La médecine personnalisée se penche sur les apnées du sommeil

Dernière mise à jour 26/03/19 | Article
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De plus en plus, les spécialistes visent une prise en charge «sur mesure» des apnées du sommeil, même si les obstacles restent nombreux.

Et si une fatigue écrasante ou une dépression latente étaient en réalité le signe d’incidents respiratoires survenant durant la nuit? Le nom de ces potentielles coupables: les apnées obstructives du sommeil. A l’origine du problème, un rétrécissement du calibre du pharynx pendant le sommeil, empêchant l’air de passer. Les apnées qui en découlent peuvent durer de dix secondes à plus d’une minute. Alerté notamment par le manque d’oxygène, le cerveau déclenche alors de micro-réveils – la reprise de souffle est généralement très sonore – puis le sommeil reprend. Certaines personnes, sans en garder le moindre souvenir, font ainsi cinq, dix, voire cent apnées par heure.

Faites le test!

Sans dire son nom, s’épargnant même parfois les ronflements caractéristiques, l’apnée du sommeil est aujourd’hui sous-diagnostiquée, notamment chez les femmes, pour qui elle peut prendre les allures d’une «simple» dépression. Mis au point par les équipes des Drs Raphaël Heinzer et José Haba-Rubio du Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du Centre hospitalier universitaire vaudois et de l’Université de Lausanne, le test «Lausanne NoSAS Score» propose un dépistage rapide des apnées du sommeil. Cinq paramètres sont à renseigner: l’âge, le sexe, les ronflements, l’indice de masse corporel et le tour de cou. Un test préalable intéressant en cas de doute et avant une consultation médicale.

Plus d’informations: www.lausanne-nosas-score.com

Selon la Ligue pulmonaire, plus de 150'000 personnes en Suisse souffrent d’apnées du sommeil. Si l’âge et le surpoids sont les causes les plus fréquentes, d’autres facteurs ont été mis en évidence. Parmi eux: une mâchoire «rétrognathe», autrement dit «en arrière», un cou très étroit, une faiblesse des muscles dilatateurs du pharynx ou encore la présence d’amygdales volumineuses chez les enfants.

«Le plus souvent, ce sont une fatigue chronique, des ronflements très intenses épuisant le conjoint, voire les questions spécifiques posées par le pneumologue qui permettent de démasquer le problème», explique le Dr Christophe Uldry, pneumologue à l’hôpital de Rolle (Groupement hospitalier de l'ouest lémanique). Le test diagnostique se fait alors grâce à un enregistrement durant la nuit, le plus souvent à la maison.

Plusieurs options

Une fois le trouble confirmé, l’objectif est clair: faire en sorte que le pharynx reste ouvert pendant la nuit pour laisser l’air circuler. Pour cela, aucun médicament, mais plusieurs options. La plus répandue est la «pression positive continue», plus connue sous son acronyme anglais, la CPAP, qui consiste en un masque nasal relié à un compresseur d’air, à porter la nuit. «Si la CPAP convient, c’est parfait! réagit le Pr Jean-Louis Pépin, chef du Service de physiologie au Centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes. Mais ce n’est pas toujours le cas, puisqu’on déplore 15% de refus immédiat et 20 à 25% d’abandons dans les années suivant la prescription.» Or le problème ne peut rester sans solution. Et pour cause, l’accumulation de fatigue n’est que la partie émergée de l’iceberg, puisqu’en exposant l’organisme à un stress chronique, les apnées du sommeil augmentent le risque d’accidents vasculaires cérébraux, de diabète ou encore d’infarctus.

Des alternatives à la CPAP sont donc à envisager au cas par cas, comme les orthèses – gouttières buccales à porter la nuit pour avancer la mâchoire inférieure –, les gilets ou systèmes électroniques empêchant de dormir sur le dos, l’ablation des amygdales chez les enfants, ou encore la pose d’un pacemaker pour stimuler le nerf de l’hypoglosse niché dans le pharynx, une démarche encore plutôt expérimentale toutefois.

Pas de seuil clair

C’est dans ce choix que la médecine personnalisée prend tout son sens. «On sait aujourd’hui que le profil du patient détermine le traitement qui lui convient le mieux, mais également son observance – autrement dit la façon dont il va respecter la prescription médicale – et les chances de succès du traitement sur le long terme», résume le Pr Pépin.

Une démarche logique, mais pas si simple: «Le premier problème est qu’il n’existe pas de seuil clair à partir duquel un traitement s’impose, alerte le Dr Uldry. Une personne peut comptabiliser quinze apnées par heure sans symptômes, quand une autre sera éprouvée alors qu’elle en fait trois fois moins. Sans compter que le phénomène peut varier selon les stades de sommeil, d’une position à l’autre, etc. Aujourd’hui déjà, l’approche se veut donc personnalisée: le diagnostic repose sur les résultats de tests, mais également sur les plaintes du patient, son état de santé et son profil de risque cardiovasculaire. Mais, pour optimiser la prise en charge, c’est certain, il faut aller encore plus loin.» Enregistrements minutieux en centres du sommeil, travaux de recherche sur les patients concernés ou encore questionnaires de qualité de vie font partie des pistes étudiées par les experts.

«L’apnée du sommeil est une pathologie complexe qui nécessite une prise en charge d’autant plus globale et individualisée qu’elle peut trouver son origine dans un dysfonctionnement à traiter par ailleurs, explique le Pr Pépin. La CPAP peut à elle seule traiter l’apnée du sommeil. Mais si celle-ci résulte d’un surpoids qui génère une hypertension et un diabète, il faudra également traiter ces problèmes par le biais d’un traitement combiné.»

«Désormais, je dors comme un bébé»

En raison d’un rétrécissement au niveau de la glotte, Salvatore, 57 ans, souffrait d’intenses apnées du sommeil, jusqu’à ce que la CPAP (pression positive continue) transforme ses nuits. «J’avais souvent un coup de fatigue entre 17h et 19h, mais je le mettais sur le compte de mes journées de travail. Et puis, il y a eu ma compagne, qui avait de plus en plus de mal à dormir à mes côtés tant mes ronflements étaient intenses. J’ai fini par consulter mon médecin généraliste, qui m’a envoyé faire des tests à la Ligue pulmonaire. Et là, le résultat a été sans appel, avec des taux presque records de 94 apnées par heure. C’est ainsi que la CPAP est entrée dans ma vie. J’avoue que le premier mois, mes nuits ont été chaotiques: l’air propulsé dans les narines, la contrainte de dormir la bouche fermée, pas sur le ventre… une vraie galère au départ! Pas facile non plus pour ma compagne: il y a quand même plus glamour qu’une CPAP. Dans l’ombre, on peut avoir l’impression de dormir avec quelqu’un qui est aux soins intensifs. Mais passé ces premières semaines, ma vie a été transformée: désormais, je dors comme un bébé et j’ai retrouvé toute mon énergie. Ce qui m’a motivé à adopter cette machine? Le fait de pouvoir régler un tel problème sans prendre de médicament. Aujourd’hui, cette machine fait partie de mon quotidien, elle a même sa place dans les valises quand je pars en week-end. Quant à ma compagne, elle est aussi amusée que reconnaissante vis-à-vis de la CPAP, qui lui a permis, à elle aussi, de retrouver des nuits reposantes.»

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Paru dans le Quotidien de La Côte le 27/02/2019.

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