«Un couple qui va bien est un couple qui sait résoudre les problèmes»

Dernière mise à jour 24/04/15 | Article
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En Suisse, 42 couples sur 100 divorcent, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique. Cela signifie que la majorité des mariages résistent… La thérapie de couple serait-elle un antidote? Interview du psychiatre Robert Neuburger, spécialiste du couple et de la famille.

Lorsque la relation se dégrade, les partenaires peuvent essayer d’y voir un peu plus clair en entreprenant une thérapie de couple. Que peut-on attendre d’une telle démarche? Les explications de Robert Neuburger, psychiatre, spécialiste du couple et de la famille, fondateur et directeur du Centre d'étude de la famille (CEFA1) et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet.

Planète Santé: Au quotidien, il n’est pas toujours facile de reconnaître que son couple va mal. Quels sont les signaux d’alarme?

Robert Neuburger: Très souvent, les gens consultent pour un problème communicationnel. Ce sont des discussions en boucle qui ne mènent à rien ou des disputes incessantes, parties d’une broutille. Parfois les gens ne se disent rien et tout à coup c’est la catastrophe qui sidère l’autre. Mais il s’agit en fait de symptômes qui ne renseignent pas sur la réalité profonde des difficultés du couple. C’est très important de le comprendre, c’est pourquoi les thérapies centrées sur les problèmes de communication s’avèrent souvent insuffisantes.

Vous remettez en cause les approches centrées sur les façons spécifiques de communiquer des femmes et des hommes, comme le célébrissime «Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus»2?

Oui, ce ne sont que des techniques. Mais il faut découvrir le problème qui est à la base des difficultés du couple. Et il ne va pas se révéler de lui-même, il faut aller le chercher. Même si les couples pensent l’avoir trouvé.

Auriez-vous un exemple?

La tromperie. C’est un motif de consultation fréquent. Mais il s’agit de savoir pourquoi l’un des deux est allé voir ailleurs. C’est très souvent en raison d’une insatisfaction dans la relation. Aujourd’hui, ceux qui se lancent dans un couple ont des attentes très fortes: ils cherchent à aimer –et surtout être aimés– pour se sentir exister en tant qu’homme ou femme.

C’est-à-dire?

Lorsque le couple est sorti de l’espèce de partie de ping-pong consistant à se renvoyer la responsabilité de leur échec, il exprime très souvent une frustration. Le couple semble aller bien, il a des enfants, mais un beau matin l’un des deux se réveille en se demandant: «Mais qu’est-ce que je fais là?». C’est que la dimension homme-femme est passée au second plan face aux contraintes du quotidien, le couple n’occupe plus que la portion congrue. On oublie la séduction, les sorties à deux, les attentions, les rites, tout ce qui fait vivre une relation et qui est particulier à chacune d’elle. Or, un couple a besoin de se sentir exister en tant que tel. La sexualité ne suffit pas, même si elle fait partie de ce tout.

On pense généralement que dans un couple «quand le sexe va, tout va»!

Ce n’est pas une manière très romantique d’exprimer les choses. Et non, ce n’est pas le cas, on n’existe pas dans son identité sexuée (qui comprend la totalité de la personne) simplement parce que l’on est un objet sexuel. Raison pour laquelle les sexologues ont beaucoup de mal à aider les couples en difficulté.

Face à l’allongement de l’espérance de vie, croyez-vous à la durée du couple?

Complètement! Quelques fois on me dit que le couple s’est usé. Je n’y crois absolument pas. En fait il a été négligé, ce qui n’est pas pareil. La relation tourne mal quand il y a une sorte de fraternisation qui s’engage. Les gens ne sortent plus du tout en tête à tête, ils ne partent plus seuls, petit à petit on s’aperçoit qu’ils n’ont plus de vie de couple.

Est-ce que cette fraternisation n’est pas nécessaire, car le couple traverse des épreuves dans lesquels il faut être solidaires et s’épauler?

Elle peut être nécessaire, mais c’est une question d’équilibre. S’il ne reste que la fraternité, le couple est en mauvaise posture. Les gens sont souvent très surpris car la relation semblait très sympathique, sauf qu’elle négligeait ce qui est le cœur du couple. Cela survient souvent après une deuxième naissance.

L’enfant ne cimente-t-il plus le couple?

Aujourd’hui les enfants ne favorisent pas le couple, au contraire, ils empiètent sur son territoire. Ils transforment le couple en une petite équipe éducative. Chacun est supposé s’impliquer de manière égale. C’est une évolution de la société, mais il est important que les parents en soient conscients afin qu’ils prennent la peine de laisser une place au couple à côté de sa fonction d’éducateur. Le profil typique du couple qui vient consulter c’est des personnes de 38-42 ans, travaillant à plein temps, parents de deux enfants.

Et les couples qui n’ont pas d’enfants?

C’est une question d’équilibre. Pas assez de couple tue le couple et trop de couple peut aussi poser problème.

A quels signes faut-il être attentif?

Dans un de mes livres, On arrête? On continue?3, je montre comment faire son bilan de couple. Le titre m’a été inspiré par un couple d’écrivains. Leur rituel consistait à se retrouver tous les six mois dans le bistrot où ils s’étaient rencontrés et se poser la question: «On arrête ou on continue?». Ils l’ont fait pendant plus de soixante ans. Bel exemple d’un provisoire qui dure! Il ne faut pas penser que les choses sont établies une fois pour toutes, c’est très important. Se remettre en question de cette manière tous les deux-trois ans est salutaire. Car un couple évolue et les attentes ne sont pas les mêmes à chaque âge de sa vie.

Quelles questions faut-il se poser?

Les questions qu’on peut se poser couvrent plusieurs aspects du couple: les communications verbales et non-verbales, les raisons du choix de ce partenaire-là, la capacité à faire des projets ensemble, les avantages que l’on a à vivre ce couple. Mais il n’y a pas de réponses toutes faites. Un couple est une petite association extrêmement complexe. Chaque histoire est unique.

Quelles sont les autres grandes raisons pour lesquels un couple se délite?

Il y en a beaucoup. Les différentes difficultés de la vie peuvent le mettre en péril. Mais un couple qui va bien ce n’est pas un couple qui n’a pas de problèmes mais qui sait les résoudre. Mon travail essentiel de thérapeute est de leur redonner une certaine créativité, que ce soit pour poursuivre ensemble ou pas. Par contre, je ne peux pas leur donner de solution, je n’en ai pas.

Faut-il consulter en couple ou séparément?

Il est préférable de venir en couple, car si l’on voit chacun séparément on risque d’avoir des informations qu’on ne pourra pas utiliser dans une séance commune. Une thérapie individuelle c’est très bien, mais c’est une démarche pour soi.

Souvent pourtant l‘un des membres du couple refuse de consulter, faut-il insister?

Le refus de consulter participe de la confrontation. Mais si l’un veut vraiment que son conjoint l’accompagne chez le thérapeute, le plus souvent il viendra.

Combien de temps prend une thérapie de couple?

En ce qui me concerne, je fais rarement plus d’une dizaine de séances, espacées de deux semaines chacune. Cette durée peut sembler limitée par rapport à celle d’une thérapie individuelle. En fait, il s’agira essentiellement de savoir à terme s’il y a des possibilités de changement ou non.

_________

1) www.cefageneve.com

2) John Gray, Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus, HarperCollins, 1992.

3) Robert Neuburger, On arrête?... On continue? Faire son bilan de couple, Ed Payot, 2002.

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