Mal de dos, quand tu nous tiens... il faut bouger!

Dernière mise à jour 17/11/16 | Article
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Très fréquente, la lombalgie peut avoir des origines diverses, tant la mécanique du dos est subtile et complexe. En déterminer son origine n’est pas simple, l’imagerie n’étant pas toujours d’une grande aide. Pour y remédier en revanche, un seul mot d’ordre: bouger!

Lumbago ou tour de rein, chacun y va de ses mots pour décrire ce que certains désignent comme le mal du siècle. Le mal de dos serait-il inévitable? On peut le croire, sachant que huit personnes sur dix en seront un jour ou l’autre victimes. Dans la majorité des cas, la lombalgie dite aiguë ne dure que quelques jours, au pire jusqu’à quatre semaines. Désagréable certes, mais elle guérit généralement seule. Toutefois, la lombalgie commune peut récidiver, voire devenir chronique, cela sans pour autant que la colonne vertébrale souffre de lésions ou qu’une grave pathologie en soit responsable. Néanmoins, plus le mal de dos est chronique, plus les retombées sur le quotidien, la vie sociale et professionnelle, sans parler des conséquences économiques, sont importantes.

La plupart du temps, le mal de dos ne provient pas d’un problème nerveux, mais il résulte d’un mauvais fonctionnement du système neuromusculaire. Car la mécanique du dos est complexe, comme l’explique le Dr Iohn Michael Norberg, responsable de l’unité de rachis au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV): «Il faut comparer le dos à un orchestre symphonique: si l’un des instruments travaille mal, alors cela sonne faux. Avec le dos, c’est pareil: si le fonctionnement d’un muscle est mal coordonné, un blocage musculaire peut survenir et on a mal.»

La douleur peut être liée à un affaiblissement musculaire ou au contraire à des muscles dorsaux trop toniques (typique chez les ouvriers). Elle peut survenir «quand nous faisons un geste qui n’est pas adapté à la situation, parce qu’il y a un décalage entre ce que nous attendions et ce qui s’est effectivement passé. Nous devons par exemple prendre un carton dont nous sommes persuadés qu’il est très lourd, alors qu’il est léger comme une plume. Nous avions donc préparé notre musculature à soulever une grosse charge, mais voilà qu’elle se trouve finalement prise de court et elle dysfonctionne», expliquent la journaliste scientifique Elisabeth Gordon et le Dr Stéphane Genevay, responsable de la consultation multidisciplinaire du dos aux Hôpitaux universitaires de Genève, dans leur livre sur le sujet*. La douleur peut être ressentie dans la nuque, dans la région dorsale entre les omoplates et les côtes, ou dans le bas du dos, en bas du bassin, d’un côté ou des deux en même temps, par exemple. Elle peut également irradier dans la fesse, derrière la cuisse, voire jusqu’en bas de la jambe selon le nerf qui est impliqué. Le type de douleur varie d’une sensation de chaleur, voire de brûlure, à une pesanteur ou des coups de poignard.

La lombalgie spécifique

Dans 5% des cas seulement, le mal de dos a une cause spécifique (rhumatisme inflammatoire qui est la cause spécifique la plus fréquente chez les moins de 45 ans); fracture due à un accident ou à de l’ostéoporose; infection bactérienne dans des vertèbres ou des muscles qui l’entourent; tumeur). Dans 10 à 15% des cas, il résulte d’un problème neurologique, comme la sciatique par exemple (voir encadré). Parmi les autres problèmes neurologiques, on peut également citer un canal lombaire rétréci par des phénomènes dégénératifs.

Le cas de la hernie

La hernie touche principalement les adultes entre 35 et 55 ans et survient lorsqu’une portion de disque intervertébral fait saillie et sort de ses limites. Elle ne s’accompagne, dans la plupart des cas, ni de gêne, ni de douleurs et est d’ailleurs présente chez 30 à 40% de la population sans douleur. Néanmoins, elle peut parfois provoquer une inflammation d’une racine nerveuse passant à proximité (racines des nerfs sciatiques et fémoraux lorsque la hernie est dans la région lombaire). Des douleurs et d’autres phénomènes neurologiques sont alors ressentis dans la région desservie par la racine nerveuse enflammée, par exemple dans la partie postérieure du mollet et la plante du pied s’il s’agit d’une des racines du nerf sciatique. Les douleurs de dos sont alors au second plan, voire totalement absente.

