Soigner le couple grâce aux neurosciences
Un mariage sur deux se termine par un divorce, selon des statistiques récentes. Autant dire que le nombre de consultations de couples en crise ne cesse d’augmenter en Suisse, notamment dans la consultation de sexologie des Hôpitaux universitaires de Genève. Grâce aux récentes avancées scientifiques concernant les mécanismes conscients et inconscients sous-tendant le désir d’union dans la relation, la médecine sexuelle a progressé dans la prise en charge clinique du couple.
Les recherches portant sur l’étude du lien entre deux individus augmentent. Par exemple, des travaux en neurobiologie et psychobiologie montrent que le lien entre deux personnes implique des neurotransmetteurs et des hormones variés. Le développement des neurosciences et des techniques d’imagerie permet d’avoir des mesures objectives des mécanismes inconscients qui entrent en jeu lorsque deux personnes interagissent et se désirent.
On peut donc dire que les progrès de la science permettent de comprendre les difficultés relationnelles dans la vie de couple sous différents aspects, comme par exemple des désordres liés aux hormones ou cérébraux. Et bien que les clés de la neuroimagerie n’ouvrent pas toutes les portes des mécanismes de la relation de couple, il est important de prendre en considération les résultats de cette discipline de manière complémentaire aux approches diagnostiques et thérapeutiques classiques pour une meilleure appréciation et prise en charge du trouble du désir dont souffre le couple.
Les neurosciences et le couple
Au niveau cérébral, le désir sexuel implique des mécanismes inconscients et conscients de récompense, de satisfaction, d’attention, d’identification à l’autre et également de représentation mentale de soi.
De nombreux chercheurs se sont penchés sur l’importance du regard. Ainsi, certaines études ont montré que les couples se regardent environ 30 à 60% du temps et que les personnes qui se regardent souvent dans les yeux éprouvent plus de sentiments d’attachement l’un envers l’autre et de sentiments amoureux que les personnes qui ne se regardent pas directement dans les yeux. De même, lorsqu’une personne désire une autre personne, elle cherche son regard beaucoup plus souvent que lorsqu’elle ne le désire pas. Et l’on sait que seuls les couples qui se désirent ont ces longs échanges de regards fixes.
Ces résultats comportementaux vont dans le sens de récentes études en imagerie cérébrale qui montrent que l’attirance envers un individu augmente l’activité cérébrale dans une région du cerveau impliquée dans les mécanismes de récompense lorsqu’il entre en contact avec le regard de la personne désirée. Cette activité cérébrale diminue lorsque la première n’échange plus de contacts avec les yeux de la seconde personne.
Les neurones miroirs
Un chercheur du XIXe siècle, fasciné par le fait que les couples peuvent projeter de manière inconsciente leurs désirs à travers leurs positions corporelles, a réalisé toute une série d’expériences scientifiques afin de mettre ce phénomène en évidence. A travers celles-ci, il a observé qu’au sein d’un couple, les deux individus s’inclinent souvent l’un vers l’autre. Quant à la distance corporelle entre les deux individus du couple, les recherches scientifiques montrent que plus deux individus se désirent, plus ils se tiennent proches l’un de l’autre.
Les recherches contemporaines renforcent cette hypothèse. En effet, la découverte récente des neurones miroirs, ces neurones sensori-moteurs qui s’activent chez un individu quand celui-ci agit ou simplement quand il observe quelqu’un d’autre agir, montre que ce système cérébral impliqué dans l’imitation serait plus impliqué dans les couples qui se désirent. En effet, il apparait que ces neurones s’activent encore plus facilement si la personne que l’on regarde agir est quelqu’un avec qui on a une affinité, par exemple quelqu’un que l’on désire. Initialement découverts chez le singe, les neurones miroirs existent aussi chez l’homme. Une lésion cérébrale au sein de ce système miroir peut avoir des conséquences dramatiques sur les relations interpersonnelles au sein du couple.
Références
Adapté de « Inconscient et désir sexuel : évidences en IRMF et EEG, de la théorie d’expansion de soi aux neurones miroirs », Pr Stephanie Ortigue, Department of Psychology, Syracuse University, Syracuse, NY, USA, Dr Francesco Bianchi-Demicheli, Consultation de gynécologie psychosomatique et sexologie Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise, Département de psychiatrie et Unité d’endocrinologie gynécologique et de médecine de la reproduction, Département de gynécologie-obstétrique, HUG, in Revue médicale suisse 2010 ; 6 : 620-4, en collaboration avec les auteurs.