La noyade sèche existe-t-elle?

Dernière mise à jour 20/07/17 | Article
noyade_seche
Depuis le début du mois de mai, la Centrale Téléphonique des Médecins de Garde (CTMG) a reçu plus de cinquante appels de parents inquiets pour la sécurité de leurs enfants en cette période estivale. La raison ? Le phénomène de « noyade sèche » qui fait le buzz sur internet. Selon les informations que l’on trouve sur le web, cette forme de noyade surviendrait jusqu’à 72h (voire plus) après pénétration d’eau dans les poumons, et le simple fait de « boire la tasse » suffirait à la déclencher. Face à la psychose, une mise au point s’impose.

En juillet 2015, le journal 24 heures évoquait le cas d'un enfant de 10 ans revenu en pleine forme de la piscine et décédé d'un œdème pulmonaire dans les heures suivantes. Plus récemment, en juin 2017, le quotidien 20 minutes relayait la noyade sèche d'un enfant de quatre ans, mort asphyxié dans son lit « une semaine après avoir barboté dans l'eau ». La Radio Télévision Suisse (RTS) a récemment consacré un reportage de quelques minutes à ce sujet dans le journal de 19h30. Bien entendu, internet n’est pas en reste, et de nombreuses informations alarmantes circulent sur le web et les réseaux sociaux. Certains sites évoquent par exemple la survenue de 3000 cas de noyade sèche aux Etats-Unis entre 2005 et 2015, sans que l’on sache sur quelles données s’appuient ces chiffres.

Un terme médical détourné

Alors, de quoi parle-t-on réellement ? L’OMS décrit la noyade comme « une insuffisance respiratoire résultant de la submersion ou de l'immersion en milieu liquide ». Lorsque la personne survit à l’aspiration de liquide, on parle de noyade non-fatale. Cette dernière peut conduire à des complications pulmonaires ou systémiques sévères bien connues. Mais pour parler de noyade, il faut qu'il y ait eu asphyxie, soit un arrêt de la circulation d'oxygène dans le corps. On peut donc considérer qu’un enfant a été victime d’une noyade si les parents ont constaté une atteinte de la respiration ou une dégradation de son état général suite à un événement dans l'eau. Le simple fait d’avaler de l’eau et de tousser ne constitue pas une asphyxie et n’est donc pas une noyade.

 Le syndrome décrit sur internet de « noyade sèche » ou « œdème pulmonaire secondaire à la pénétration d’eau dans les poumons » pouvant survenir plusieurs jours après un épisode de baignade n'existe pas dans la littérature médicale. Le terme « noyade sèche » est en réalité issu de la médecine légale qui, lors d'autopsies de corps noyés, désigne ainsi l'observation de poumons ne contenant pas d'eau. Un phénomène lié soit à un spasme réactionnel de la trachée qui conduit à une mort par asphyxie, soit à une mort qui survient avant l’inondation des poumons (arrêt cardiaque précédant la noyade). Il est donc très probable que les cas cités par certains médias ou sur internet concernent plutôt des décès liés à des complications non prises en charge d'une noyade ou à une autre cause non documentée, et que le terme lui-même résulte d’un amalgame fait de diverses entités cliniques.

Comment réagir face à une noyade

Bien que la « noyade sèche », telle que décrite sur les sites qui font le buzz, ne soit pas attestée dans la littérature médicale, une noyade n’est pas pour autant un événement à banaliser. Une des complications possibles d’une noyade non-fatale est l'œdème pulmonaire, accompagné dans les situations les plus graves d’un Syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA). En cas de noyade non-fatale avérée ou fortement suspectée, il est donc recommandé d’hospitaliser l’enfant lorsqu’il présente des symptômes inquiétants (lire encadré) ou d’instaurer une surveillance à l’hôpital pendant au minimum huit heures après l'événement s’il n’a plus de symptômes.

Que faut-il retenir ?

Il n'existe pas de littérature médicale décrivant le phénomène de noyade sèche. Il s’agit très probablement d’informations erronées reprises par les médias.

Lorsqu’un enfant inhale de l’eau, il est normal qu’il tousse brièvement, mais il ne devrait rapidement plus présenter de gêne. Dans ce cas, nul besoin de consulter.

Une observation médicale est recommandée si vous constatez des signes de noyade avec asphyxie, soit : une interruption ou gêne de la respiration, la présence d’un son inhabituel à la respiration, une coloration bleutée/pâle des lèvres et/ou des ongles, une réponse absente ou plus lente à la stimulation, un état de conscience inhabituel. Même si ces symptômes disparaissent rapidement après l’événement, mieux vaut consulter.

En cas de noyade avec un enfant inconscient appelez le 144.

La prévention de la noyade reste de vigueur. Surveillez systématiquement les enfants (surtout en dessous de 4 ans), même dans les piscines peu profondes, dans les pataugeoires et dans la baignoire. Utilisez des mesures de flottaison comme des manchons et apprenez-leur à nager dès que possible (3-4 ans).

_______

Références

Articles sur le meme sujet
MV_noyade_precautions

Risque de noyade: prenez vos précautions!

Quoi de plus agréable que de se baigner quand il fait chaud? Avec les canicules annoncées, la tentation sera sûrement très forte cet été. Mais attention au risque de noyade!
baignades_plongee_prudents

Baignades et plongée: restez prudents!

En voyage, on ne résiste souvent pas à la tentation de faire un plongeon dans une eau limpide. Dans certains cas, cette activité peut pourtant présenter des risques pour votre santé. Quelques précautions sont donc à observer pour profiter au mieux de la baignade.
sous_soleil_dangers

Sous le soleil, des dangers nous guettent

Journées caniculaires, nuits tropicales, baignades dans l’eau fraîche, savoureuses grillades à l’ombre des grands arbres… bonjour l’été!
Videos sur le meme sujet

La noyade, typologie et premiers secours

En 2016, durant la saison estivale, une cinquantaine de personnes se sont noyées dans les eaux suisses.

Loisirs aquatiques: la sécurité par l'apprentissage

Chaque année en Suisse environ cinquante personnes perdent la vie par noyade. C'est beaucoup et surtout bon nombre d'entre de ces accidents pourrait être évités. Cette vidéo aborde le sujet avec Jean-Claude Praz, instructeur auprès de la Société Suisse de Sauvetage.