L’homme bio-artificiel a un bel avenir
Des premières prothèses orthopédiques aux stimulateurs cardiaques toujours plus petits et performants, les organes artificiels permettent de sauver des vies ou d’en améliorer la qualité depuis plus de cinquante ans. Aujourd’hui, miniturbine dans le coeur, microprocesseur dans le cerveau, cordes vocales remplacées par des implants en titane, etc. sont presque monnaie courante. Et demain ? Quels progrès fera encore la médecine en matière d’implants ? Réponses avec le Dr Beat Walpoth, consultant et responsable de la recherche fondamentale et clinique en chirurgie cardiovasculaire aux HUG et ancien président de la société européenne pour les organes artificiels.
Ce dernier insiste d’emblée sur un point : « La solution optimale demeure la transplantation, mais faute d’organes, il faut trouver d’autres pistes. » Pour pallier cette pénurie, citons quatre grands domaines de recherche : les organes artificiels, l’ingénierie biomédicale, la thérapie cellulaire et la xénotransplantation.
Interfaces homme-machine
Dans la première catégorie, les implants passifs comme les prothèses orthopédiques ou les valves cardiaques progressent dans la qualité des matériaux, la grandeur, le poids et la durée de vie. Alors que ceux dits actifs offrent de plus en plus de fonctionnalités : les stimulateurs cardiaques peuvent être consultés à distance, les prothèses de bras robotisées sont entièrement contrôlées par la pensée, de minuscules puces électroniques sont directement connectées aux cellules rétiniennes et des microélectrodes remplacent la cochlée. Sans oublier les interfaces hommemachine. Un exemple : pendant qu’une personne pense à une action, un électro-encéphalogramme enregistre les signaux électriques de son cortex, avant qu’un ordinateur ne les traite et les transforme en mouvements de la machine. Le potentiel d’application est énorme pour des patients souffrant de scléroses multiples, de dystrophie musculaire ou encore du syndrome d’enfermement (« locked-in »).
Greffons synthétiques biodégradables
En ce qui concerne le remplacement des organes qui ont des fonctions métaboliques (rein et foie), les solutions actuelles demeurent des machines externes. « D’ici dix ans, elles auront été miniaturisées, implantées car biocompatibles (lire ci-contre), avec des pompes et des batteries plus performantes comme c’est déjà le cas pour le coeur artificiel », relève le spécialiste. Autre champ, l’ingénierie biomédicale. Pour l’heure, des prothèses vasculaires synthétiques dégradables offrent d’excellents résultats chez l’animal après deux ans. L’objectif est de proposer, d’ici cinq à dix ans, des greffons synthétiques biodégradables pour l’homme. Une application concrète est prévue en chirurgie cardiaque dans le laboratoire du Dr Walpoth (Geneva Cardiovascular Research) : lors des pontages coronariens – 500 000 par année rien qu’aux Etats-Unis –, le greffon autologue (veine de la jambe ou artère mammaire) serait remplacé par des vaisseaux artificiels. « Les cellules se répandent dans la matrice biodégradable et reforment une propre structure biologique », explique le Dr Walpoth, qui voit dans un horizon fort lointain « la possibilité de recréer des organes entiers grâce au mélange de polymères et de cellules humaines ».
Thérapie cellulaire
La thérapie cellulaire offre elle aussi de nombreux espoirs pour des maladies telles qu’Alzheimer, Parkinson, diabète, insuffisance cardiaque, leucémie. Les cellules souches peuvent se diviser presque à l’infini et se différencier en n’importe quel autre tissu du corps : muscle, foie, coeur, etc. Pour l’heure, il est possible de cultiver in vitro des tissus à partir de cellules souches embryonnaires ou adultes. A l’avenir, l’objectif est de rendre les greffons compatibles pour une implantation chez l’humain en éliminant les risques comme le rejet et les tumeurs. Relevons que la médecine régénératrice propose déjà des utilisations : greffe de cellules souches hématopoïétiques (provenant de la moelle épinière) pour traiter les leucémies ou d’autres maladies graves du sang ; greffes cutanées chez les grands brûlés ; injection de cellules souches dans un infarctus
du myocarde pour améliorer la fonction cardiaque. « Dans ce dernier cas, des recherches, notamment à l’Université de Genève, visent à obtenir une meilleure fonction et survie de ces cellules », relève le Dr Walpoth.
Xénotransplantation
La xénogreffe, c’est-à-dire l’utilisation d’organes animaux pour la transplantation chez l’humain, est aussi une source d’espoir. Les travaux sur les cellules pancréatiques et hépatiques porcines sont nombreux, mais l’application à l’homme est encore lointaine. Les barrières immunologiques et infectieuses seront les plus difficiles à lever.
Source
Pulsations - juillet-août 2011 / Photos : Julien Gregorio / Phovea
Article original: http://www.hug-ge.ch/_library/pdf/Actualite_sante/Journale_Pulsations_07_2011/p08_13_DOSSIER.pdf