Et si c’était...

...une sciatique?

Très typique, la sciatique est cette douleur qui parcourt la jambe de haut en bas, avec des sensations de brûlures ou de décharges électriques, s’accompagnant parfois de fourmillements ou d’un engourdissement. Le mal provient du nerf sciatique, qui est le plus gros et plus long nerf du corps. Il part du bas du dos au-dessus de la fesse et descend dans l’arrière de la jambe jusqu’aux orteils. La sciatique peut être confondue avec une lombalgie commune qui irradie jusque dans la jambe. La présence d’une hernie est l’une des causes les plus fréquentes, celle-ci venant enflammer l’une des racines du nerf sciatique. Elle peut aussi être due au rétrécissement du canal par lequel la racine nerveuse émerge entre deux vertèbres. La plupart du temps, la sciatique guérit spontanément, mais cela peut prendre quelques semaines, voire quelques mois. Contrairement à ce que l’on préconise lors d’une lombalgie commune, il convient de rester prudent dans le mouvement lorsqu’une sciatique a été diagnostiquée pour ne pas renforcer l’inflammation. Le médecin guidera son patient sur les gestes à favoriser et ceux à éviter ainsi que sur les modalités de prise en charge possibles contre la douleur.

... l’arthrose?

L’arthrose est la diminution progressive du cartilage articulaire. Lorsque le cartilage est abîmé, voire détruit, les os glissent moins bien, pouvant provoquer une inflammation et des douleurs. La cause principale est génétique, mais une fatigue articulaire, une sollicitation excessive des articulations ou le fait d’être sédentaire peut la rendre plus symptomatique. L’arthrose ne se soigne pas, mais on peut stabiliser les choses grâce à un traitement conservateur, explique le Dr Jallut, spécialiste en rhumatologie à Lausanne: des séances de physiothérapie, une rééducation ou, si les dommages sont plus importants, des injections d’anti-inflammatoire, voire de la chirurgie. Si la douleur fatigue et si elle est mal tolérée, un traitement de psychothérapie ou des antidépresseurs pourront être prescrits afin de percevoir son corps différemment, d’accepter plus facilement la douleur et d’augmenter par là même son tonus.

Comprendre le mal de dos

Pour comprendre le mal de dos et à moins de suspecter une maladie plus grave ou une lombalgie spécifique, l’imagerie apporte peu de bénéfice et doit être interprétée avec précaution: «Lors de grandes cohortes incluant des patients cardiaques, des examens par imagerie ont révélé chez de nombreuses personnes des lésions au niveau du dos (hernies, discopathies, arthrose) alors que le patient ne présentait aucune douleur. A l’inverse, on est souvent face à des patients se plaignant de douleurs au dos, alors que les radios ne montrent aucune lésion», commente le Dr Norberg. Cela s’explique par le fait que, pour une grande part, leur origine se trouve dans des problèmes de musculature et ceux-ci ne se voient pas sur les radios. «D’où l’importance de bien faire le rapprochement entre les images et les douleurs évoquées, et de bien écouter le patient», insiste le spécialiste. Un avis que partage le neurochirurgien de la Clinique de la Source, le Dr Ali Etemad‑Sajadi: «Il faut être très prudent avec les patients chez qui il y a une mauvaise corrélation entre les plaintes et les trouvailles de l’imagerie. On n’opère pas une IRM, mais le patient!»

Les techniques opératoires

«Lors d’une compression nerveuse, on cherche, par la chirurgie, à enlever la source de compression afin de libérer le nerf», explique le Dr Ali Etemad-Sajadi, neurochirurgien à la Clinique de La Source. Plusieurs techniques existent. La microchirurgie minimalement invasive offre une grande précision, très utile lorsqu’on opère à proximité des structures nerveuses pour éviter de les abîmer. Le neuromonitoring intra-opératoire avec l’assistance d’un neurologue permet, grâce à la mesure de l’influx nerveux, d’opérer avec une sécurité supplémentaire. L’imagerie intra-opératoire (neuronavigation correspondant au GPS du chirurgien) offre plus de sécurité lors des chirurgies de stabilisation de la colonne vertébrale. Cela permet de placer vis et implants avec plus de précision.

