«La notion de mort naturelle a perdu de sa signification»

Dernière mise à jour 26/09/22 | Questions/Réponses
PS46_notion_mort_naturelle
Suicide assisté, mort naturelle, soins palliatifs? Quelles différences? Interview d’Annette Mayer, théologienne et accompagnante spirituelle en milieu hospitalier.

    

Avec les nouvelles directives de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), pensez-vous que les demandes d’assistance au suicide vont augmenter?

Annette Mayer: Elles ont déjà passablement augmenté ces dernières années. Mais il ne faut pas oublier que la demande d’assistance au suicide ne se fait, selon mon expérience d’accompagnante spirituelle, que rarement sur un coup de tête. Ce type de démarche est souvent mûrement réfléchi –le plus souvent en lien avec une maladie évolutive. Je ne pense pas que les nouvelles directives vont faire exploser les cas.

L’assistance au suicide est-elle courante à l’hôpital?

Une assistance au suicide par une association comme Exit, à laquelle un patient aurait fait appel, ne se pratique que très rarement au sein d’un hôpital. Et surtout pas par les professionnels de la santé employés par l’institution hospitalière! Un hôpital ne peut accepter une telle démarche qu’à titre d’exception, si le transfert du patient, soit à domicile, soit à un autre endroit, n’est pas possible. Ainsi, le nombre de réalisations d’une assistance au suicide dont j’ai eu connaissance à l’hôpital n’est pas immense. Les patients qui le désirent rentrent en principe à la maison pour prendre le barbiturique. Je ne suis donc pas présente lorsque les choses se passent.

En tant que théologienne catholique, que pensez-vous du suicide assisté?

Pour ma part, dans l’accompagnement centré sur une personne concrète et donc pas dans l’abstraction conceptuelle, je peux avoir beaucoup de compassion, voire de compréhension pour les personnes qui demandent ce type d’aide. Au niveau de la singularité d’une personne, il ne s’agit jamais de situations faciles et une posture doctrinaire me semble inconcevable. Je suis très sensible à l’articulation d’une éthique individuelle et d’une éthique sociale. Autant je suis motivée pour un accompagnement empathique de la personne, autant je suis critique quant à la tendance sociétale à la banalisation ambiante. Comme théologienne, je considère que le suicide et l’assistance au suicide sont de l’ordre du tragique. D’ailleurs, les études montrent qu’aujourd’hui, l’appartenance religieuse devient de moins en moins importante pour une grande partie de la population et leur positionnement en la matière.

Les personnes croyantes ne sont-elles malgré tout pas davantage enclines à mourir de mort naturelle?

Mais qu’est-ce qu’une mort naturelle? Aujourd’hui, cette notion a perdu de sa signification. La majorité des décès sont prévisibles et accompagnés par des traitements. N’importe quel médicament, n’importe quelle option thérapeutique entraînent des conséquences sur le corps et donc sur sa survie.

Les soins palliatifs sont-ils une alternative au suicide assisté?

Il ne faut surtout pas opposer les deux, ni les mettre au même niveau. Il serait naïf de croire que les soins palliatifs peuvent toujours garantir une mort douce. Ils aident cependant les patients à favoriser la meilleure qualité de vie possible telle qu’eux-mêmes la définissent. Et ils les aident à exercer leur autonomie. Ce qui peut également signifier, dans certaines situations, que le patient choisisse le suicide assisté en toute conscience.

Faut-il ouvrir l’assistance au suicide à tout le monde, y compris aux personnes en bonne santé?

Les médecins ont une responsabilité –sans pour autant avoir une attitude paternaliste– envers leurs patients et, dans ce sens, un devoir de prévention du suicide. Le plus important aujourd’hui est que tout un chacun puisse réfléchir à ces questions avant d’y être confronté. La consultation publique actuelle du texte sur la planification anticipée des soins (PAS) est primordiale. Patient et médecin doivent former un partenariat et discuter en amont de cette thématique. J’encourage dans ce sens les gens à regarder le formulaire de l’ASSM et à répondre aux questions.

_________

Paru dans Planète Santé magazine N° 46 – Septembre 2022

Articles sur le meme sujet
PS46_suicide_assisté

Suicide assisté: aussi pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie

Les nouvelles directives sur le suicide assisté ouvrent cette pratique aux personnes malades qui ne sont pas forcément en fin de vie. L’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) et la Fédération des médecins suisses (FMH) sont enfin tombées d’accord sur un texte qui encadre cette pratique légale. Un soulagement pour les médecins. Décryptage.
PULS_invitee_muriel_delacquis

«La vie reste de la vie jusqu’au bout»

Infirmière à l’EMS des Mouilles, chargée de cours à la Haute école de santé de Genève et présidente de l’association Palliative Genève*, Muriel Delacquis a croisé la route des soins palliatifs il y a une douzaine d’années. Depuis, elle y consacre sa vie, comme une évidence.
mort_soins_palliatifs

La mort des soins palliatifs?

La période de fin de vie amène réflexions, choix et décisions. Chacun doit pouvoir exprimer ses priorités pour traverser le plus sereinement possible le dernier stade de son existence. Les soins palliatifs ont justement pour rôle d’anticiper, soulager et écouter. Mais cet aspect fondamental des soins ne devrait-il pas être introduit plus tôt dans la prise en charge? La question est ouverte.
Videos sur le meme sujet

Rencontre avec Philip Larkin, un spécialiste des soins palliatifs

Tous les vendredis, "CQFD" reçoit un homme ou une femme de science pour parler de son travail et de ses recherches.

Mourir comme à la maison

Êtes-vous comme le 80% de la population? Si vous deviez choisir où mourir, vous aimeriez être chez vous à la maison. Pourtant, seule une minorité y parvient.

Les soins qui souffraient d'un problème d'image

La plupart des gens associent soins palliatifs à la fin de vie.