L’effet placebo: qu’en dit la science?

Dernière mise à jour 15/04/24 | Article
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Connu de tous, que sait-on vraiment de l’effet placebo? Il repose, beaucoup l’ignorent, sur des mécanismes psychologiques, biologiques et environnementaux complexes qui sont très bien documentés dans la littérature scientifique.

Le phénomène est fréquemment évoqué quand il s’agit de décrire une réaction ou un effet quasi magique, qui vient apaiser ou éteindre nos maux. Mais que savons-nous vraiment de l’effet placebo? Sur quoi s’appuie-t-il et quelle place a-t-il dans les soins? Loin d’être purement imaginaire, il repose sur des mécanismes psychologiques, biologiques et environnementaux solidement documentés dans la littérature scientifique. Pour rappel, on parle d’effet placebo lorsque la prise d’une substance que l’on pourrait dire inerte, comme une solution saline ou une pilule de sucre, engendre des effets bénéfiques (qu’ils soient physiologiques ou psychologiques) sur le patient, quand bien même celle-ci n’a aucun effet pharmacologique.

Parmi les processus qui sous-tendent l’effet placebo, le premier et peut-être le plus important se nomme l’«expectation». Il fait référence à l’attente (en français) par le patient d’un résultat positif ou négatif après une procédure de soins réelle ou factice. Dans la littérature scientifique, l’attente est décrite comme pouvant par exemple être induite par de la suggestion verbale, lorsque l’expérimentateur (ou le soignant dans la réalité) soutient l’efficacité de la thérapie. La parole du soignant peut, en soi, induire l’effet thérapeutique du traitement auprès du patient. Cette attente est soutenue et médiée par un effet d’«apprentissage». Des études portant sur le pouvoir analgésique de l’effet placebo montrent qu’à force d’être stimulé et renforcé, celui-ci peut être mémorisé. Mais cela dépend du contexte émotionnel et cognitif du patient. L’effet placebo analgésique peut par exemple diminuer chez les participants atteints de la maladie d’Alzheimer, selon le degré de sévérité de la maladie.

Le conditionnement à l’œuvre

Le deuxième mécanisme clé contribuant à l’effet placebo est le conditionnement, tel que décrit par Pavlov. Dans l’expérience de Pavlov, un chien est conditionné pour associer le son d’une cloche (stimulus neutre) à la réception de nourriture (stimulus inconditionnel), si bien qu’à force, l’animal salive dès qu’il entend la cloche sonner. Dans l’effet placebo, un pareil mécanisme de conditionnement peut se produire. Dans une étude, un groupe de patients a reçu pendant deux jours un médicament qui augmente la sécrétion d’hormone de croissance, suivi d’un placebo. Chez ces sujets, une réponse hormonale a été observée après la réception du médicament, mais aussi après le placebo. La sécrétion d’hormone de croissance n’a en revanche pas été constatée dans un autre groupe, le «groupe contrôle», n’ayant pas été conditionné et n’ayant reçu qu’un placebo.

Implications cliniques

L’effet placebo semble omniprésent dans le processus thérapeutique, de manière consciente ou non. Cet aspect a été démontré dans des études avec un protocole particulier: l’Open-Hidden Paradigm (OHP), consistant à administrer des traitements de manière cachée ou ouverte aux patients. Dans une autre étude, des patients ont été séparés en deux groupes et informés qu’ils allaient recevoir un antalgique puissant. Le premier groupe a reçu un traitement antalgique (morphinique) de façon standard par l’intermédiaire d’un infirmier. Le deuxième groupe a reçu le même traitement par l’intermédiaire d’une machine, sans intervention humaine (administration du traitement de manière cachée). Les résultats ont révélé un effet antalgique significativement plus faible dans le groupe «caché» par rapport au groupe ouvert (avec intervention humaine), bien que le principe actif fût le même. Autrement dit, le rituel de soin est, en soi, un puissant inducteur d’effet placebo.

Au-delà des effets antalgiques, l’effet placebo existe dans une grande variété de situations cliniques. Il a par exemple été étudié dans la gestion des symptômes du syndrome du côlon irritable. Une étude a révélé, d’une part, que l’acupuncture placebo permet une diminution significative de la sévérité des symptômes et, d’autre part, que cet effet est supérieur lorsqu’il y a une meilleure relation praticien-patient.

L’effet placebo a également été démontré dans la maladie de Parkinson. Une étude s’est intéressée à l’influence de l’effet placebo sur la bradykinésie (ralentissement des mouvements volontaires) des patients porteurs d’une neurostimulation, la Deep Brain Stimulation (DBS), une technique de stimulation cérébrale profonde grâce à l’implantation d’électrodes dans le cerveau. Le protocole consistait à activer et désactiver la DBS en avertissant ou non le patient. Les personnes stimulées averties présentaient significativement moins de symptômes que celles stimulées de manière cachée. À l’inverse, la désactivation de la neurostimulation de manière ouverte péjorait significativement la bradykinésie par rapport à sa désactivation cachée.

Et l’éthique dans tout ça?

L’effet placebo est un outil avec un excellent rapport risque-bénéfice. Cependant, on pourrait également y voir une forme de tromperie et de mensonge, puisqu’il ne respecte pas le principe d’autonomie du patient, ce qui limite son utilisation dans la pratique. Néanmoins, le traitement placebo peut être éthiquement acceptable dans certaines situations où le médecin croit sincèrement en ses effets bénéfiques et où il est présenté de manière honnête au patient, afin de garantir son autonomie et son pouvoir de décision. De nouvelles études montrent d’ailleurs qu’une utilisation transparente a des effets similaires à un placebo classique et moins d’effets secondaires. Au courant de l’inactivité pharmacologique de leur traitement, les patients présentent généralement peu d’effet nocebo, soit d’effets indésirables bénins, surtout d’origine psychologique, après administration d’un médicament inactif.

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* Adapté de: Moalic A, et al. Placebo: effet réel ou imaginaire, qu’en dit la science? Rev Med Suisse. 2023;9 (840):1614-1617.

Paru dans Planète Santé magazine N° 52Mars 2024

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