Bien dormir en 6 leçons

Dernière mise à jour 04/11/20 | Article
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Difficile de s’endormir? Difficile de faire une nuit d’une traite? Voici quelques conseils.

Le réveil est pour beaucoup un moment difficile … Le corps engourdi, les yeux mi-clos, légèrement irritable, vous vous levez de gré ou de force en promettant: «Ce soir, je me couche tôt!» Pour être frais et «dispo», c’est sûr, il faut prendre soin de son sommeil. Mais comment? Les conseils du Dr José Haba-Rubio, médecin et chercheur au Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et au Centre du sommeil de Florimont à Lausanne.

Le sommeil en chiffres

On dort en moyenne 1,5 heure de moins qu’il y a 100 ans

Les étudiants ont perdu 1 heure de sommeil en 30 ans

30% des travailleurs dorment moins de 6 heures par nuit pendant la semaine, ce qui n’est clairement pas suffisant pour la plupart d’entre nous.

Environ 8% de la population prend régulièrement des médicaments pour dormir, selon une étude lausannoise

Comprendre ses besoins

Êtes-vous plutôt du matin ou du soir? Appartenez-vous à la catégorie des petits ou des gros dormeurs? S’il faut en moyenne sept à huit heures de sommeil à un adulte pour être en forme, ceci n’est qu’une moyenne statistique. Les besoins de sommeil restent en fait individuels. Ne vous laissez donc pas imposer de diktats et ne cherchez pas à atteindre un idéal dans ce domaine. L’important est de connaître ses propres besoins et de se sentir bien durant la journée. Si tel n’est pas le cas, profitez d’une période de vacances pour observer votre propre rythme: allez vous coucher lorsque vous vous sentez fatigué et réveillez-vous naturellement. Notez ainsi durant une semaine vos horaires de coucher et de lever afin de dégager la tendance qui est la vôtre, qu’il s’agira ensuite de respecter au quotidien. Des réveils difficiles, une baisse de la concentration, de la mémoire, une sensation de fatigue, voire de somnolence peuvent indiquer un manque de sommeil ou un trouble du sommeil (insomnie, apnées du sommeil, syndrome des jambes sans repos, par exemple).

Un peu de discipline!

En matière de sommeil, la régularité sera votre amie. Couchez-vous et levez-vous à heures fixes, y compris le week-end, surtout si vous avez des problèmes de sommeil. Car comme tous les mammifères, nous fonctionnons selon le rythme circadien de 24 heures. Nous sommes en effet dotés d’une horloge interne, située dans l’hypothalamus au centre de notre cerveau. Celle-ci calque son rythme sur celui du jour et de la nuit. Lorsque la luminosité baisse, notre cerveau sécrète de la mélatonine, l’hormone du sommeil. Nous ressentons alors des signes de fatigue, qui s’accompagnent aussi souvent de frissons. La température de notre corps, elle aussi dictée par l’horloge interne, baisse lorsqu’il est l’heure d’aller se coucher. Pour renforcer cette régularité, vous pouvez également créer un rituel avant d’aller dormir.  

Se réconcilier avec ses nuits

«Les enregistrements en laboratoire montrent que l’on dort souvent davantage que ce que l’on croit et que l’on a tendance à surestimer la durée des réveils nocturnes», observe le Dr Haba Rubio. La fatigue qui nous tient, la présence de facteurs perturbateurs (stress, environnement bruyant, enfants en bas âge qui nous réveillent la nuit, ronflements du partenaire, etc.) ainsi que la pression sociale de performance cristallisent bien des angoisses autour du sommeil. Certaines personnes repoussent l’heure du coucher par peur de ne pas pouvoir s’endormir, d’autres, à peine allongées dans leur lit, ne peuvent s’empêcher de ruminer leur journée, tandis que d’autres encore, au moindre réveil durant la nuit, se mettent à compter le nombre d’heures qu’elles ont dormi et celles qui leur restent avant le réveil pour espérer être en forme le lendemain… Pour bien dormir toutefois, il est important de retrouver un rapport positif au sommeil. Cela passe par un lâcher-prise, explique le spécialiste: «Plus on essaie de contrôler son sommeil, plus il nous échappe!». L’insomnie est malheureusement un phénomène qui s’auto-entretient. Pour casser ce cercle vicieux, quelques séances de thérapie cognitive et comportementale avec un psychologue spécialisé peuvent permettre de se défaire de ces associations négatives et retrouver un rapport serein à Morphée. Des techniques de relaxation peuvent également aider à réduire le stress, lui-même nuisible au sommeil.