Les facteurs de risque

Pourquoi a-t-on mal au dos? Il semblerait que de nombreux gènes soient impliqués dans la lombalgie, mais cela ne fait pas tout. C’est avant tout un mode de vie sédentaire qui en est le principal facteur de risque. Et l’exercice physique est donc le meilleur moyen d’y remédier. Les fumeurs aussi souffrent davantage de leur dos, probablement en raison des effets néfastes du tabac sur la circulation sanguine et sur l’inflammation. Mais contrairement à ce qu’on croit, les conditions de travail (port de charges, station assise ou debout de façon prolongée) ou une grande taille ne sont pas des facteurs de risque. L’obésité en tant que telle non plus, dans la mesure où le surpoids n’a pas d’influence directe sur la colonne vertébrale. Néanmoins, une personne obèse aura peut-être plus de mal à avoir une activité physique régulière et sera donc plus sujette à des problèmes de dos.

L’impact psychologique

Le stress en soi ne provoque pas de mal de dos, mais des facteurs psychologiques peuvent contribuer à l’amplifier et le faire durer. L’impact psychologique d’une lombalgie n’est pas à négliger, surtout si elle est chronique. Pour le Dr Norberg, «il est important de tenir compte des circonstances ayant précédé le mal de dos, la réaction de l’entourage, des proches, de l’employeur en cas d’arrêt de travail, et demander au patient ce qui l’inquiète et quels sont ses besoins. Un stress familial, conjugal ou professionnel peut jouer un rôle important dans la chronicisation». De même, la peur d’avoir mal –la kinésiophobie (lire encadré)– peut déconditionner la musculature et entraîner des raideurs musculaires sources de douleur.

Quand consulter ?

Si les douleurs sont supportables, il n’est pas nécessaire de consulter un médecin durant le premier mois après leur apparition. Passé ce délai, si la douleur persiste mais qu’elle s’apaise néanmoins, on peut encore différer une consultation médicale. En revanche, consultez immédiatement si vous présentez l’un des symptômes suivants*:

  • Douleurs irradiant dans le bras ou la jambe.
  • Sensations d’engourdissement ou de fourmillement dans le pied et les orteils.
  • Perte de sensibilité dans la jambe.
  • Paralysie dans le bras ou la jambe.
  • Sensation de malaise général accompagnée de fièvre, de perte de poids ou d’autres symptômes.
  • Douleurs de dos suite à un accident.
  • Autres douleurs dans la poitrine ou dans le ventre.

* Source: Ligue suisse contre le rhumatisme

Comment soigner ?

Lors de son anamnèse, le médecin s’inquiétera de la nature des douleurs et il effectuera un examen clinique (en touchant, palpant, faisant bouger le patient). Dans un premier temps, il proposera un reconditionnement musculaire progressif sur plusieurs semaines, en association avec de l’antalgie ou d’autres moyens de calmer la douleur. «On ne risque pas de brouiller les pistes diagnostiques en prenant des antidouleurs. Il faut couper le cercle vicieux de la douleur car elle n’a pas d’utilité», assure le spécialiste du CHUV. Lorsqu’on a mal au dos en effet, on a tout intérêt à chercher des solutions pour soulager la douleur, même si cela suppose de prendre des médicaments. Car plus on souffre, moins on est actif. Or, il est indispensable de le rester. Le paracétamol et l’ibuprofène (anti-inflammatoires non stéroïdiens) sont des béquilles qui aideront à se remettre sur pied, mais ces substances ne sont pas forcément la panacée. Les substances myorelaxantes qui, comme leur nom l’indique, détendent la musculature, peuvent aider. Toutefois, elles ne sont pas tolérées par tous à cause de ses effets de somnolence. On peut également utiliser des méthodes plus basiques, comme la chaleur ou le froid: douche chaude, bain, bouillotte sur la zone douloureuse, glaçons ou sachets de légumes congelés enveloppés dans une serviette humide pour éviter le contact direct avec la peau… L’effet antidouleur est toutefois éphémère.

