Malvoyance: les promesses des greffes de cellules-souches

Dernière mise à jour 17/02/14 | Article
Malvoyance: les promesses des greffes de cellules-souches
Remplacer des cellules détruites de la rétine par des «neuves»: tel est l’objectif de la thérapie cellulaire. Des essais préliminaires, menés sur des patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), sont encourageants.

L’avenir, dit-on, est à la médecine régénérative. A la création de «pièces de rechange» qui viendraient remplacer des organes, tissus ou cellules malades. Ce qui paraissait un doux rêve commence à se concrétiser dans la médecine de l’œil. Une petite lueur au bout du tunnel pour des patients souffrant de maladies aujourd’hui incurables, comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Les premiers volontaires traités estiment en effet que leur vision s’est améliorée.

Un rôle crucial

Première cause de malvoyance après 50 ans dans les pays développés, la DMLA est due à une dégénérescence de la partie centrale de la rétine, la macula. En cause: la destruction de cellules qui jouent un rôle crucial dans la rétine: les photorécepteurs et les cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR). Les premiers transforment les signaux lumineux en impulsions électriques qui, via le nerf optique, sont ensuite envoyées au cerveau. Ces cônes et ces bâtonnets ne pourraient toutefois pas survivre sans les cellules de l’EPR, qui les nourrissent, les soutiennent et les éliminent quand ils sont détruits.

Mais que faire quand les précieuses EPR sont détruites? L’une des solutions aujourd’hui envisagée est de… les remplacer par des cellules «neuves», créées de toutes pièces en laboratoire à partir de cellules souches embryonnaires. Il s’agit de cellules non spécialisées que l’on pousse à se transformer –à se «différencier», comme disent les scientifiques– en cellules de cœur, de foie ou de rétine. «Par chance, pour ce qui concerne les EPR, cette différentiation se fait relativement facilement», constate Yvan Arsenijevic, chef de l’unité de thérapie génique et de biologie des cellules souches de l’Université de Lausanne, à l’Hôpital ophtalmique Jules Gonin.

Dans le bon sens

Un premier essai clinique a été mené en 2012 aux Etats-Unis par des chercheurs de l’Université de Californie et de l’entreprise Advanced Cell Technoloy. Il a porté sur deux patientes. La première souffrait de la forme sèche de la DMLA, la plus courante, qui est incurable. La seconde avait la maladie de Stargardt, une pathologie plus rare mais tout aussi inguérissable, qui se traduit également par une altération progressive de la macula. L’essai était destiné à prouver la tolérance et l’innocuité de la méthode, et sur ces points il a été concluant. Il a aussi permis d’améliorer la vision des deux femmes, mais seulement «un peu», précise le spécialiste lausannois. La première a gagné environ 1/10 d’acuité visuelle. Quant à la seconde, qui ne distinguait que les mouvements des mains, elle a pu discerner ceux des doigts après l’intervention.

Depuis, une vingtaine de personnes dans le monde ont fait l’objet de tests de thérapie cellulaire et la plupart ont estimé qu’elles avaient légèrement gagné en acuité visuelle.

«Il ne s’agit que de réactions subjectives, tempère Yvan Arsenijevic. En outre, ces effets pourraient être dus à la chirurgie elle-même et seul le temps révélera si cette transplantation est efficace». Le chercheur estime toutefois que ces résultats «vont dans le bon sens».

Cellules adultes reprogrammées

En attendant que ces promesses se confirment, des chercheurs japonais explorent une autre voie de thérapie cellulaire. Le principe de la méthode reste le même, mais au lieu d’utiliser des cellules souches embryonnaires pour créer des EPR, ils emploient des cellules de la peau des patients. Il s’agit de «cellules pluripotentes induites» (IPS) qui, bien qu’adultes, ont elles aussi la faculté de se différencier en d’autres types de cellules.

L’avantage, c’est que l’on s’affranchit des cellules prélevées sur l’embryon qui soulèvent des problèmes éthiques et législatifs. Il y a néanmoins un bémol: ces IPS sont obtenues par reprogrammation génétique et, si ce processus n’est pas complet, elles pourraient devenir cancéreuses. Ce risque est toutefois limité dans le cas des EPR, «car ces cellules ont été bien différenciées et caractérisées», remarque Yvan Arsenijevic. Le chercheur a par ailleurs confiance dans sa collègue japonaise Masayo Takahashi, qui, selon lui, procède avec tout le sérieux nécessaire. C’est sans doute pour cette raison que l’équipe qu’elle dirige à la Fondation biomédicale de Kobe vient d’obtenir l’autorisation de se lancer dans un premier essai clinique qui pourrait être mené cette année.

Reste que la production de cellules rétiniennes à partir de cellules adultes IPS demande une grosse infrastructure (le laboratoire de Kobe «emploie 30 personnes uniquement pour produire ces cellules», note le chercheur suisse) et elle risque donc d’être «très chère». Quoi qu’il en soit, c’est dans les cellules souches, embryonnaires ou adultes, que réside actuellement l’espoir de traiter les patients souffrant de DMLA.

Des photorécepteurs transplantés chez des souris

Certaines maladies de l’œil, comme la rétinite pigmentaire, sont elles aussi provoquées par la dégénérescence de cellules de la rétine. Mais cette fois, ce sont les photorécepteurs eux-mêmes qui sont détruits.

Ces cônes et bâtonnets sont plus difficiles à créer en laboratoire que les EPR, mais des chercheurs britanniques de l’University College de Londres ont malgré tout relevé le défi. Du moins chez les souris. Ils ont en effet réussi à générer des photorécepteurs à partir de cellules souches embryonnaires de rongeurs. En utilisant une technique mise au point au Japon, ils ont produit des amas de cellules rétiniennes en trois dimensions qu’ils ont ensuite greffés au fond de l’œil de souris aveugles.

Trois semaines plus tard, les photorécepteurs transplantés avaient l’aspect de cellules en bâtonnet normales et s’étaient correctement positionnés dans l’œil de leur hôte. Ils sont même entrés en connexion avec les autres neurones de la rétine. Cela fait des années que des chercheurs tentaient de réaliser ce genre d’expérience, mais «c’est la première fois que des photorécepteurs dérivés de cellules souches s’intègrent à la rétine», commente Yvan Arsenijevic, spécialiste de thérapie cellulaire à l’Hôpital ophtalmique Jules Gonin à Lausanne.

Toutefois, ajoute-t-il, «on n’a pas encore montré que ces photorécepteurs participent à la vision de l’animal». D’ailleurs, sur les 200 000 cellules greffées, seules environ 1200 sont arrivées à bon port. «Cela correspond aux résultats que nous avons obtenus», précise le chercheur de l’Hôpital lausannois qui mène avec ses collègues des expériences analogues.

Il faudra sans doute encore attendre plusieurs années pour lancer les premiers essais de thérapie cellulaire de ce type sur des êtres humains. Mais déjà Yvan Arsenijevic prévient «qu’il existe différentes formes de dégénérescence des photorécepteurs». Même si cette technique donnait des résultats concluants, elle «ne pourrait pas bénéficier à tous les patients».

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