Le dupilumab, remède miracle pour la dermatite atopique?

Dernière mise à jour 16/10/16 | Article
Dermatite_atopique
Les premiers résultats d’un nouveau traitement contre cet eczéma incitent à l’optimisme. Chronique, l’affection provoque de terribles démangeaisons. Elle touche 20% des enfants de moins de 5 ans.

De quoi on parle

Le dupilumab pourrait être un médicament presque miracle contre la dermatite atopique, une maladie de la peau très gênante. C’est ce que laissent présager deux essais cliniques chez l’être humain dont les résultats viennent d’être publiés. Disposer d’un traitement et pouvoir le prendre à long terme serait un progrès considérable pour les malades, mais ces premiers résultats doivent être confirmés et précisés par d’autres études.

Un médicament contre la dermatite atopique à l’étude donne de premiers résultats prometteurs. Appelé dupilumab, il est développé par deux entreprises pharmaceutiques, l’une américaine et l’autre française. Le prestigieux New England Journal of Medicine vient de rendre compte de deux essais cliniques de ce médicament. Près de 1400 patients ont été suivis et soignés. Après seize semaines de traitement, les patients qui prenaient le médicament étaient quatre fois plus nombreux à voir leurs symptômes diminuer, voire disparaître, par rapport à ceux qui avaient reçu un placebo. 

Traitements à risques

Mais, au fait, qu’est-ce que la dermatite atopique? C’est un eczéma chronique qui se manifeste par des plaques rouges, parfois très étendues, la peau sèche, dans certains cas suintante, et d’intenses démangeaisons. Jusqu’à 20% des enfants seraient touchés par cette maladie qui se déclare presque toujours avant l’âge de 5 ans. Et ces symptômes peuvent durer toute la vie: on estime ainsi que la dermatite atopique touche 1 à 3% de la population adulte. Une affection loin d’être anodine: «Ces démangeaisons peuvent avoir un retentissement terrible et ôter toute qualité de vie au patient», observe le Pr Wolf-Henning Boehncke, chef du service de dermatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) (lire encadré). La génétique joue un rôle important dans la maladie. C’est d’ailleurs ce qu’indique le terme «atopique», l’atopie étant «une tendance génétique à l’allergie», détaille le Pr François Spertini, médecin-chef du service d’immunologie et d’allergologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Elle se manifeste ici de deux façons. D’abord, la peau des patients peine à conserver sa teneur en eau. Elle est donc plus fragile et joue difficilement son rôle de barrière. Conséquence: les irritants et les allergènes la pénètrent plus facilement. A cela s’ajoute une réponse immunitaire disproportionnée de la peau: en présence d’allergènes, apparaît une importante inflammation (rougeur, gonflement, douleur).

Le traitement de base de la dermatite atopique joue sur ces deux tableaux – la lutte contre la sécheresse et la diminution de l’inflammation –, détaille le Pr Spertini. «Il s’agit d’appliquer quotidiennement des quantités importantes de pommade émolliente (qui imperméabilise, relâche et adoucit la peau, ndlr). On y adjoint des dérivés de la cortisone ou des immunosuppresseurs pour réduire l’inflammation.» Le résultat est habituellement efficace mais «il demande beaucoup de ténacité, reconnaît l’immunologue. Chez les adolescents, par exemple, il n’est pas facile de convaincre les patients de se «tartiner» intégralement deux fois par jour.» Dans les cas graves, les médicaments sont donnés par la bouche, pour qu’ils agissent dans tout le corps plutôt que seulement localement. L’effet est ainsi accru mais une telle prescription n’est possible que durant un laps de temps réduit. Pas plus de six mois, par exemple, pour la ciclosporine, une substance qui diminue la réponse immunitaire, mais qui est potentiellement toxique pour les reins. La cortisone, prise au long cours, suscite, elle, de nombreux effets secondaires. Et la photothérapie – exposition de la peau d’un patient à des rayons ultraviolets – ne peut se pratiquer trop assidûment de crainte de provoquer un cancer de la peau.

Par rapport à ces approches, le dupilumab, qui s’administre par injection toutes les deux semaines, représente un espoir de progrès. Celui de disposer d’un traitement à la fois efficace, moins contraignant et utilisable à long terme, explique le Pr Boehncke. Son avantage est d’agir de manière très ciblée. Il bloque deux «messagers» de l’inflammation qui jouent un rôle prépondérant dans la dermatite atopique (les interleukines 4 et 13). Grâce à cette action, la peau des personnes traitées se montre moins réactive face aux irritants et aux allergènes.

L’expérience acquise avec des médicaments de ce type utilisés depuis dix ans contre une autre maladie de peau, le psoriasis, incite à l’optimisme, selon le dermatologue.

infog dermatite atopique

Dévastateur pour l'image de soi

Les spécialistes le disent: souffrir d’une maladie de peau chronique, a fortiori de fortes démangeaisons comme dans le cas de la dermatite chronique, est dévastateur pour l’image de soi et le moral. Des chercheurs américains se sont servis de données recueillies dans le cadre d’une enquête de santé auprès de 90 000 enfants âgés de moins de 18 ans. Les troubles anxieux, la dépression et les troubles du comportement étaient deux fois plus fréquents chez les enfants souffrant de dermatite atopique. La dimension psychologique est donc intégrée à la prise en charge des maladies de peau chroniques, souligne le Pr Boehncke.

Des points à éclaircir

Pour autant, et malgré un lancement commercial qui pourrait intervenir outre-Atlantique dès le printemps prochain, il reste beaucoup d’incertitudes sur le dupilumab, que d’autres recherches devront lever. Pourra-t-on, effectivement, le prendre sans risques sur des périodes plus longues que les seize semaines qui ont pour le moment été testées dans les expériences? Pourra-t-on, sans risques également, le prescrire à des enfants? Et surtout, se demande le Pr Boehncke, l’effet de ce traitement sera-t-il supérieur aux traitements actuels? On l’ignore puisqu’il n’était dans les études comparé qu’à un placebo. Sans compter encore la question du prix du remède, qui s’annonce astronomique. «Dans le traitement du psoriasis, les médicaments dits biologiques comme le dupilumab sont dix fois plus chers que les produits classiques», détaille le spécialiste. Les experts s’attendent donc à ce que le dupilumab ne soit remboursé que pour les cas les plus graves, en deuxième intention après de premiers traitements infructueux.

Une maladie qui en entraîne d'autres

C’est ce qu’on appelle la «marche atopique». Chez les personnes qui souffrent encore ou ont souffert durant l’enfance de dermatite atopique, d’autres allergies apparaissent avec le temps: le rhume des foins et l’asthme. On estime ainsi que sept enfants sur dix avec une dermatite atopique sévère deviendront asthmatiques. De même, il y a une corrélation entre le fait de connaître une dermatite atopique sévère dans l’enfance et un accroissement du risque de développer un rhume des foins.

A l’âge adulte, chez les personnes dont la dermatite atopique se poursuit, on trouve d’ailleurs systématiquement un asthme ou un rhume des foins, relate le Pr Spertini. Ces corrélations ont été bien étudiées mais les théories qui les expliquent ne sont encore que provisoires. Le fait que la peau des personnes atopiques ne fasse qu’imparfaitement barrage aux allergènes et aux bactéries est ainsi évoqué dans le cadre d’une sensibilisation allergique plus générale.

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