Séparation des parents: comment préserver l’enfant

Dernière mise à jour 14/12/20 | Article
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La séparation des parents est un bouleversement dans la vie d’un enfant, mais son impact peut être amorti, à condition d’éviter les faux pas et de faire le choix d’une coparentalité harmonieuse.

A’strame: au secours des familles

Depuis 25 ans, la fondation A’strame accompagne les familles touchées par une séparation parentale, un deuil ou une maladie grave. Elle étend aujourd’hui son action aux enfants et adolescents confrontés au trouble psychique d’un parent ou à la violence domestique. Présente dans les cantons de Vaud, Valais et Genève, elle propose différents types de soutien en privilégiant des interventions limitées dans le temps et abordables pour toutes les familles. Plus d’informations sur www.astrame.ch

«Elle n’est pas donnée à tout le monde, la chance de s’aimer pour la vie», chantait Julien Clerc dans «Double enfance», qui fait référence aux jeunes années du chanteur, partagées entre le foyer de son père et celui de sa mère. En Suisse, environ deux mariages sur cinq se terminent par un divorce. Si la séparation est une épreuve douloureuse, elle l’est également pour les enfants, qui sont en première ligne et qui ne l’ont pas choisie. Et pour cause, elle signe la perte de la famille, telle que l’enfant l’a connue. Pour Alexandra Spiess, thérapeute systémique et de famille, responsable As’trame Genève (lire encadré), «voir ses parents se séparer est toujours un choc, même si l’enfant perçoit les tensions dans le couple ou qu’il est exposé à des disputes.» «Le choc est d’autant plus grand si les disputes ont été rares et qu’il n’y a pas eu de montée en puissance dans le conflit», estime Nicolas Favez, professeur de psychologie clinique à l’Université de Genève et coresponsable de l’Unité de recherche du Centre d’études de la famille à Lausanne, auteur d’un livre sur la coparentalité*. La façon de vivre cette épreuve dépend en effet du contexte familial, mais aussi de nombreux autres paramètres. « Vivre la séparation de ses parents dans une famille où le registre émotionnel est complètement censuré peut être très dur », ajoute Alexandra Spiess.

Des changements au quotidien

Quand le père et la mère décident de prendre des chemins différents, c’est toute la vie de l’enfant qui s’en trouve bouleversée. D’abord, il ne verra plus – ou beaucoup moins – ses parents ensemble et développera avec chacun d’eux des relations parallèles. À moins d’une garde alternée où l’enfant passe la moitié du temps avec son père et sa mère, il y a souvent un déséquilibre dans le temps partagé avec chacun. La séparation peut en outre entraîner un déménagement, parfois vécue comme un déracinement. La dissolution du couple a aussi des répercussions financières, avec une baisse du niveau de vie. La précarité économique peut générer beaucoup d’angoisse.

En cas de séparation, l’âge de l’enfant est-il déterminant? Les études montrent, contrairement à ce que l’on croit, que plus l’enfant est âgé, plus il risque de souffrir de la séparation. Car ce dernier est surtout touché par les changements qui frappent son quotidien. «À tout âge, l’annonce doit être faite, même si l’enfant n’est pas encore dans le verbal», insiste Alexandra Spiess.

Écrire la page d’après

On sait par ailleurs avec certitude que la manière dont les parents vivent leur séparation et construisent la relation d’après est déterminante. L’enjeu du couple qui se sépare est de réussir à faire la part des choses entre conjugalité et parentalité. Une transition psychique, entre le deuil d’une vie passée et la nécessité de rester en lien avec son ex-partenaire pour l’enfant, qui n’est pas facile à opérer. Or «pour écrire la page d’après, il faut avoir terminé le chapitre d’avant», illustre Alexandra Spiess, qui souligne l’importance de raconter une «histoire de la séparation qui soit protectrice pour l’enfant et acceptable pour chacun des parents». Il s’agit de donner du sens à ce qui arrive pour permettre à l’enfant de traverser cette épreuve le plus sereinement possible.

Dans un premier temps, l’existence d’un conflit entre le père et la mère est normale, dans la mesure où il permet de se détacher de l’autre. Mais lorsqu’il se pérennise et devient une manière de rester en lien, alors il est néfaste pour l’enfant. «Lorsqu’on est trop pris par ses émotions, on n’est plus capable de décoder la partition de son enfant. Et pourtant, il est important de rester connecté à son vécu et à ce qu’il vit avec l’autre parent», insiste la thérapeute. Ainsi, un ressentiment non réprimé envers son ex-conjoint, des critiques, des sous-entendus, des interrogatoires au retour de chez l’autre parent risquent de blesser et fragiliser l’enfant. Bien sûr, des dérapages peuvent survenir, mais si l’on est capable de se remettre en question et de rectifier ses paroles, alors c’est moins dommageable.

Demander de l’aide

Parfois, le ressentiment est tel que faire la part des choses devient impossible. «Les parents ont tendance à envoyer leur enfant chez le psy. Si cela peut être utile pour qu’il puisse y déposer ses émotions, c’est surtout aux parents de se mettre au travail pour pouvoir exercer leur parentalité malgré la séparation», observe Alexandra Spiess. Il ne faut pas le nier, continuer à être des parents aussi unis que possible tout en étant séparés n’est pas facile. Si l’on ne parvient pas à dépasser la blessure conjugale, l’aide d’un tiers peut s’avérer nécessaire. La médiation permet par exemple de construire des accords entre les parents. «On ne peut pas être d’accord sur tous les plans en matière d’éducation. Mais accepter que les règles éducatives soient différentes, et tolérer ce désaccord, est important et peut être une richesse pour l’enfant», souligne le Pr Nicolas Favez. Les interventions psychothérapeutiques aident quant à elles à la construction d’une coparentalité protectrice. «On y apprend à séparer conjugalité et parentalité, qui sont susceptibles de se contaminer. Et à remettre la priorité sur l’enfant», poursuit le spécialiste.

