Gare aux excès de sucre
Dans son communiqué du 3 mars dernier, le message de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est sans appel: nous devons réduire notre consommation de sucre.
En ligne de mire, non pas celui contenu naturellement dans les féculents, fruits ou légumes que nous consommons, mais la poudre raffinée dont regorgent les produits industriels et nos sucriers. Au-delà des kilos qui nous agacent à quelques semaines de la plage, la préoccupation se hisse au rang d’enjeu de santé publique.
Dans le détail, l’OMS conseille de «ramener l’apport en sucres libres à moins de 10% de la ration énergétique totale chez l’adulte et l’enfant», voire «à moins de 5%, soit à 25 grammes (six cuillères à café) environ par jour».
Quelle quantité de sucre pour vous?
L’OMS suggère de limiter à 5% les sucres ajoutés à la ration énergétique totale. Pour traduire cela sur une journée, il suffit de faire deux calculs:
- Pour déterminer votre besoin quotidien en énergie (sans activité physique): entre 25 et 30 kilocalories (kcal) x votre poids en kilos. Soit, pour une personne de 70 kg: entre 1750 et 2100 calories.
- Pour les 5% de sucres ajoutés: 5% de cette fourchette. Pour ce même exemple, il ne faudrait donc pas dépasser entre 87,5 et 105 kcal de sucre par jour: l’équivalent du sucre contenu dans deux barres chocolatées.
- Rappelons qu’une simple canette de 33 cl de Coca-Cola contient 140 kcal sous forme de sucre. Il faut aussi savoir que de nombreux aliments industriels salés, comme le ketchup, contiennent beaucoup de sucre.
Calories superflues
Une recommandation saluée par le Pr Jacques Philippe, responsable du service de diabétologie aux Hôpitaux universitaires de Genève, qui irait même plus loin: «L’idéal serait de viser un taux à zéro!»
Et pour cause, tout le sucre que nous consommons, nous le gardons. Aucun organe indulgent n’élimine de lui-même nos excès, le précieux composé, vital à notre organisme et en particulier au cerveau, est scrupuleusement conservé. Or, «pâtes, riz, pommes de terre, autres légumes, produits laitiers ou fruits fournissent déjà tous les hydrates de carbone nécessaires à notre fonctionnement», explique le spécialiste.
«Le sucre ajouté pour la confection de pâtisseries, confitures et quantité de produits alimentaires industriels ne nous apporte rien, si ce n’est des calories superflues.» Si les sources naturelles sont à privilégier, c’est parce qu’elles contiennent des sucres dits «complexes».
A l’image d’un collier de perles que l’organisme devrait décortiquer perle par perle pour en tirer l’énergie, ils ont l’avantage d’être libérés progressivement, au fil des heures et de nos besoins. Avec les sucres «simples» – glucose ou fructose – plus question de sautoir à défaire: les «perles» nous arrivent en pièces détachées, prêtes à un stockage immédiat.
Une drogue qui avance masquée
L’envie irrépressible de chocolat, le réflexe de boire sucré ou d’avoir toujours des bonbons à portée de main peut dépasser la simple fantaisie et revêtir les atours d’une véritable dépendance.
En cause: le comportement du sucre – en particulier le sucre à absorption rapide, celui ajouté à nos desserts et cafés – dans le cerveau, où il perturbe les récepteurs dévolus à la dopamine, l’hormone du plaisir.
Dès lors, au fil du temps, la satisfaction ressentie après la consommation d’un soda ou d’une barre chocolatée se ternit et appelle à augmenter les quantités absorbées. Un processus qui rappelle l’addiction à des substances bien moins douces...
«Les anomalies constatées au niveau des récepteurs du cerveau varient en fonction de l’élément perturbateur, mais le mécanisme en jeu est en effet le même pour le sucre que pour la cocaïne!», confirme le Pr Jacques Philippe, responsable du service de diabétologie aux Hôpitaux universitaires de Genève.
Si le risque immédiat est la prise de poids, les conséquences sur la santé peuvent être lourdes. «Une prise en charge médicale peut être utile, suggère le spécialiste, car comme pour toute addiction, le processus est complexe, mais réversible.»
Effet négatif sur l’humeur
Une consommation excessive de tels sucres se traduit donc par une prise de poids quasi inévitable, mais également par des risques cardiovasculaires et de diabète accrus, des problèmes dentaires, et un effet négatif sur l’humeur.
Reste qu’à l’heure d’adoucir le café, sucre blanc, roux, stevia, aspartame nous tendent les bras. Le moins pire? «C’est difficile à dire, explique le Pr Philippe. Ceux qui apportent des calories, sucre blanc et roux notamment, sont stockés de façon assez similaire par l’organisme. Pour les options «zéro calorie», tout porte à croire que leur effet est néfaste sur l’organisme: elles entretiennent l’habitude du goût sucré et perturberaient la gestion du sucre par le corps. Quant aux «nouveaux» sucres, le recul que nous en avons est encore très restreint.»
Apport très différent d’un pays à l’autre
L’apport en sucres libres est très différent d’un pays à l’autre. L’Organisation mondiale de la santé relève ainsi qu’il est en moyenne pour les adultes de 7% à 8% de la ration énergétique totale en Hongrie et en Norvège pour atteindre 16% à 17% en Espagne et au Royaume-Uni. Chez les enfants, il grimpe à 12% en moyenne au Danemark, en Slovénie ou en Suède et frôle les 25% au Portugal.
L’activité physique, encore elle, reste de circonstance
Alors comment pallier nos excès et envies? «En augmentant notre activité physique, en allégeant les repas suivants et, surtout, en prenant conscience que nous mangeons souvent de façon trop insouciante en nous plaignant ensuite de prendre du poids! répond le Pr Philippe. Nous pouvons manger ce que nous voulons, à condition que cela soit en quantité limitée.»