«Movember», un mois pour parler de la prostate

Dernière mise à jour 29/11/18 | Article
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Le mois de novembre est désormais dédié aux cancers masculins à travers l’évènement «movember» (contraction du mot «moustache» en anglais et de «novembre»). Le but? Sensibiliser la population et soutenir la recherche mondiale sur ces maladies, parmi lesquelles le cancer de la prostate.

Dépister ou ne pas dépister?

«La décision de se soumettre à un dépistage du cancer de la prostate ou d’y renoncer relève d’un choix personnel», indique la Ligue contre le cancer dans son dernier rapport sur le sujet. En effet, de nombreuses discussions sont en cours sur l’utilité du dépistage, le surdiagnostic ou encore le surtraitement de la maladie. Il n’existe donc pas, pour l’instant en Suisse, un dépistage systématique et organisé du cancer de la prostate. Néanmoins, les médecins recommandent d’effectuer un contrôle tous les deux ans à partir de 50 ans (45 ans en cas d’antécédent familial). Le dépistage du cancer de la prostate consiste en un dosage du taux de PSA par prise de sang, ainsi qu’un toucher rectal. Une échographie, une biopsie et une IRM peuvent également être proposées en cas de soupçon.

Plus de 6100 nouveaux cas de cancer de la prostate sont recensés chaque année, faisant de ce cancer le plus fréquent chez l’homme. Si son incidence est en hausse, ce type de cancer bénéficie cependant de traitements de plus en plus performants qui ont permis de faire reculer sa mortalité.

Pour éviter des traitements inutiles, la prise en charge a grandement évolué ces dernières années. Un diagnostic précoce (lire encadré) permet dans bien des cas de repousser l’échéance d’un traitement lourd. «Tandis que par le passé on avait tendance à surtraiter, aujourd’hui on se pose toujours la question d’un traitement au cas par cas», explique le Pr Raymond Miralbell, médecin-chef du Service radio-oncologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Le stade d’évolution du cancer ainsi que l’âge du patient sont évalués, et un traitement n’est pas systématiquement proposé. «Pour les tumeurs à plus faible risque, on effectue une surveillance "active", c’est-à-dire une évaluation régulière de l’évolution de la tumeur par toucher rectal et analyse du PSA (prostate specific antigen) tous les six mois, et par imagerie et éventuellement des biopsies répétées tous les deux ans, explique le Pr Miralbell. C’est, en soi, une véritable option thérapeutique curative». Dans la majorité des cas en effet, le cancer n’évoluera pas durant plusieurs années et le patient évite ainsi un traitement lourd et le risque d’effets secondaires comme des troubles de l’érection ou urinaires.

La technologie au service des traitements

Le dépistage en lui-même s’est également amélioré, en partie grâce à une technologie de plus en plus précise. Jusqu’à il y a peu, les biopsies de la prostate se faisant aléatoirement, plus d’une biopsie sur deux échouait à confirmer la présence d’une tumeur. Mais des outils permettent désormais de mieux cibler la zone concernée. Certains services médicaux bénéficient en effet d’un fusionneur d’images qui superpose les données de l’IRM et de l’échographie de la prostate pour une localisation de la cible tumorale extrêmement affinée. Si le cancer est détecté à un stade avancé, se posera alors la question du traitement à mettre en place, en fonction de la taille de la lésion et du profil du patient. La chirurgie (ablation de la prostate) est souvent proposée en première intention et peut être combinée à de l’hormonothérapie et/ou une radiothérapie.

Depuis quelques années, la radiothérapie du cancer de la prostate bénéficie d’une technologie de géolocalisation: le système Calypso®. Utilisé dans trois centres en Suisse (dont les HUG), il permet de guider le rayon de façon plus précise afin de préserver les cellules saines. «Une seule intervention de trois minutes suffirait désormais, contre une quarantaine de séances par le passé», explique le Pr Miralbell.

Autre option thérapeutique possible dans certaines situations très spécifiques –chez les hommes jeunes et dans le cas de cancers peu agressifs–, la thérapie focale. Elle utilise l’ablation thermique (> 60 °C) par des ultrasons de haute intensité (HIFU) ou la cryothérapie (ablation par congélation) pour détruire les cellules cancéreuses. Le traitement focalisé par ablation thermique est utilisé depuis quelques années dans le bassin lémanique. Étant peu invasif, il a l’avantage de provoquer peu d’effets secondaires.

Quant à l’hormonothérapie –qui vise à bloquer l’action des hormones androgènes pour ralentir la propagation des cellules cancéreuses–, elle bénéficie également d’une avancée thérapeutique de taille dans le traitement de certains cancers métastatiques. Depuis quelques années en effet, de nouveaux médicaments (comme le Zytigaâ) permettent d’améliorer la survie et le quotidien du patient. «Ces nouveaux traitements ont permis de décaler l’échéance d’une éventuelle chimiothérapie souvent moins bien tolérée», explique le Dr Karim Kellou, médecin responsable de l’Unité d’urologie du Groupement hospitalier de l’Ouest lémanique (GHOL).

Des recherches prometteuses

La recherche oncologique avançant, de nouvelles approches thérapeutiques sont à l’étude, en particulier autour de la génétique. «On sait qu’une mutation génétique serait à l’origine du cancer de la prostate, explique le Dr Kellou. Comme c’est le cas dans certains cancers du sein, on peut donc envisager un développement des tests génétiques prédictifs.»

Enfin, l’un des grands espoirs pour les malades repose dans le développement de l’immunothérapie (utilisation du système immunitaire du patient pour détruire les cellules cancéreuses), qui devrait encore améliorer le pronostic du cancer de la prostate. En effet, des études en cours dans les centres universitaires suisses et l’autorisation aux Etats-Unis d’une immunothérapie anti-cancéreuse (le Sipuleucel-T) permettent d’envisager une avancée prochaine dans ce domaine.

Une adolescence trop arrosée est-elle un facteur de risque?

Une étude[1] parue dans le Cancer Research Journal en août dernier l’affirme: la consommation d’alcool durant l’adolescence serait corrélée à la survenue d’un cancer de la prostate à l’âge adulte. «Par rapport aux non-consommateurs, les hommes ayant bu sept verres ou plus entre 15 et 19 ans présentent une probabilité accrue de cancer de la prostate», concluent les auteurs. Des résultats face auxquels il convient d’être prudent. «L’alcool a peut-être un rôle d’activation de la mutation génétique propre à ce cancer, mais pour l’instant rien ne permet de l’affirmer. Cette étude est isolée et d’autres recherches doivent être menées selon moi», déclare le Dr Karim Kellou, médecin responsable de l’Unité d’urologie du Groupement hospitalier de l’Ouest lémanique (GHOL).

Les facteurs avérés du cancer de la prostate restent pour l’instant les suivants: l’âge (47% des malades ont plus de 70 ans) et les antécédents familiaux. Les hommes d’origine afro-antillaise auraient également un risque plus élevé de développer la maladie. Régulièrement soupçonnées, l’exposition aux pesticides ou l’alimentation n’ont pas encore été formellement reliées au cancer de la prostate. «Il est probable aussi que ce cancer ne soit que la simple conséquence d’une prostate qui vieillit».

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Paru dans le Quotidien de La Côte le 21/11/2018.

[1] «Early-Life Alcohol Intake and High-Grade Prostate Cancer: Results from an Equal-Access, Racially Diverse Biopsy Cohort», American Association for Cancer Research, Août 2018.

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