Les malades du psoriasis sont encore trop souvent ostracisés

Dernière mise à jour 10/11/15 | Article
Les malades du psoriasis sont encore trop souvent ostracisés
Dédiaboliser cette affection non contagieuse, c’est le but des campagnes d’information qu’a lancées cette semaine la Société suisse du psoriasis.

De quoi on parle

Plus de 150000 personnes souffrent de psoriasis en Suisse. Pourtant cette maladie de peau reste mal connue du grand public et aboutit encore trop souvent à l’isolement des patients. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a appelé en 2014 à lutter contre cette stigmatisation. A l’occasion de la 12e Journée mondiale du psoriasis, qui a eu lieu ce 29 octobre, les associations de patients, dont la Société suisse du psoriasis et du vitiligo, proposent des actions originales pour changer le regard sur la maladie.

Au travail, au cours de gym ou dans les transports, qui n’a jamais remarqué sur une main, une épaule, un mollet, ces plaques rouges accompagnées de squames claires caractéristiques du psoriasis, qui trop souvent encore font détourner le regard. Il faut dire que faute d’information, cette maladie reste mal connue du grand public, lequel réagit souvent de façon excessive. Ces réactions blessent et affectent un grand nombre de personnes atteintes.

Dans un récent sondage, 40% de personnes souffrant de psoriasis révélaient avoir déjà été victimes de discrimination professionnelle en raison de leur maladie. Et plus de 10% avouaient avoir observé des réactions de rejet de la part de leurs proches. Commentaires désobligeants et refus de tout contact physique sont les brimades le plus souvent rapportées. Si face à de telles situations la moitié des sondés n’hésitent pas à parler de leur maladie pour dissiper les malentendus, près d’un tiers avouent avoir tendance à se replier sur eux-mêmes. «C’est un très lourd fardeau psychologique. Il faut faire très attention à bien se couvrir pour que les autres ne se doutent de rien, mais pour les personnes qui sont atteintes sur le visage ou les ongles, c’est encore plus pénible», confie Liliane, Genevoise qui vit avec le psoriasis depuis une cinquantaine d’années.

Un sentiment de honte

Se cacher, endurer la maladie avec un sentiment de honte, et surtout ne pas en parler contribuent à isoler les patients. Une stigmatisation dénoncée en mai 2014 par l’Organisation mondiale de la santé, qui attirait l’attention sur «des taux de dépression et d’anxiété plus élevés chez les personnes atteintes de psoriasis».

Il est difficile de traiter les enfants

Dans un tiers des cas, les symptômes du psoriasis apparaissent avant l’âge de 20 ans. «La plupart du temps, la maladie se déclare après la puberté, mais le psoriasis existe à tous les âges, y compris chez les tout-petits», relève le professeur Wolf-Henning Boehncke, chef du Service de dermatologie aux HUG. 

Les traitements topiques (crèmes, onguents) sont utilisés en première intention, comme chez l’adulte, mais les traitements systémiques peuvent s’avérer nécessaires. «La survenue de psoriasis à un âge précoce peut entraîner une maladie plus grave au cours de la vie, renchérit le professeur Michel Gilliet, chef du Service de dermatologie au CHUV. Il serait idéal de pouvoir être plus agressif dans le traitement du psoriasis en pédiatrie.» Cependant, pour les formes sévères, les biothérapies si prometteuses chez l’adulte ne sont pas toutes disponibles pour les enfants, faute d’essais cliniques pédiatriques. «Quand nous l’estimons nécessaire, nous pouvons parfois recourir à une utilisation «off-label» (en dehors du cadre défini pour l’indication originelle, ndlr) de certaines molécules», précise Wolf-Henning Boehncke. Des situations qui restent heureusement rares.

