Comprendre (enfin) le système de santé suisse

Dernière mise à jour 27/05/19 | Article
La gestion de la santé en Suisse est renommée, aussi bien pour son efficacité que pour sa complexité. Au cœur de la démocratie, les citoyens sont régulièrement amenés à se prononcer sur des questions de santé publique. Face aux enjeux de réorganisation massive du système, une réflexion collective est nécessaire. Connaître les éléments de base de sa structure est le point de départ pour assurer son évolution.

La santé et les retraites sont les principaux soucis des Suisses. Selon le dernier baromètre annuel de Crédit Suisse, ces deux thématiques sont au centre des préoccupations de la population.

Le système de santé suisse est connu pour être l’un des plus performants au monde. Il dispose d’une offre très complète, d’infrastructures modernes et d’un personnel de pointe. L’espérance de vie dans notre pays est d’ailleurs particulièrement élevée. Pourtant, de plus en plus de personnes doivent se serrer la ceinture pour pouvoir en bénéficier. Toujours plus chères, les primes d’assurance maladie font grincer des dents. Au pied du mur, les Suisses n’ont plus le choix: il faut réagir.

Face à un système complexe composé de beaucoup d’acteurs, pas toujours facile pour le citoyen de s’y retrouver. Mais comprendre et s’intéresser aux nombreux enjeux qui le sous-tendent est la clé pour participer à son évolution. L’ouvrage La santé en Suisse, récemment mis à jour et réédité par le médecin urgentiste Simon Regard, décrypte les principales composantes du système.

La FMH, c’est quoi?

En Suisse, l’association faîtière des médecins est la FMH (Foederatio medicorum helveticorum en latin). Elle regroupe toutes les sociétés cantonales et 95 % des médecins suisses y sont affiliés. Son rôle est principalement de représenter les médecins et de les défendre auprès des autorités et des assureurs. C’est l’une des plus puissantes associations professionnelles en Suisse, avec une bonne représentation au Parlement. Sur mandat du Conseil fédéral, la FMH s’engage également dans la qualité des soins et gère la formation post-graduée.

La faîtière a cependant parfois de la peine à unir les intérêts des médecins spécialistes et des généralistes. Ces dernières années, des désaccords ont été observés, notamment autour de la question des tarifs médicaux. «Il ne faut pas oublier que les généralistes sont des spécialistes à part entière, commente le Dr Simon Regard, médecin urgentiste et auteur du livre La santé en Suisse. C’est aussi le travail de la FMH de revaloriser la médecine de famille».

L’autre organisation majeure de médecins en Suisse est l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM). Son objectif est de promouvoir la recherche mais également de proposer des recommandations liées aux problèmes éthiques. «L’ASSM va souvent plus loin que la FMH dans ses propositions, souligne Simon Regard. C’est un moteur intéressant, qui ose remettre en question certains fondements».

Qui s’occupe de la défense des patients en Suisse?

Deux organes principaux assurent la protection des patients: l’Organisation suisse des patients (OSP) et la Fédération suisse des patients. Leur objectif est commun: faire en sorte que les patients soient considérés comme des partenaires responsables et informés. Les deux organisations ont des représentants dans des commissions fédérales.

D’autres associations se battent pour des thèmes spécifiques comme la limitation de l’augmentation des primes d’assurance maladie. C’est le cas de la Fédération romande des consommateurs (FRC) qui donne en outre des conseils aux patients.

De manière générale, les médias ont eux aussi un rôle majeur à jouer dans ce domaine. «La meilleure défense du patient, c’est l’information, analyse Simon Regard. C’est important que la population connaisse bien le système de santé».

Enfin, dans certains hôpitaux, les patients peuvent à tout moment avoir recours à un médiateur pour faire part d’une situation qu’ils ont mal vécue. Des espaces de dialogue se développent de plus en plus.

Quand changer d’assurance de base?

L’assurance maladie pèse très lourd dans le budget des Suisses. Les assurés ont donc intérêt à choisir l’assureur maladie le moins cher, d’autant qu’il peut y avoir de grandes différences de prix entre chacun d'eux. Par exemple, l’année dernière, un Lausannois pouvait payer 475,90 CHF pour l’assurance de base (avec une franchise de 300 CHF) auprès d’Assura, contre 610.60 CHF chez Visana. Et tout cela pour les mêmes prestations remboursées. «Aujourd’hui, il n’y a plus d’intérêt à garder la même assurance des années de suite, constate Simon Regard. Être fidèle n’apportera pas de bonus».

Chaque année, les assurés ont jusqu’au 30 novembre, dernier délai, pour résilier leur contrat d’assurance de base. Dès la fin du mois de septembre, les nouvelles primes sont publiées sur le site de la Confédération www.priminfo.ch. Celui-ci permet aussi de calculer la meilleure prime et indique les économies possibles en comparaison avec sa prime actuelle.

De nombreuses organisations ou associations proposent par ailleurs des outils en ligne pour expliquer les démarches à suivre lors du changement d’assureur. A noter qu’une fois le nouvel assureur maladie choisi, il est possible de faire varier son niveau de prime en fonction de la franchise choisie.

Assurance complémentaire, quelle est la différence?

Beaucoup d’assurés confondent l’assurance de base avec les assurances complémentaires. Il n’est pas inutile de rappeler que depuis l’introduction de la LAMal en 1996, tous les Suisses doivent contracter une assurance qui couvre les soins de base.

Les assurances complémentaires, en revanche, sont facultatives. Elles peuvent être choisies à tout moment de l’année et sont indépendantes de l’assurance de base. Il est par exemple tout à fait possible de résilier la base mais de garder ses complémentaires auprès du même assureur.

