C’est décidé, je ne me lave plus les cheveux!

Dernière mise à jour 03/12/18 | Article
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La tendance s’est répandue comme une traînée de shampoing sec sur le Web. Appelée no poo, elle consiste à se passer de shampoing industriel. Dans sa version la plus poussée, ses adeptes ne se lavent les cheveux qu’à l’eau. Une pratique qui laisse les spécialistes perplexes.

«Ça fait un an que je n’ai pas utilisé de shampoing.» Cette déclaration vous semble sortir d’un autre siècle? C’est celle de Margaux, qui pratique le no poo pour ses belles boucles brunes. Populaire sur Internet, ce terme désigne l’abandon du shampoing industriel. Alors que certains se tournent vers des produits naturels, les adeptes les plus absolus ne se lavent les cheveux qu’à l’eau. Un but qui ne s’atteint qu’après un long processus. Pourquoi de tels efforts? D’abord pour éviter l’utilisation de produits non-biodégradables. Mais l’argument écologique n’est pas la seule motivation.

Halte au chimique!

Le cuir chevelu, la racine du problème

Avoir de beaux cheveux est une partie inhérente de la confiance en soi. Focalisés sur ce souci d’esthétisme, on oublie souvent sur quoi ils reposent. «Si les cheveux sont des plantes, le cuir chevelu est la terre, compare Vicky Terry dans son cabinet de trichologie, l’étude de la santé capillaire. Pour avoir des pousses saines, il faut prendre soin du terreau.» Et ce terreau a la vie dure. Non seulement encrassé par la sueur et la pollution, le cuir chevelu est souvent victime du stress ou de chocs émotionnels. «Derrière de nombreuses affections du cuir chevelu, il y a une cause psychologique», explique Vicky Terry.

Lisez l’étiquette d’une bouteille de shampoing. La liste des ingrédients est longue et incompréhensible. Même si vous avez choisi un produit sans parabène ni silicone, vous n’êtes pas tiré d’affaire. «Les fabricants se sont adaptés à la critique et ont enlevé les produits les plus connus, mais la liste des substances néfastes est énorme!», affirme Vicky Terry, trichologue (spécialiste de la santé capillaire) au Centre de soins capillaires à Lausanne. Des perturbateurs endocriniens, des tensioactifs nocifs ou des conservateurs allergènes se cachent dans votre shampoing. Le Dr Michel Brouard, dermatologue et responsable de la consultation trichologique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), tempère le danger de ces produits: «En cas d’irritation, un test allergologique permet de déterminer la substance incriminée. Et ces problèmes peuvent aussi être provoqués par des produits naturels!»

D’après les spécialistes des cosmétiques capillaires, il est compliqué de réduire la liste des ingrédients, qu’ils soient naturels ou synthétiques. «Selon le type de problématique, comme les cheveux abîmés ou desséchés, il est difficile de faire plus simple sans compromis sur l’efficacité», argue Danielle Bryner, directrice de la communication d’entreprise chez L’Oréal Suisse. Même dans les marques naturelles, certains produits industriels semblent inévitables. «Pour les cheveux colorés à la pétrochimie, un minimum de Sodium Laureth Sulfate est indispensable pour éliminer les substances gainantes comme les silicones, afin de pouvoir passer vers la coloration naturelle», avoue Philippe Vuillemin, directeur de PHV Diffusion, la société de distribution suisse des produits bio Hairborist.

Sortir du cercle vicieux

Autre argument du no poo: une hygiène de vie plus simple. «Le shampoing, c’est comme une addiction apparue récemment, dénonce Margaux. Maintenant, on a un shampoing pour chaque type de cheveux. Cela crée un besoin qui n’en est pas un à la base.» Au cœur de cette accusation, l’idée que notre corps fonctionnerait de lui-même. Si notre cuir chevelu sécrète du sébum, responsable des cheveux gras, c’est qu’il a un rôle bénéfique. Inutile donc de le nettoyer. Une idée que nuance le Dr Michel Brouard: «Il faut trouver une juste balance: suffisamment de sébum pour protéger notre cuir chevelu, mais éviter son surplus pour ne pas créer un environnement favorable aux champignons.» Un cuir chevelu trop gras est susceptible d’être affecté par une dermatite séborrhéique, soit un développement de levures productrices de pellicules grasses qui vont étouffer le bulbe du cheveu.

