Accouchement: faut-il le déclencher ou l’attendre?

Dernière mise à jour 17/01/18 | Article
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Parfois indispensable pour préserver la santé de la mère et de l’enfant, le déclenchement de l’accouchement est une intervention courante. Toutes les circonstances ne le justifient pourtant pas.

 Provoquer l’accouchement de façon artificielle plutôt que d’attendre que la nature fasse son œuvre est chose fréquente en obstétrique: un dispositif prépare le col, et une perfusion permet à l’utérus de se contracter et au col de se dilater afin d’engager le travail. Or, si les différentes techniques employées pour le faire ont été largement étudiées, il n’en va pas de même pour les raisons qui poussent une équipe médicale à entreprendre une telle procédure.

Des essais cliniques randomisés ont étudié six situations médicales qui entraînent généralement un déclenchement, afin d’en analyser les bénéfices réels. Ils ont comparé à chaque fois deux groupes de femmes formés par le hasard (randomisation), pour assurer que les groupes soient comparables. Dans le premier, l’accouchement était déclenché d’office; dans le deuxième, l’équipe médicale attendait que l’accouchement débute de façon spontanée (à moins d’un cas de force majeure). Dans chaque situation, ils ont évalué quelle attitude présentait le plus de bénéfices pour la maman et le fœtus et quel était le risque de césarienne.

Dépassement du terme de la grossesse

Le terme de la grossesse est situé aux alentours de 40 semaines d’aménorrhée (absence de règles). Lorsqu’elle dépasse 41 semaines, le fœtus voit son poids et ses besoins augmenter tandis que le placenta, qui lui apporte oxygène et nutriments, devient de moins en moins efficace. Les risques de complications et de décès du fœtus sont alors réels et exigent une surveillance attentive de la grossesse.

Deux groupes de femmes ont été observés dans les essais cliniques: le premier bénéficiait d’un déclenchement d’accouchement dès la 41e semaine, le deuxième d’une surveillance accrue et d’examens tous les deux jours. Il s’est avéré qu’un déclenchement d’office permettait de réduire le risque de mortalité du fœtus, sans augmenter le risque de césarienne. Ces résultats ont entraîné la recommandation en Suisse et dans de nombreux autres pays de déclencher l’accouchement quand la grossesse dépasse 41 semaines.

Rupture prématurée des membranes

Lors d’un accouchement normal, les membranes qui entourent l’œuf se rompent en même temps que le travail commence. Il arrive que cette membrane se brise de façon prématurée, soit avant 40 semaines ou le début du travail. Cette rupture précoce peut entraîner des infections, particulièrement lorsque plus de 24 heures s’écoulent avant l’accouchement.

Selon les essais cliniques, il y a peu de différences entre les deux groupes de femmes observés. Tous deux présentent environ le même taux de césarienne (10%) et de risques d’infections. La décision peut donc être prise en fonction de critères non médicaux comme le souhait des parents ou la disponibilité de l’infrastructure médicale.

Hypertension artérielle

L’hypertension artérielle chez la mère est une affection fréquente et potentiellement dangereuse, y compris pour l’enfant. Dans les cas graves, elle peut déboucher sur des complications sévères (éclampsie, décollement placentaire, syndrome HELLP, etc.). Le déclenchement de l’accouchement ou la césarienne sont donc indispensables.

Dans les cas plus modérés, les essais cliniques ont montré que le risque de complications était légèrement moins élevé en cas de déclenchement mais que les nouveau-nés, eux, risquaient davantage de souffrir de détresse respiratoire. En revanche, le risque de césarienne était le même dans les deux groupes de femmes. La décision sera alors discutée au cas par cas, en fonction de la gravité de la situation pour la mère et le fœtus.

Macrosomie fœtale

Lorsque le fœtus a un poids excessif à l’approche de la naissance (on parle alors de «macrosomie»), l’accouchement par voie basse peut se révéler dangereux pour la mère (traumatismes du périnée maternel, césarienne) comme pour l’enfant (fractures ou dystocie des épaules). Le déclenchement de l’accouchement semble bénéfique: chez les femmes ayant bénéficié d’un déclenchement quelques jours avant le terme de 40 semaines, les essais cliniques montrent que les bébés sont moins gros à la naissance. Les risques de traumatisme fœtal, de césarienne et d’accouchement instrumenté sont plus faibles. Ces résultats encouragent donc à déclencher l’accouchement quand le poids estimé du fœtus est supérieur à 3700 g à 37 semaines ou 3900 g à 38 semaines.

Diabète

Présent dans environ 10% des grossesses, le diabète gestationnel entraîne des risques à l’approche du terme (souffrance fœtale et macrosomie). Un essai clinique de petite envergure a montré un avantage au déclenchement. Le risque de césarienne semble le même, mais la macrosomie et les dangers potentiels liés à l’accouchement sont réduits. L’étude encourage à un déclenchement de l’accouchement à 38 semaines en cas de diabète gestationnel traité par insuline et à 40 semaines en cas de traitement nutritionnel du diabète. Un traitement au cas par cas s’impose en cas de diabète préexistant.

Retard de croissance

On parle de retard de croissance intra-utérin (RCIU) lorsque le fœtus présente un poids trop bas ou une stagnation dans sa croissance. Dans les cas sévères, un déclenchement de l’accouchement s’impose, parfois avant le terme.

En cas de retard de croissance modéré, il n’y a pas de bénéfice évident à opérer un déclenchement. L’état du fœtus doit être de toute façon scrupuleusement surveillé et l’intervention décidée au cas par cas.

En bref...

Pour les quelques cas précités, le taux de césarienne ne semble pas être plus élevé lors d’un déclenchement d’accouchement. En revanche, cette procédure ne devrait être appliquée qu’aux situations étudiées dans les essais cliniques ou aux pathologies présentant des risques élevés pour la mère et pour l’enfant. Dans les autres cas, il vaut mieux attendre que l’accouchement se déroule de façon naturelle. Il est fondamental, enfin, d’évaluer aussi le risque individuel de chaque patiente et de prendre en compte les préférences et la sensibilité des futurs parents.

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Adapté de «Déclenchement de l’accouchement : le pour et le contre», Pr M. Boulvain et Dr N. Jastrow Meyer, Département de gynécologie et d’obstétrique, HUG. In Revue Médicale Suisse 2015; 11:2011-5, en collaboration avec les auteurs.

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