Sport et grossesse font souvent bon ménage

Dernière mise à jour 29/11/12 | Article
Sport et grossesse font souvent bon ménage
Faire du sport pendant la grossesse, oui, mais pas tous les sports. Et en restant conscientes de ses limites.

De quoi on parle?

Les faits

En mai prochain, Nicola Spirig va accoucher pour la première fois. La championne de triathlon ne compte pas pour autant abandonner la compétition. Elle souhaite se qualifier pour les Championnats d’Europe d’athlétisme de Zurich en 2014, sur le 5000 mètres ou le marathon, et participer aux JO de Rio en 2016.

Le bilan

La Zurichoise sait toutefois qu’elle devra réduire le rythme de son entraînement et elle estime «qu’il n’est pas réaliste de viser une médaille».

La championne Suisse de triathlon vise les qualifications aux Championnats d’Europe d’athlétisme de Zurich en 2014, un peu plus d’un an après son accouchement. Nicola Spirig pourrat-elle être au top niveau? «La grossesse ne pénalise pas les sportives, répond Gérald Gremion, médecin-chef du Swiss Olympic Medical Center du CHUV. Elles sont plusieurs à avoir gagné une médaille aux JO en ayant accouché peu d’années auparavant. Bien sûr, les athlètes doivent modifier un peu leur comportement lorsqu’on leur annonce qu’elles sont enceintes.»

Performances diminuées

La grossesse a en effet de nombreuses répercussions sur l’organisme dont certaines peuvent gêner l’entraînement ou diminuer les performances.

Il y a d’abord la prise de poids. Et le ventre qui s’arrondit et modifie le centre de gravité du corps. En outre, sous l’influence des modifications hormonales, «les articulations deviennent plus lâches, avec pour conséquences un risque accru d’entorses et de chutes, explique Patrick Hohlfeld, chef du Département de gynécologie obstétrique et génétique médicale du CHUV. La colonne vertébrale devient, elle aussi, plus souple; c’est d’ailleurs pour cette raison que les femmes enceintes ont souvent mal au dos.» Autant de perturbations qui rendent les gestes plus maladroits.

La grossesse a d’autres effets. Elle peut s’accompagner d’une anémie qui réduit les capacités d’endurance, notamment en altitude moyenne. D’autre part, pendant les trois premiers mois, «certaines femmes souffrent de vomissements et de nausées qui les empêchent de participer à des compétitions», remarque Gérald Gremion.

La plupart des sportives d’élite qui attendent un heureux événement doivent donc réduire le rythme et l’intensité de leur entraînement. Toutefois, si leur grossesse se déroule normalement, rien ne les oblige à arrêter de pratiquer leur sport.

En outre, le fait d’être enceinte augmente la consommation maximale d’oxygène – donc la capacité respiratoire – qui est considérée comme un facteur de performance. A ce titre, la grossesse a un effet… dopant. Il y a quelques années, «il existait un système de dopage très en vogue dans les pays de l’Est, rappelle le médecin du sport. Les entraîneurs mettaient leurs athlètes enceintes, puis les faisaient avorter après la compétition. Il s’agissait d’une véritable traite des sportives, qui est bien sûr prohibée.»

Grossesse et performance sportive

Enceinte et championne

Lorsqu’elle a appris qu’elle allait être maman, Nicola Spirig a été surprise. «Avec la tension liée aux Jeux de Londres, je ne pensais pas que mon corps aurait été tout de suite prêt», a-t-elle reconnu lors d’une conférence de presse. On pourrait en effet craindre que le sport intensif entrave la fécondité et perturbe la grossesse ou l’accouchement. Ce qui est faux.