C’est donc sur ce thème qu’a porté essentiellement la 12e Journée mondiale du psoriasis qui a eu lieu le 29 octobre dernier. Pour dédiaboliser cette maladie et aider les malades à sortir de l’isolement, elle a joué la carte du multimédia à grands renforts de pages Facebook, de hashtags sur Twitter, de clips, d’expositions photo et même d’un jeu vidéo. Parmi les campagnes mises en œuvre, #DécouvrezLePsoriasis ose le slogan décalé «Mon amie est contagieuse», sous lequel on peut lire, en plus petit, «par sa créativité et non par son psoriasis». L’image de deux amies se tenant par les épaules rappelle qu’on ne risque rien à entrer en contact avec un malade. «Le psoriasis est une maladie inflammatoire auto-immune, explique le professeur Wolf-Henning Boehncke, chef du service de dermatologie des Hôpitaux universitaires de Genève. On sait qu’il y a une base génétique et aussi un rôle important de facteurs environnementaux. Mais en tout cas, non, ce n’est pas contagieux, et on ne le répétera jamais assez!»

Pour sa part, la Société suisse du psoriasis et du vitiligo (SPVG) –le vitiligo est une maladie qui provoque une dépigmentation de la peau– a présenté à Genève ce 28 octobre une approche originale pour faire tomber les barrières: la pratique du tango! Un pari osé, né sous l’impulsion de Sabina Seiler. Danseuse professionnelle de tango argentin, elle collabore avec la SPVG depuis 2013. Les patients qu’elle a rencontrés l’ont convaincue de tenter l’expérience: «La maladie pousse les gens à cesser de faire tout ce qu’ils aiment. Petit à petit, ils se retirent de la société», résume-t-elle. Le tango, c’est l’occasion de faire à nouveau partie d’un groupe, «de retrouver la connexion avec les autres». C’est aussi une chance pour les couples de retravailler leur intimité, mise à mal par la maladie. «Je travaille avec des personnes atteintes de Parkinson, et parfois les rôles s’inversent: c’est le patient qui aide son conjoint à progresser. Partager un apprentissage s’avère très positif.» Et si un nombre suffisant de patients expriment leur intérêt pour cette discipline après la démonstration faite à Genève, un cours régulier pourrait voir le jour.

«Aujourd’hui, on peut presque guérir le psoriasis»

«Il est important que les patients sachent que nous disposons maintenant de thérapies efficaces contre le psoriasis. Beaucoup pensent encore qu’on ne peut pas les soulager!». Le professeur Wolf-Henning Boehncke, chef du service de dermatologie des Hôpitaux universitaires de Genève, déplore qu’un nombre important de patients néglige le suivi médical. «Au cours des dix dernières années, de nombreuses molécules innovantes ont été développées.» Parmi elles, les biothérapies basées sur des anticorps monoclonaux qui permettent de bloquer la réaction inflammatoire à l’origine des plaques rouges ou des atteintes articulaires dans l’arthrose psoriasique. Ces molécules agissent en quelques semaines et de manière très ciblée, ce qui en diminue les effets secondaires. «Elles allient une efficacité très élevée et un bon profil de tolérance», confirme le professeur Michel Gilliet, chef du service de dermatologie du Centre hospitalier universitaire vaudois, qui précise cependant que ces thérapies ne peuvent être prescrites qu’après des traitements systémiques classiques (methotrexate, ciclosporine…). D’autres médicaments prometteurs sont actuellement en cours d’évaluation dans des essais cliniques. «Il faut que les patients reprennent confiance. Aujourd’hui on peut presque guérir le psoriasis», assure le professeur Boehncke.

Dans la peau d’un malade

Autre outil mis en place par la SPVG, le jeu vidéo «Under Calypso». Ce «serious game» – c’est ainsi qu’on désigne les jeux vidéo à but pédagogique – permet de se confronter à diverses situations de la vie de tous les jours, d’un rendez-vous chez le coiffeur à la visite d’une personne qui passe à l’improviste. «L’intelligence artificielle s’adapte aux propos du joueur, et plus la personne est positive, plus le feed-back l’est aussi, décrit Deise Mikhail, cofondateur de Human Games, société qui a développé le jeu. C’est une manière de travailler sa confiance en soi, mais aussi envers les autres.» Disponible sur différents supports, dont les lunettes Oculus qui offrent une expérience immersive, «Under Calypso» permet également à tout un chacun de se glisser dans la peau d’une personne atteinte de psoriasis. «Il est fondamental que le regard de la société change sur cette maladie. Nous espérons que cette approche pourra y contribuer», conclut Deise Mikhail.

En collaboration avec

Le Matin Dimanche

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