Il existe deux types différents d’assurances complémentaires: celles de soins, qui permettent de bénéficier de plus de prestations (soins alternatifs, cures diverses, rapatriement sanitaire, etc.) et celles d’hospitalisation, qui permettent d’accéder aux divisions privées et semi-privées des hôpitaux publics et autres établissements.

Alors que les primes de l’assurance de base sont fixes, celles des complémentaires varient en fonction du risque et du nombre de fois où des prestations sont accordées. Ces dernières peuvent d’ailleurs refuser une personne ou émettre des réserves en fonction de son état de santé et de son âge. Il est donc recommandé de contracter une assurance complémentaire lorsqu’on est encore en bonne santé.

Qui prend en charge l’assurance accident?

Cette assurance couvre les accidents sur le lieu de travail ou en dehors. Elle prend aussi en charge les maladies «professionnelles», par exemple l’asthme lié à la sciure de bois chez un menuisier. Cette assurance est obligatoire pour toute personne employée (y compris les stagiaires, les apprentis, les volontaires et les chômeurs indemnisés). C’est l’employeur qui choisit l’assurance et paye la moitié des primes. L’autre moitié est payée par l’assuré, à travers une déduction du salaire. Chaque employé travaillant plus de huit heures par semaine est donc couvert. Une personne qui n’a pas d’emploi doit quant à elle s’assurer elle-même auprès de son assurance maladie.

Dans le cas d’un accident et contrairement à l’assurance de base, la totalité des frais sont pris en charge, sans franchise. Cela comprend notamment les traitements ambulatoires ou hospitaliers ainsi que les frais de transport et sauvetage. Attention toutefois: s’il y a des causes aggravantes à votre accident, comme une consommation excessive d’alcool, il peut y avoir une réduction voire une annulation complète de la prise en charge. «Si vous pratiquez des activités dites téméraires, par exemple du base jump ou de la plongée au-delà de 40 mètres de profondeur, il vaut mieux contracter une assurance accident spécifique», avertit Simon Regard.

La facturation Tarmed, comment ça marche?

Depuis 2004, le système Tarmed (tarif médical) est utilisé en Suisse pour la facturation des actes médicaux. Il s’applique à tous les actes médicaux ambulatoires, réalisés à l’hôpital ou dans un cabinet. Concrètement, chaque acte médical (parmi une liste de 4600) vaut un certain nombre de points. Leur valeur réelle varie selon les cantons, car elle est négociée entre les assureurs et les médecins (avec l’accord de l’État). L’objectif est de rendre la facturation plus transparente. Mais les négociations sont souvent difficiles et peuvent bloquer l’évaluation de nouveaux actes médicaux. Par conséquent, une partie des médecins est très critique envers ce système. «Un des problèmes, c’est que Tarmed est basé sur le payement à l’acte, souligne Simon Regard. Il peut donc y avoir une tendance à facturer le plus de choses possible». En 2017, les partenaires tarifaires n’ont pas réussi à s’entendre sur la valeur du point Tarmed. Le Conseil fédéral est donc intervenu pour imposer un nouveau tarif. Son but était de corriger certaines prestations surévaluées, par exemple la préparation et le suivi de l’opération de la cataracte.

Par ailleurs, certains médecins sceptiques vis-à-vis de Tarmed militent pour une refonte complète du système, basée sur une médecine «durable». Leur objectif est d’éviter au maximum les prestations médicales inutiles.

Qui finance les soins à domicile?

Chaque année en Suisse, plus de 34’000 personnes requièrent des soins à domicile. Parmi ces patients, 80% sont âgés de plus de 65 ans. Ces prestations incluent généralement les soins infirmiers et soins de base, les repas ainsi que l’encadrement des personnes en fin de vie et leurs proches.

En Suisse romande et au Tessin, la majorité des structures de soins à domicile sont issues du secteur public. En Suisse alémanique en revanche, il y a davantage d’entreprises privées. Elles sont généralement plus chères, mais proposent aussi plus de prestations.

Les cantons et les communes fournissent environ 50% des recettes des instituts de soins à domicile. Le reste est financé par les assurances maladie. L’aide pour les courses, les repas et le ménage est en revanche à la charge des patients. Les coûts liés aux soins à domicile correspondent à environ 3% des dépenses totales de la santé, soit 2,3 milliards de francs par année.

Selon Simon Regard, les soins palliatifs à domicile gagneraient à être renforcés. «La mort, c’est encore un sujet très tabou. Pourtant, une majorité des patients souhaiterait pouvoir mourir à domicile plutôt qu’à l’hôpital». De plus, la qualité de vie est souvent jugée meilleure chez soi et les progrès médicaux permettent d’effectuer plus d’actes à domicile. «Une réorganisation de ce moment de vie, à travers un accompagnement adapté et personnalisé, est nécessaire», ajoute le spécialiste.

Pourquoi les coûts de la santé augmentent?

La démographie ne cesse de croître en Suisse. L’espérance de vie est également en hausse. Par conséquent, le nombre de personnes nécessitant des soins médicaux augmente.

Le progrès médical a lui aussi un certain coût. Les découvertes techniques et pharmacologiques sont parfois très chères. Par exemple, le scanner PET/CT est une nouvelle technologie qui permet de mieux visualiser les tumeurs. Mais une machine de ce type coûte 4 millions de francs et l’examen en moyenne 2500 francs. Les nouveaux médicaments ont eux aussi un coût en termes de recherche, développement et marketing.

La hausse des primes d’assurance maladie engendre un cercle vicieux: plus on paye cher, plus on a tendance à vouloir profiter des services à disposition. «Mais au fond, le vrai problème, c’est que les primes augmentent beaucoup trop rapidement par rapport au pouvoir d’achat, et pas toujours en corrélation avec les coûts de la santé», conclut Simon Regard.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 34 - Juin 2019

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