La tuberculose ne menace pas la Suisse

Dernière mise à jour 07/08/13 | Article
La tuberculose ne menace pas la Suisse
Si on n’attrape quasiment plus la tuberculose en Suisse, des personnes en présentent pourtant les symptômes. Quelques réponses sur une maladie qui, au niveau mondial, continue d’être un fléau pour la santé.

Une toux qui ne passe pas, des nuits passées à transpirer, de la fatigue et une perte de poids. Cet ensemble de manifestations fait penser à la tuberculose, une maladie qui se développe insidieusement et qui se guérit généralement bien si elle est traitée, mais qui est souvent mortelle si elle ne l’est pas. Alors qu'elle frappe toujours durement la planète (8,7 millions de nouveaux cas en 2011 selon l'OMS), l'attraper en Suisse est quasi impossible. Des explications sur ce contraste avec le Dr Zellweger de la Ligue pulmonaire suisse, rencontré en juin 2013 lors d’une conférence sur la tuberculose organisée par la Ligue pulmonaire vaudoise.

En Suisse, combien y a-t-il de nouveaux cas de tuberculose par an?

Environ 500, un chiffre stable depuis dix ans. «C’est l'une des moyennes les plus basses d'Europe, relève le Dr Zellweger. Afin de pouvoir comparer les pays entre eux, l’OMS rapporte le nombre de cas à 100000 habitants. Pour la Suisse, il est donc de 7 nouveaux cas par an pour 100000 habitants quand la moyenne européenne est le double. Mais au même moment, on trouve 100 nouveaux cas par an pour 100000 en Russie et près de 1000 en Afrique du Sud.»

Qui souffre de tuberculose en Suisse?

Dans deux cas sur trois, ce sont des gens jeunes nés à l'étranger ou d’origine étrangère, âgés en moyenne de 36 ans. L'autre grand groupe est bien plus vieux et formé par des personnes nées en Suisse âgées de 62 ans en moyenne. Les premiers ont attrapé la maladie à l'étranger puis l'ont déclarée en Suisse, les seconds l'ont attrapée en Suisse il y a plusieurs décennies quand elle y était plus courante mais ne manifestent des symptômes qu'aujourd'hui. La tuberculose est en effet une maladie qui peut évoluer très lentement, les symptômes apparaissant souvent longtemps après la contamination initiale, à la faveur d'une baisse de l'immunité.

Il existe encore deux catégories rares de malades de la tuberculose en Suisse. Les globe-trotters ou travailleurs humanitaires qui la contractent à l'étranger et les personnes qui ont été contaminées en Suisse par un membre de leur famille. En effet un malade peut infecter les personnes qui vivent avec lui, mais très rarement le reste de la population, puisqu’il faut en moyenne huit heures de contact proche avec un malade pour être contaminé. «La tuberculose ne s'attrape pas en faisant la queue à la Migros ou prenant le métro, résume le spécialiste.»

Si l'on éradique la tuberculose à l'étranger, elle devrait disparaître en Suisse

Oui, en théorie. Mais pour cela, il faudrait disposer d'un vaccin efficace contre la tuberculose. Ce n'est pas le cas et les chercheurs ont peu d'espoir d'en trouver un rapidement Sida, tuberculose, malaria: à quand des vaccins?.

Il existe bien un vaccin, le BCG, mais tous les pays européens l'ont abandonné. «Il est peu efficace, souligne le Dr Zellweger. Néanmoins il protège les enfants en bas âge contre les formes mortelles de la maladie. On continue donc de manière justifiée à l'utiliser en Afrique, en Asie ou en Europe de l'Est où le risque qu'un enfant se trouve en contact avec un malade et attrape la maladie est important.» Mais pour les Helvètes, il ne servirait à rien.