Certes, les importantes dépenses d’énergie peuvent occasionner une absence de règles qui «rend les femmes un peu moins fertiles pendant les périodes d’intense activité sportive», remarque Patrick Hohlfeld. Mais ce n’est pas toujours le cas. Gérald Gremion cite pour exemple Ingrid Kristiansen, la coureuse de fond norvégienne qui courut le marathon de Boston en 2 h 33 alors qu’elle attendait un enfant. Quant à la skieuse autrichienne Ulrika Maier, elle a été championne du monde de ski en 1988 alors qu’elle était enceinte de deux mois.

Bien qu’elles aient un périnée plus musclé, les athlètes n’ont pas de problèmes spécifiques lors de l’accouchement. Au contraire, selon le gynécologue, «le sport a plutôt un effet favorable», notamment parce qu’il améliore les performances respiratoires. Quant aux bébés, ils ne sont à la naissance «ni plus petits, ni plus souvent prématurés que les autres».

Et le foetus? N’est-il pas chahuté quand sa mère pratique un exercice intensif? N’y a-t-il pas de danger de décollement du placenta? «L’enfant est bien protégé dans le ventre de sa mère et, pour lui, les risques sont très limités. Sauf en cas de choc à l’abdomen», selon le gynécologue.

L’effort intense augmente quand même la température corporelle et crée un risque d’hyperthermie chez le foetus. Au début de la grossesse, il faut donc être plus prudente. En revanche, «contrairement à ce que des études sur les animaux laissaient craindre, ce phénomène ne provoque pas de malformations chez les humains».

Nicola Spirig peut donc être rassurée – de même que Mme Tout-le-monde. Le sport n’est déconseillé que dans certaines situations. En particulier lorsqu’il y a «un risque d’accouchement prématuré, que le placenta est inséré dans le bas de la cavité utérine ou lorsqu’on attend des jumeaux ou des triplés», précise Patrick Hohlfeld. Mais lorsque la grossesse se déroule normalement, affirme Gérald Gremion, «le sport n’apporte que des bienfaits pour la mère et son enfant».

Quels sports pratiquer?

Pour les femmes dont la grossesse se déroule sans problème, le sport a de multiples avantages: contrôle du poids, diminution de l’hypertension et, en rendant l’insuline plus efficace, réduction du risque de diabète. Il améliore aussi la circulation sanguine et atténue les problèmes veineux et les «jambes lourdes». Sans compter qu’il accroît le bien-être général.

Fortement recommandés

La marche à pied, le vélo, le ski de fond, la natation, la gymnastique douce et autres sports d’endurance. Les femmes enceintes peuvent même les pratiquer «quasi jusqu’à la fin de leur grossesse», indique Gérald Gremion, médecin du sport au CHUV. La course, elle aussi, a des effets bénéfiques, mais il est préférable d’arrêter «après 28 ou 30 semaines» pour ne pas trop secouer l’enfant.

A éviter

Ceux qui s’accompagnent de risques de chute, comme l’équitation ou le ski alpin. Ou ceux qui peuvent provoquer des chocs au niveau de l’abdomen: sports de balle collectifs (volley, hand ou basket) ou sports de combat (karaté, boxe, judo, etc.). Pour les femmes vivant en plaine, l’alpinisme n’est pas recommandé. Car au-dessus de 2500 mètres, «le manque d’oxygène peut affecter le foetus; en outre, la femme enceinte est plus à risque face au mal des montagnes», souligne Patrick Hohlfeld, chef du département de gynécologie du CHUV.

Strictement interdit

Dès le début de la grossesse, il faut renoncer à la plongée sous-marine avec bouteilles. «Ce sport est très dangereux pour le foetus, très sensible au phénomène de décompression, et qui risque donc de faire une embolie gazeuse», souligne le gynécologue.

Bien sûr, pour une femme sédentaire, la grossesse n’est pas le meilleur moment pour commencer un entraînement intensif, ni pour «tenter son premier saut en parachute», dit en riant Patrick Hohlfeld. Mais à condition de rester prudente, une sportive éclairée peut continuer à pratiquer sa discipline favorite même pendant sa grossesse.

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