Contre les lombalgies chroniques (douleurs depuis plus de trois mois) provoquant d’intenses douleurs, des infiltrations de cortisone ou d’anesthésique sont parfois proposées. Ce traitement invasif n’a aucune efficacité prouvée lorsqu’il n’y a pas une composante neurologique au mal de dos et n’est donc pas recommandé dans le cas de lombalgies communes chroniques. Sans compter que ses effets secondaires sont parfois importants. Selon la durée des symptômes ou la description qu’en fait le patient, le médecin pourra prescrire des examens d’imagerie (radio, IRM ou scanner), voire une prise de sang.

Et la physiothérapie?

La physiothérapie n’est pas seulement réservée aux patients ayant subi une chirurgie du dos, mais elle s’adresse d’abord et surtout à ceux souffrant de lombalgie chronique. «Les axes de traitements possibles sont divers et la prise en charge pluridisciplinaire, selon les besoins, l’histoire du patient et les compétences spécifiques des physiothérapeutes», explique Vincent Liesenborghs, chef du service de physiothérapie à la Clinique de la Source à Lausanne. Lors du premier rendez-vous, le physiothérapeute effectuera un bilan clinique afin de comprendre la problématique de son patient et guider de façon optimale son traitement. Il dispose pour cela de différents moyens thérapeutiques tels que le massage, les étirements, le gainage abdominal, le renforcement musculaire, l’hygiène posturale, etc.

Les buts recherchés seront:

  • Améliorer la statique du patient, la façon dont il bouge.
  • Effectuer un renforcement de la sangle abdominale, souvent faible lors de problèmes de dos.
  • Enlever la peur du mouvement douloureux (kinésiophobie) en redonnant au patient confiance en ses capacités. «Un patient atteint de kinésiophobie évite certains mouvements, ce qui entraîne une perte de mobilité de la zone douloureuse et à l’inverse une compensation d’autres régions», explique le spécialiste.
  • Réentraîner le patient lors d’une diminution de l’activité ou de sédentarité liées à la douleur. «On travaille l’équilibre, la musculature profonde, pour redonner confiance au patient dans ses possibilités.»
  • Enseigner une bonne «hygiène posturale».

La chirurgie, sous certaines conditions

Contre les maux de dos, la chirurgie n’est pas forcément le meilleur remède, mais elle répond à des indications très précises. «Elle est utile lorsqu’il y a une compression nerveuse –causée par une hernie discale lombaire ou cervicale par exemple, ou une compression du sac dural ou de la moelle épinière– due à un canal lombaire ou cervical étroit. Egalement lors de phénomènes d’instabilité de la colonne vertébrale, de tassements de vertèbres, ou de tumeurs», explique le Dr Etemad-Sajadi. «En revanche, pour les cas de lombalgie commune, le taux de réussite de la chirurgie ne dépasse pas les 50%», déclare le Dr Norberg du CHUV.

Bouger: oui, mais comment?

«Le mouvement renforce la musculature, lubrifie les articulations et nourrit les structures cartilagineuses», assure la Ligue suisse contre le rhumatisme. L’activité physique est en effet excellente pour le dos, car elle prévient les douleurs et augmente la tolérance à celles-ci, sans compter qu’elle apporte de nombreux bénéfices pour la santé physique et mentale. On a souvent dans l’idée que certains sports sont meilleurs pour le dos que d’autres. Ce n’est pas vrai. Tous les sports sont accessibles, mais il est conseillé de veiller à sa condition physique lors de la reprise. Lorsqu’on a eu mal au dos et qu’on souhaite se remettre au sport, il est conseillé de commencer par des disciplines d’endurance qui sollicitent moins la colonne vertébrale. Mais une fois qu’on a retrouvé sa forme physique, le choix est ouvert. Ce qui compte le plus est de trouver l’activité qui vous plaise suffisamment pour être pratiquée régulièrement. Pour vous guider dans ce choix, le site internet www.mon-sport.ch propose un test à cette fin.

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Source: Paru dans le supplément «Votre santé» du Quotidien de La Côte, novembre 2016.

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