Une cohésion et une confiance minimale entre les parents tout comme une communication directe sont bel et bien nécessaires. Pour Alexandra Spiess, ce type de soutien vise avant tout à « mettre l’enfant en congé pour redonner aux parents la responsabilité du devenir de l’histoire familiale ». Un tel travail passe par une reconnaissance mutuelle des blessures conjugales ainsi que des compétences parentales. Une trahison conjugale, par exemple, peut faire perdre toute confiance en l’ex-partenaire, y compris concernant son statut de parent. «Pourtant, les liens amoureux et filiaux sont très différents. Il ne faut pas faire d’un mauvais mari un mauvais père ou d’une mauvaise épouse une mauvaise mère», note la thérapeute. Il s’agit enfin d’accepter que son enfant aime son autre parent et être en mesure de soutenir ce lien. «C’est important de reconnaître les efforts de chacun et d’être capable de se réinventer», explique le Pr Favez. Car selon les études, insiste ce dernier, ce n’est pas tant la séparation en soi qui fragilise l’enfant, mais bien le conflit parental!

Cette vision pessimiste du divorce et de la séparation, qui a longtemps prévalu, est aujourd’hui nuancée par la recherche. Les études montrent en effet qu’une telle trajectoire de vie ne condamne pas les enfants à un devenir sombre (lire encadré). De plus, le divorce est presque devenu une norme dans notre société, épargnant les enfants concernés d’une injuste stigmatisation. Enfin, bon nombre de séparations se déroulent sans gros heurts, passant ainsi au travers des radars des psychothérapeutes, des juges et des avocats.

Les rôles de trop

«Lorsque l’un des parents ou les deux sont trop pris par le conflit qui les anime, l’enfant peut être amené à se mettre au niveau de ses parents, au détriment de sa place d’enfant. Pris au piège du conflit parental, il endosse, malgré lui, différents rôles: avocat, confident, comptable, messager ou espion », déclare Alexandra Spiess, thérapeute systémique et de famille, responsable As’trame Genève (lire encadré). Autant de déclinaisons d’un phénomène qu’on appelle la «parentification». Faute de communication entre ses parents, l’enfant devient porteur de l’organisation familiale, une position très inconfortable, voire destructrice. En voulant amortir le conflit, il est une sorte de paratonnerre. «Lorsqu’il est tiraillé entre ses deux parents, lorsqu’il doute, qu’il ne se sent pas autorisé à passer de bons moments avec l’autre parent, qu’il a peur de le blesser, de le fâcher ou de perdre son amour… on parle de conflit de loyauté. Sans cesse préoccupé, il se demande comment aménager sa partie, ce qu’il peut dire ou ce qu’il doit taire pour conserver la sécurité du lien avec son autre parent», explique Alexandra Spiess. Mais cela est coûteux en termes d’énergie psychique et peut, à terme, fragiliser l’enfant. Fatigue, repli, angoisse, peur de l’abandon, agressivité, opposition, difficultés scolaires, rupture du lien avec l’un des parents peuvent en être les conséquences. Reconnaître les efforts de l’enfant et l’en remercier est important, de même que l’aider à mettre ses priorités en avant. Introduire un tiers peut s’avérer utile, pour que ce qui se joue sur le plan conjugal ne transite plus par l’enfant.

 

Que deviennent les enfants du divorce et de la séparation?

Les études scientifiques montrent l’impact négatif du divorce sur les enfants, avec une augmentation des problèmes psychologiques par rapport aux jeunes ayant grandi dans une famille intacte, une baisse de l’estime de soi, une tendance à être plus anxieux et plus agressifs, avec un risque plus élevé d’échec scolaire, mais dans une moindre mesure. Toutefois, «cette différence est, d’un point de vue statistique, modeste. Aussi, elle tend à s’atténuer de génération en génération. Les enfants nés dans les années 1950-60 semblent avoir plus souffert que ceux nés dans les années 1970-1980, etc.», nuance Nicolas Favez, professeur de psychologie clinique à l’Université de Genève et coresponsable de l’Unité de recherche du Centre d’études de la famille à Lausanne, auteur d’un livre sur la coparentalité*. Les études montrent en outre que c’est surtout le fait d’avoir vécu dans un environnement conflictuel qui est délétère, plus que le divorce lui-même. Il a ainsi été démontré que l’apparition de difficultés précède de plusieurs années le moment du divorce. Enfin, ces difficultés tendent à s’estomper dans les deux ans après la séparation, pour autant que les enfants retrouvent un contexte de vie harmonieux. Davantage réactionnelles, elles ne sont donc pas synonymes d’une fragilisation à long terme.

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* L’art d’être coparents, se soutenir pour élever ses enfants, Nicolas Favez, éditions Odile Jacob, 2020.

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Paru dans le hors-série «Votre santé», La Côte, Novembre 2020.

     

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