutefois, le directeur de l’OFSP concède que «le système de surveillance a montré ses limites», et qu’il faudra désormais permettre à l’autorité de surveillance d’avoir accès à davantage de données à l’intérieur des caisses, et de sanctionner les dirigeants le cas échéant: c’est l’objectif de la future loi sur la surveillance, mise en oeuvre par le conseiller fédéral Alain Berset.

Cette affaire montre que le système fondé sur la concurrence entre les caisses fonctionne mal, et conduit certaines d’entre elles à des comportements aventureux, dans le seul but de s’attirer les bons risques, en comptant sur le désarroi des assurés, étranglés par des primes trop élevées par rapport à leur budget.

Changer de caisse? Oui, mais

En attendant, quels sont les droits des assurés lésés, ceux-là même dont la caisse veut de toute évidence se débarrasser? Selon la loi, en effet, elle ne peut pas les exclure donc elle les force à partir d’eux-mêmes, sous la pression de primes insupportables.

Le premier droit des assurés lésés d’EGK est évidemment de changer de caisse, mais il fallait le faire avant le 31 mars. Même si M. Strupler croit pouvoir se réjouir du fait que «changer de caisse n’est pas difficile», et que par conséquent personne n’est lésé, cela pose des problèmes à de nombreuses personnes peu familières de ce genre de démarche, compliquée, fastidieuse,qui prend du temps et oblige d’aller déposer un recommandé à la poste. En outre, il y a des restrictions désagréables :

  • Si un assuré est en retard dans le paiement de ses primes d’assurance maladie, il ne peut pas changer de caisse. Difficultés supplémentaires en vue donc pour ceux qui n’arrivent pas à assumer leurs primes, a fortiori des primes qui sont près de doubler pour certaines familles!
  • Impossible de changer de franchise en cours d’année: c’est possible seulement lors de l’annonce du montant des nouvelles primes, en novembre.
  • Les personnes disposant d’une assurance de base à choix limité des fournisseurs de prestations doivent s’affilier au même modèle dans la nouvelle caisse ou, si celui-ci n’existe pas, peuvent exceptionnellement changer de modèle en cours d’année.
  • La montant de la franchise ne peut pas être modifié en cours d’année, même en changeant de caisse.
  • En changeant de caisse-maladie pour l’assurance de base, l’assuré a droit au même catalogue de prestations. Par contre, il doit compter avec des restrictions s’il a opté pour un modèle alternatif de type HMO, médecin de famille, télémédecine, etc.

Rappelons enfin que les caisses ont l’obligation d’accepter les nouveaux assurés, quels que soit leur profil de risque, leur âge et leur état de santé.

Comment une caisse-maladie en arrive-t-elle a augmenter massivement ses primes en cours d’année?

EGK a subi une augmentation du nombre de ses assurés plus importante que prévu. C’est surtout dans le canton de Vaud qu’EGK s’est complètement fourvoyée dans ses projections: les «mauvais risques» se sont fortement accrus, de même que les charges par rapport à 2011.

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