Néanmoins, la tuberculose est une maladie pour laquelle il existe une surveillance mondiale, une coordination des traitements et des financements, via notamment le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. «Un patient atteint de la tuberculose a ainsi de bonnes chances d'en guérir, précise le pneumologue. Pourvu qu'il y ait un programme national de lutte contre la maladie et que des médicaments soient disponibles. Que le gouvernement du pays les ait achetés ou que le Fonds mondial les ait fournis.»

On n'en connaît pratiquement pas en Suisse mais la tuberculose résistante aux antibiotiques fait peur au niveau mondial

Oui. Dans les cas habituels, le traitement d'une tuberculose est toujours le même: il s'agit de prendre quatre antibiotiques pendant deux mois (parfois réunis dans un seul comprimé) puis deux antibiotiques pendant quatre mois.

Malheureusement, on voit dans certains pays apparaître des souches de bactéries résistantes aux deux antibiotiques les plus courants, l'isonazide et la rifampicine, on parle alors de tuberculose multirésistante (MDRTB). Si, en plus, la tuberculose est résistante à deux autres classes d'antibiotiques (une quinolone et un antibiotique injectable), on parle de tuberculose extrêmement résistante (XDRTB). En Suisse, la MDRTB représente six ou sept cas par an et la XDRTB est pour l’instant inexistante.

La tuberculose multirésistante se soigne, mais le traitement est plus contraignant pour le malade, plus cher, suscite plus d'effets secondaires et est plus long (dix-huit mois) que celui de la tuberculose «standard». En Europe, on compte néanmoins que la moitié des patients en guérissent. La tuberculose extrêmement résistante peut aussi se soigner, mais seulement dans certains centres très spécialisés et avec un succès médiocre (environ 40% de guérison).

La multirésistance ne panique cependant pas les médecins pour trois raisons. D'abord, la lutte contre la tuberculose est, on l'a dit, coordonnée et financée au niveau mondial. Or, si les traitements des malades touchés par une tuberculose «normale» sont bien conduits et qu'ils guérissent, on évite qu'ils ne développent une résistance (par exemple lors d’un traitement interrompu) qu'ils pourraient ensuite propager.

Ensuite, la résistance touche principalement l'Asie, l'Inde, l'ex-Union soviétique, le Pérou et l'Afrique du Sud. Le reste de l'Afrique, de l'Amérique du Sud et l'Amérique du Nord sont moins visées. L'Europe occidentale, enfin, est préservée.

Enfin, deux nouveaux antibiotiques seront bientôt disponibles pour le traitement de la tuberculose résistante: la bédaquiline et le délamanide. «Mais nous utiliserons ces médicaments avec la plus grande prudence, prévient Jean-Pierre Zellweger. Il faut très clairement définir les conditions de leur utilisation. Savoir à qui on les prescrira et sous quelle forme. Si on les distribue sans contrôle dans les pharmacies de quartier, on découvrira bientôt des bactéries qui leur résistent.»

La facture de la sécurité

«L'accès aux soins pour les migrants est cardinal dans la lutte contre la tuberculose, insiste le Dr Zellweger. L'Organisation mondiale de la santé est claire sur ce point: quel que soit le système politique et administratif d'un pays, quelles que soient ses règles pour l'accueil ou le renvoi des étrangers, si un migrant développe une tuberculose, le pays doit pouvoir diagnostiquer et traiter correctement cette personne, quel que soit son statut légal. C'est l'intérêt, évidemment, du malade mais aussi celui de la société en général.»

Et qu'en est-il dans les faits en Suisse? «Ca marche pas mal. Mais nous rencontrons toujours quelques cas qui ‘sortent des règles’. Soigner Mme untel qui est clandestine, sans domicile fixe et sans assurance, bien entendu que nous allons le faire, mais qui prendra en charge ces coûts? Les solutions sont alors cantonales. Et suivant les cantons, ça fonctionne ou ça peut ‘coincer’ plus…» Un migrant refoulé, devenu, clandestin, peut ainsi échapper au système et poser des problèmes difficiles à résoudre.

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