Renoncer aux somnifères

Les somnifères apportent un soulagement temporaire aux problèmes de sommeil, en particulier lorsqu’on a de la peine à s’endormir. Mais ils ne sont recommandés que pour une courte durée, en cas d’insomnie aiguë. Vous l’ignorez peut-être, les médicaments inducteurs de sommeil tels que les benzodiazépines péjorent en réalité la qualité des nuits, en diminuant la quantité de sommeil profond au profit d’un sommeil plus léger. Dans ce domaine, évitez l’automédication et demandez conseil à votre médecin. L’arrêt de la prise de somnifères doit se faire progressivement. Si les difficultés d’endormissement persistent, mieux vaut s’attaquer au cœur du problème, et en trouver les raisons profondes.

Évitez les excitants

Un bon dormeur tolérera sans doute tous les excès sans que ses nuits n’en soient perturbées, contrairement aux mauvais dormeurs dont le sommeil est plus fragile. Si vous faites partie de cette dernière catégorie, veillez à éviter de consommer des excitants tels que le café, le thé, le tabac et l’alcool en soirée voire même dès l’après-midi déjà. Alcool et sommeil en particulier ne font pas bon ménage. Même s’il vous donne la sensation de vous assoupir, l’alcool modifie la structure du sommeil, le rendant plus superficiel. Il provoque des réveils nocturnes, de la transpiration, des apnées du sommeil et des ronflements, en raison du relâchement des muscles des voies respiratoires. Préférez donc une bonne tisane avant le coucher.

Éloigner les écrans

Les écrans d’ordinateurs, les tablettes ainsi que nos chers smartphones diffusent une lumière bleue néfaste pour le sommeil. Et pour cause, elle bloque la sécrétion de mélatonine, l’hormone qui induit le sommeil. Conséquence: il devient plus difficile de s’endormir, et l’on creuse peu à peu sa dette de sommeil. Un phénomène très présent chez les adolescents qui connaissent déjà un retard de phase en raison de la puberté. Donc, plutôt que de passer votre soirée devant les écrans et les réseaux sociaux, lisez un bon bouquin avant d’aller dormir. Idéalement, il faudrait en effet tenir les écrans à distance au moins deux heures avant le coucher. Autre possibilité, utiliser des filtres pour minimiser l’impact de la lumière bleue sur vos différents appareils, dont l’apparence sera dès lors réchauffée.

Dormir, ça sert à quoi?

La science cherche depuis longtemps à percer le mystère … Elle a cependant déjà montré que le sommeil était essentiel à la survie, ce qui explique en partie pourquoi nous l’avons conservé au cours de l’évolution. On sait également qu’il préserve notre activité cérébrale en éliminant les substances toxiques et en protégeant les neurones. Il semble qu’il joue un rôle majeur dans la consolidation de la mémoire. Les expériences de privation de sommeil ont montré les dégâts sur la concentration, l’humeur, mais aussi sur la résistance à l’insuline, le poids et le système immunitaire.

Pour en savoir plus…

«J’ai envie de comprendre le sommeil», Elisabeth Gordon, Raphaël Heinzer et José Haba-Rubio, éditions Planète santé, 2013.

«Je rêve de dormir», R. Heinzer et J. Haba-Rubio, éd. Favre, 2016.

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Paru dans L’Illustré le 26/08/2020.

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