Téléphones portables et tumeurs cérébrales: zéro risque?

Dernière mise à jour 08/06/22 | Article
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Selon la vaste étude internationale MOBI-Kids, il n’y aurait pas de lien entre l’utilisation du téléphone portable et un risque accru de tumeurs cérébrales chez les enfants et les adolescents.

Les smartphones sont dans toutes les poches, ou presque, des jeunes d’aujourd’hui. Selon l’étude suisse JAMES[1], 99% des adolescents entre 12 et 19 ans possèdent un téléphone portable. Mais qu’en est-il du risque, en particulier concernant le cerveau, lié à l’usage de cet accessoire devenu si familier? MOBI-Kids, une étude internationale de grande envergure impliquant des instituts de recherche de pas moins de quatorze pays, s’est penchée sur la question. Les chercheurs sont arrivés à la conclusion qu’il n’y avait pas de preuves de lien entre le rayonnement électromagnétique des téléphones portables et les tumeurs cérébrales chez les enfants et les adolescents. Les résultats ont été publiés en février2022dans la revue Environment International [2].

Précautions au quotidien

Voici comment limiter votre exposition et celle de vos enfants aux champs électromagnétiques, selon les recommandations de l’American Cancer Society:

  • Le moyen le plus évident est simplement de moins utiliser votre smartphone et d’instaurer un temps d’écran pour vos enfants.
  • L’autre moyen très efficace consiste à éloigner le téléphone de la tête. Pour passer des appels, activez le mode haut-parleur ou les fonctions «chat» vidéo du téléphone, ou munissez-vous d’un dispositif mains libres tels que des écouteurs avec ou sans fil. La quantité d’ondes atteignant le cerveau est de cette façon réduite. À savoir que les casques ou oreillettes Bluetooth® émettent des ondes à des niveaux de puissance beaucoup plus faibles que les téléphones portables eux-mêmes.
  • Au lieu de téléphoner, écrivez des messages. Toutefois, pour des raisons évidentes de sécurité, évitez de rédiger des SMS en traversant la route ou en conduisant.

Les chercheurs ont analysé la situation de près de 900 individus âgés de 10 à 24 ans, atteints de tumeurs cérébrales – dont environ la moitié de gliomes (lire encadré). Ces jeunes ont été interrogés sur la fréquence d’utilisation de leur téléphone portable et du WIFI. Ces réponses ont été comparées avec les données des opérateurs téléphoniques, en accord avec les participants. Une part d’entre eux a également accepté d’installer, sur leur téléphone, un logiciel pour quantifier, durant un mois, les appels (nombre et durée), les messages et le transfert de données internet. D’autres facteurs ont également été investigués: exposition domestique aux rayonnements électromagnétiques (cuisinière à induction, chargeurs), antécédents médicaux, lieux d’habitation, sources d’eau potable, etc. Parallèlement, les parents ont été interrogés sur les expositions qui auraient pu avoir lieu avant la conception, durant la grossesse et au cours de la première année de vie de l’enfant. Enfin, des informations médicales sur la tumeur, ses symptômes précurseurs, le diagnostic, etc., ont été recueillies. Pour évaluer au mieux l’influence des rayonnements électromagnétiques sur le cerveau, les scientifiques ont également interrogé des «cas contrôle». Pour chacun des participants avec tumeur cérébrale, deux patients témoin au profil similaire (sexe, âge, région géographique, date de l’interview), mais hospitalisés pour une appendicite, ont été questionnés. Leurs habitudes de téléphonie ont également été analysées.

Des résultats encourageants mais pas définitifs

L’étude, menée entre2010 et2015, ne montre pas de corrélation entre tumeur cérébrale et usage du téléphone portable. Peut-on pour autant être véritablement rassuré? Pour les experts interrogés, il reste difficile de trancher définitivement. «Il est très compliqué, en médecine, de prouver, comme ici, une absence totale de relation entre deux facteurs», commente le Dr Andreas Hottinger, directeur du Centre des tumeurs du cerveau et de la moelle épinière au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Certes, cette recherche est de bonne facture et porte sur un grand nombre de sujets, mais, remarque le Dr André von Büren, médecin adjoint agrégé en onco-hématologie pédiatrique aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), «tous les participants sélectionnés n’ont pas répondu aux questionnaires. Si le taux de réponse avait été de 100% dans les deux groupes, les résultats seraient plus représentatifs». Aussi, pour le spécialiste genevois, on manque encore de recul pour écarter tout soupçon.

Cela étant, et c’est une bonne nouvelle, les résultats de MOBI-Kids confirment la tendance épidémiologique normale du gliome: «Le risque baisse naturellement à partir de l’âge de dix ans jusqu’à la fin de l’adolescence, que les sujets utilisent peu ou beaucoup leur téléphone portable, rassure le Dr Hottinger. Aussi cette étude montre que même si un lien direct devait malgré tout exister, son impact demeurerait très faible.»

D’autres essais cliniques, menés principalement chez l’adulte, montrent peu ou pas de risques. Quant aux sociétés savantes, les positions divergent. Le Centre international de recherche sur le cancer (International Agency for Research on Cancer), sur la base d’études publiées jusqu’en 2011, classe les rayonnements électromagnétiques comme possiblement cancérigènes pour l’humain. Pour l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (Food and Drug Administration), qui s’appuie sur des études plus récentes et sur la tendance nationale des taux de cancer, il n’y a pas de preuves suffisantes pour soutenir une association causale entre l’exposition aux rayonnements de radiofréquence et le développement de tumeurs. Quant à la Société américaine contre le cancer (American Cancer Society), elle ne se prononce pas. En attendant que toute la lumière soit faite, restons attentifs et vigilants (lire encadré).

Qu’est-ce que le gliome?

Le gliome est une tumeur qui se développe dans le cerveau ou dans la moelle épinière. Ce terme regroupe plusieurs types de cancers en fonction des cellules atteintes. L’étude MOBI-Kids s’est penchée en particulier sur les cellules gliales, chargées de la nutrition, du nettoyage et de la protection des neurones.

La sévérité de la tumeur et le pronostic du patient dépendent des caractéristiques moléculaires et génétiques des cellules touchées. Le gliome de bas grade, le plus fréquent chez les enfants, est celui qui a le meilleur pronostic. Le gliome de haut grade, plus rare chez l’enfant, est plus défavorable.

Le pic d’apparition des gliomes de bas grade se situe entre l’âge de 2 et 5 ans. En Suisse, chaque année, on diagnostique environ 250 nouveaux cas de cancers chez les enfants et les adolescents. Parmi eux, une cinquantaine sont des tumeurs cérébrales, dont la moitié des gliomes.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 05/06/2022

[1] Bernath J, Suter L, Waller G, et al. JAMES – Jeunes, activités, médias – enquête Suisse. Zurich, 2020: Zürcher Hochschule für Angewandte Wissenschaften.

[2] Castaño-Vinyals G, Sadetzki S, Vermeulen R, et al. Wireless phone use in childhood and adolescence and neuroepithelial brain tumours: Results from the international MOBI-Kids study.Environ Int. 2022;160:107069. Doi:10.1016/j.envint.2021.107069.

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