Une alimentation riche en fibres pourra-t-elle prévenir le diabète?
Chacun sait que nous ne réagissons pas de la même manière à des apports alimentaires identiques. Il reste encore pour une large part à en comprendre les raisons. Une découverte réalisée par un groupe de chercheurs français vient ici combler une lacune et laisse entrevoir de possibles perspectives thérapeutiques. Il s’est intéressé à l’impact sur la flore intestinale des alimentations riches en graisses. Et il conclut que la composition de cette flore est directement impliquée dans la façon dont l’organisme développe certaines pathologies métaboliques comme le diabète. Ce travail vient d’être publié dans Gut, revue internationale de gastroentérologie et d’hépatologie. Il a été dirigé par Rémy Burcelin et Matteo Serino, (unité «Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires», Université Paul Sabatier-Toulouse, Institut national français de la santé et de la recherche médicale).
S’intéresser aux dérèglements du corps humain réclame, bien souvent, de se pencher sur cet univers bien méconnu qu’est la flore intestinale; on parle aussi – la terminologie est nettement plus moderne, du microbiote intestinal. Il s’agit tout simplement de l’ensemble des bactéries vivant dans notre tube digestif. Soit un nombre incalculable appartenant à environ mille espèces bactériennes différentes se nourrissant plus ou moins de ce que nous ingérons pour nous nourrir. La chose n’est pas simple. Mais elle se complique bigrement quand on sait que chaque individu est doté d’une flore intestinale spécifique et d’un métabolisme qui varie selon ce dont il se nourrit.
Chez la souris, des études précédentes avaient déjà montré qu’une alimentation riche en graisses est capable de déséquilibrer la flore intestinale, entraînant ainsi l’apparition de maladies métaboliques comme le diabète ou l’obésité. Les auteurs de la publication de Gut ont étudié durant trois mois l’action d’une «alimentation grasse» sur la flore intestinale chez des souris mâles du même âge ayant toutes le même profil génétique. Par «alimentation grasse», on entend alimentation susceptible d’induire un diabète, non une obésité. La plupart de ces souris sont devenues diabétiques en restant maigres mais quelques-unes, toujours maigres, sont restées non-diabétiques. Pourquoi?
L’équipe a d’abord voulu confirmer l’hypothèse selon laquelle la flore intestinale est bien impliquée dans la façon dont l’organisme réagit face à un régime alimentaire riche en gras. Elle s’est alors intéressée aux «profils microbiens» de différents types de souris (souris maigre-diabétique et souris maigre non- diabétique). Les chercheurs ont alors montré que les bactéries de la flore intestinale n’étaient pas présentes en même quantité chez les souris, selon que ces dernières étaient ou non diabétiques. Les souris maigres-diabétiques sont caractérisées par une flore composée majoritairement de bactéries de type Bacteroidetes à la différence des souris maigres non-diabétiques, caractérisées par une flore composée majoritairement de bactéries de type Firmicutes.
Question: la flore intestinale est-elle la cause ou la conséquence des maladies métaboliques?
Pour répondre, l’équipe de Rémy Burcelin a modifié directement la flore intestinale d’un groupe de souris en ajoutant des fibres alimentaires (gluco-oligosaccarides) à leur régime en haute teneur en graisse. «La plupart des caractéristiques physiologiques ont été modulées par l’ajout de ces fibres. Le métabolisme des souris traitées avec ces fibres est proche de celui des souris maigres et non diabétiques, précise Matteo Serino. Cependant, la flore intestinale des souris traitées par les fibres est devenue très différente.»
Pour les chercheurs, il semble clair que, selon son profil, la flore intestinale pourrait orienter le métabolisme de l’organisme vers un état diabétique ou non. Certes, on ne peut pas comparer la flore bactérienne d’une souris à celle d’un homme, il n’y a que 2% seulement de superposition entre les deux flores. Pour autant certains mécanismes inflammatoires liés à certaines bactéries, comme le Faecalibacterium prausnitzii, semblent être les mêmes. Pour ces chercheurs les bactéries présentent dans la flore intestinale pourraient à elle seules prédire la survenue ultérieure d’un diabète.
Il est d’autre part selon eux possible que des rations alimentaires supplémentaires en fibres (ciblant la flore intestinale) puisse prévenir l’apparition de maladies métaboliques (comme le diabète) et ce même en cas d’une alimentation riche en graisses. Qu’attend-on pour abandonner les souris lancer des études cliniques en vrai grandeur sur l’homme afin d’en avoir le cœur net et de faire œuvre utile?