Cellules souches: un mini-foie humain voit le jour

Dernière mise à jour 16/10/13 | Article
Cellules souches: un mini-foie humain voit le jour
Une équipe de chercheurs japonais vient de créer un foie humain miniature à partir de cellules souches. Une alternative possible aux dons d’organes? Assurément, mais pas pour tout de suite. Explications.

L’idée, l’espoir: pouvoir un jour remplacer une partie, ou la totalité, d’un foie, d’un cœur, ou encore d’un poumon malade, par un organe neuf, parfaitement compatible et fonctionnel. Un scénario sur lequel planchent depuis plusieurs décennies les plus grands laboratoires de recherche à travers le monde. Dans le rôle principal: les cellules souches, actrices prodigieuses, capables de se muer en cellules cardiaques, hépatiques ou encore neuronales, mais dont les chercheurs tentent encore de dompter les attitudes imprévisibles et capricieuses, comme leur capacité d’intégration et leur comportement sur le long terme.

C’est dans ce contexte que les travaux menés par une équipe de chercheurs japonais constituent une avancée notable. A partir de cellules souches devenues cellules hépatiques, le professeur Takanori Takebe et ses collègues sont parvenus à fabriquer en laboratoire un mini-foie humain. Une prouesse en soi, relayée dans la revue Nature1, puisque l’élaboration d’organes en trois dimensions recèle une difficulté majeure: garantir une oxygénation parfaite de l’ensemble des cellules, y compris celles situées au cœur de la structure créée. «C’est le défi crucial de l’exercice, explique Marisa Jaconi, chercheuse au département de pathologie et immunologie de la faculté de médecine de l’Université de Genève. Si l’oxygénation ne se fait pas, ou mal, les cellules meurent et l’organe se détériore.» C’est donc un foie, de très petite taille, mais parfaitement auto-organisé et vascularisé que les chercheurs japonais ont implanté chez une souris. Au bout de 48 heures, ils ont pu observer la seconde partie de leur succès: l’organe a su se relier à la circulation sanguine de l’animal pour recevoir l’oxygène nécessaire et produire des protéines hépatiques spécifiques, preuves de son intégration et de sa fonctionnalité. Seule la connexion au système biliaire ne s’est pas faite. «Les investigations continuent donc, mais ce résultat est très encourageant pour la suite, estime Marisa Jaconi.» Une suite qui pourrait se traduire par de premiers essais cliniques chez l’homme d’ici une décennie.

Les cellules souches dans tout cela? Si la fabrication de ce mini-foie a nécessité un mélange de diverses cellules –notamment des cellules endothéliales à l’origine des vaisseaux sanguins – les cellules hépatiques elles-mêmes ont été obtenues à partir de cellules souches humaines. Présentes dans les premiers stades du développement de l’embryon, les cellules souches embryonnaires dites «pluripotentes» renferment en elles tous les scénarios possibles pour devenir par exemple cellules du cœur, des os ou encore de la rétine, en fonction de l’organe dans lequel elles sont affectées et des instructions qu’elles reçoivent des hormones. Si ces cellules souches embryonnaires font l’objet de vives recherches depuis un demi-siècle, une découverte récente a marqué un tournant dans l’histoire de la médecine: toute cellule, devenue mature et spécialisée, par exemple une cellule de peau prélevée chez un individu adulte, est capable de retourner à l’état de cellule souche «embryonnaire» pour ensuite se métamorphoser, à la demande, en cellule du cœur, du foie, ou encore du rein. Cette reprogrammation, savamment orchestrée en laboratoire, a valu le Prix Nobel de médecine en 2007 à son concepteur, le professeur japonais Shinya Yamanaka. Et a fait de lui le père des cellules IPS (cellules Souches Pluripotentes Induites) ainsi créées.

En quoi consiste l’intervention? «Dès lors qu’une cellule s’est spécialisée, par exemple en cellule cardiaque, les "gènes-maîtres" de la pluripotence (dont quatre en particulier) s’éteignent, ce qui empêche la cellule de changer de rôle, explique Marisa Jaconi. On ne sait pas encore "rallumer" directement ces quatre gènes, mais on sait les reproduire en laboratoire et les réinjecter dans la cellule. Ces gènes étrangers parviennent alors à "rallumer" toute une série de signaux, y compris ceux qui ont inactivé les fameux "gènes-maîtres".» Résultat: ceux-ci se rallument, les gènes étrangers s’éteignent d’eux-mêmes et la cellule recouvre sa faculté de pluripotence. Ne reste alors plus qu’à ajouter le cocktail adéquat d’hormones et de facteurs de croissance pour qu’elle devienne la cellule de rein, de rétine ou de foie souhaitée.

Ce procédé ne se fait pas sans heurts, parmi eux: la production, dans le lot, de cellules de nature autre que celle souhaitée, d’où la nécessité d’un triage soigneux; mais également un risque possible d’aberrations pouvant conduire à une prolifération cellulaire effrénée, à l’origine de tumeurs. «La recherche avance pour contrecarrer ces incidents, poursuit Marisa Jaconi. Les perspectives rendues possibles par les cellules IPS n’en demeurent pas moins immenses pour la médecine régénérative de demain.»

1. Numéro du 25 juillet 2013.

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