Arthrose: le traitement se cache-t-il en nous?
Et si le remède contre l’arthrose se trouvait en partie en nous-mêmes? Une récente étude, dirigée par des chercheurs de l’Université de Duke aux Etats-Unis et parue dans la revue Science Advances*, a mis en évidence une capacité de régénération du cartilage osseux jusque-là quasi insoupçonnée. On savait celui des enfants et jeunes adolescents apte à se renouveler, notamment pour les besoins de la croissance. En revanche, le cartilage enveloppant les extrémités des os adultes était plutôt connu pour son inaptitude à se régénérer suffisamment pour contrer les affres du temps et des sollicitations affligées aux articulations.
Sous les projecteurs de cette analyse: hanche, genou et cheville. Dans le détail, les chercheurs se sont concentrés sur le renouvellement des protéines de collagène dans le cartilage de ces trois articulations. Pour ce faire, ils y ont comparé l’activité d’agents clés d’un processus moléculaire lié aux ARN messagers. Leur conclusion va bel et bien dans le sens d’une capacité de régénération innée, variant selon la zone du corps. Celle-ci serait en effet d’autant plus efficace que l’articulation se trouverait aux extrémités des membres. Les ARN messagers s’avèrent ainsi plus actifs et nombreux au niveau des chevilles que des genoux et surtout des hanches, ce qui expliquerait, en partie au moins, le moindre risque de souffrir d’arthrose des chevilles.
Potentiel d’auto-réparation
«Bien menée, sophistiquée, très technique, cette étude est vraiment intéressante, note le Pr Thomas Hügle, chef du Service de rhumatologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Mais elle a des limites, liées au fait qu’une partie seulement du processus cellulaire a été examinée, de surcroît sur des échantillons d’os, en dehors donc des conditions de vie réelles. Si ces résultats ne se traduiront pas dans l’immédiat par un médicament miracle pour contrer l’arthrose, ils vont dans le sens des traitements novateurs actuellement envisagés. Et pour cause, ceux-ci misent également sur le potentiel d’auto-réparation du corps.» Parmi eux: la spérifermine (facteur de croissance FGF18), qui vise à stimuler la régénération cellulaire au niveau du cartilage. Même si elle n’est pas encore disponible sur le marché, elle pourrait révolutionner la prise en charge de l’arthrose, dont les traitements actuels (lire encadré) ne suffisent pas toujours à échapper au remplacement de l’articulation lésée par une prothèse. Parmi les autres pistes privilégiées, celles de molécules susceptibles d’endiguer les microcalcifications lésant les articulations dans 90% des cas. Quant aux cellules-souches, qui ont fait l’objet de vastes études, elles se sont montrées décevantes face à l’arthrose en raison de coûts très élevés et de protocoles particulièrement complexes pour une efficacité jugée maigre.
Pour rappel, l’arthrose est une affection conduisant à la dégradation progressive des articulations. Touchant plus de la moitié de la population après 50 ans, elle prend les allures d’un cercle vicieux: d’abord le cartilage s’effrite, exposant les parties osseuses de l’articulation. Celles-ci s’usent et finissent par se déformer. En parallèle, la membrane synoviale (couche interne de l’articulation) s’épaissit et attaque elle-même le cartilage, qui finit par disparaître.
Deux bémols
Si les contours de la maladie sont désormais bien connus, le potentiel du corps pour y faire face a encore de vastes parts d’ombre, d’où l’intérêt de cette récente étude. «Il est précieux de savoir que le cartilage dispose d’une capacité de régénération plus élevée que ce qu’on imaginait, mais deux bémols majeurs sont à noter, poursuit le Pr Hügle. Le premier tient au fait que les articulations ne sont pas uniquement constituées de cartilage, mais d’une architecture complexe faite également d’os, de ligaments, de tissus spécifiques. Toutes ces structures sont impliquées et mises à mal en cas d’arthrose. Quelle qu’elle soit, la seule régénération du cartilage est donc insuffisante. Et surtout, il y a le second bémol: les causes de l’arthrose elles-mêmes. Il ne sert à rien de favoriser une meilleure santé du cartilage si on ne s’attaque pas en parallèle aux facteurs ayant déclenché et entretenant la maladie.»
Les causes de l’arthrose restent en partie mystérieuses, mais on les sait aujourd’hui nombreuses et variables selon la zone du corps concernée. L’arthrose des doigts par exemple est à la fois d’origine génétique et favorisée par un excès de cholestérol. Quant à celle des genoux, elle relève directement de facteurs mécaniques. Instables par nature, leurs articulations sont malmenées en cas de surpoids, de défaut d’alignement des jambes (jambes en «X» par exemple), de traumatismes (rupture des ligaments croisés, ablation d’une partie du ménisque, par exemple) ou de certaines pratiques professionnelles (métiers du bâtiment, etc.) ou sportives (football notamment), autant de facteurs favorisant la survenue de la maladie. «Quels que soient les nouveaux traitements qui arriveront, il sera toujours nécessaire de prendre également en compte l’aspect mécanique du problème», insiste le Pr Hügle. Et d’ajouter: «La prévention, elle aussi, est cruciale.» Parmi les bons réflexes? Eviter le surpoids, le tabac (facteur favorisant la calcification du cartilage) et miser sur une alimentation riche en fibres et une activité physique régulière. »
Comment soulager l’arthrose?
Quel que soit le traitement envisagé, la prise en charge de l’arthrose vise à soulager les douleurs tout en tenant compte, au cas par cas, des causes métaboliques, physiologiques ou encore mécaniques du problème. Tour d’horizon des principales possibilités de traitement avec le Pr Thomas Hügle, chef du Service de rhumatologie du CHUV.
- Perte de poids en cas d’obésité, activité physique régulière pour renforcer la musculature (le vélo par exemple est excellent pour les hanches, la musculation des quadriceps, pour les genoux), stabilisation par le biais de semelles ou d’orthèses en cas de défaut de posture: l’objectif est de soulager «mécaniquement» l’articulation en souffrance.
- Physiothérapie, applications de chaud ou de froid, exercices d’assouplissement: autant d’aides ponctuelles susceptibles d’apaiser les douleurs. A noter que l’application de chaleur par le biais de bains, pommades ou emplâtres chauffants est reconnue pour son efficacité. Le recours au froid (poches de glace, gels réfrigérants, etc.) est à privilégier en cas d’inflammation de l’articulation (rougeur, gonflement, etc.).
- Activité physique: ses effets bénéfiques sont directs (maintien d’une musculature protectrice des os) et indirects (production naturelle de facteurs anti-inflammatoires).
- Médicaments anti-douleurs et anti-inflammatoires: si le paracétamol reste le traitement de premier recours, l’intensité des crises peut nécessiter la prescription d’anti-inflammatoires locaux ou par voie générale.
- Injections de cortisone ou d’acide hyaluronique dans les articulations. Réservées aux cas d’arthrose modérée à sévère, les premières sont privilégiées en cas de poussées aiguës, les secondes ont fait leurs preuves dans les cas d’arthrose sévère du genou et du pouce. Elles ne sont pour l’heure pas remboursées par l’assurance maladie en Suisse.
- Chirurgie: correction des défauts d’axe articulaire ou remplacement de l’articulation par une prothèse, l’option chirurgicale est envisagée en cas d’arthrose sévère.
* Analysis of “old” proteins unmasks dynamic gradient of cartilage turnover in human limbs, Science Advances, 09 octobre 2019.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 16/02/2020.
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