Selon ses adeptes, le no poo ne signifie pourtant pas cheveux gras. Au contraire, l’arrêt du shampoing permettrait de sortir d’un cercle vicieux. Après un lavage, notre cuir chevelu stimule la production de sébum pour compenser la couche protectrice qui vient d’être enlevée. Pour rompre ce cycle, le no poo préconise un mois sans lavage de cheveux, afin de déshabituer son cuir chevelu aux shampoings réguliers. Avec le temps, la production de sébum finirait par se réguler, pour n’en sécréter que la quantité nécessaire.

Alors, inutiles les shampoings? C’est sans compter les facteurs extérieurs. La pollution et les produits coiffants laissent eux aussi des résidus sur notre cuir chevelu. Pour se débarrasser de ces saletés, Philippe Vuillemin et les trichologues s’accordent sur une pratique raisonnable: deux à trois lavages par semaine.

No poo ou shampoo?

Entre les adeptes du no poo et les spécialistes du cuir chevelu, on ne se comprend pas toujours. Les premiers affirment avoir des cheveux plus beaux et plus solides. Certains témoignent que leurs maladies du cuir chevelu, tels le psoriasis ou l’eczéma, ont disparu d’elles-mêmes. Du côté des médecins, on rappelle qu’aucune étude n’a été menée sur l’efficacité du no poo. Ce qui ne signifie pas que la technique est à éviter à tout prix. «En médecine, on considère que si la personne se sent bien, c’est l’essentiel!», rappelle le Dr Michel Brouard.

Malgré ces différences d’opinion, on entend partout le même conseil: prendre le temps de tester différentes pratiques. Les personnes tentées par le no poo peuvent espacer les shampoings et observer ce qu’il se passe sur leur crâne. «Votre cuir chevelu vous parle, sourit Vicky Terry. Ecoutez-le! S’il démange trop, c’est que cette technique n’est pas faite pour vous.» Quelle que soit la méthode choisie, shampoing industriel, naturel ou no poo, il faut avant tout trouver ce qui vous correspond, car il y a autant de types de cuir chevelu qu’il y a de têtes.

J’ai testé pour vous… 3 semaines sans shampoing

Lundi 1er octobre, dernier shampoing. Trois jours plus tard, mon cuir chevelu est déjà gras… L’estime de soi en prend un coup. Je deviens une experte pour trouver la coiffure qui dissimulera au mieux mes racines sales. Avec succès, car personne ne remarque mon changement de pratique capillaire. Puis arrive l’épreuve ultime: un mariage. Après trois tentatives, une couronne tressée orne mon crâne. L’avantage des cheveux sales, c’est que la coiffure tient mieux! Le lendemain, j’ai «mal aux cheveux», et ce n’est pas la fête qui en est responsable.

Point final de l’expérience: le diagnostic. «Dermatite séborrhéique», constate le Dr Michel Brouard, dermatologue et responsable de la consultation trichologique du CHUV. Grâce à une caméra grossissante, j’observe le résultat. Une couche de sébum accompagnée de pellicules dissimule mon cuir chevelu. Des taches de sang témoignent des grattages d’un crâne qui démange. Des cheveux très fins poussent. Selon Vicky Terry, ma chevelure entière s’affinera à long terme, étouffée par le sébum. Il faudrait continuer l’expérience pour voir si l’autorégulation du sébum règle le tout. Ce qui surviendrait dans seulement quatre mois… L’appel du shampoing est trop fort!

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Paru dans Le Matin Dimanche le 11/11/2018.

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