Les droits du patient: un «chemin de croix» du point de vue financier

Dernière mise à jour 22/03/17 | Article
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En tant que patients, nous avons tous des droits. Mais entre frais judiciaires et honoraires d’avocat, il peut coûter très cher d’exercer ses droits en justice.

Le droit suisse contient de nombreuses dispositions protégeant les droits du patient. Lorsque ce dernier considère que la prise en charge effectuée par un médecin ou un autre professionnel de la santé n'était pas adéquate, plusieurs moyens juridiques s'offrent à lui. Il peut notamment demander des dommages-intérêts devant un tribunal civil, déposer une plainte devant l'autorité de surveillance, voire même déposer une plainte pénale. Il existe néanmoins un écueil important à la mise en œuvre des droits du patient: l'aspect économique, c'est-à-dire la prise en charge par le patient des honoraires d'avocat et des frais de justice.

Procédure civile

Dans le cadre d'une action civile, le patient demande à ce que le professionnel de la santé soit condamné à lui verser des dommages-intérêts (p. ex. frais encourus, perte de gain, préjudice ménager, tort moral).

Les honoraires d’avocat

Le patient peut agir seul en justice, c'est-à- dire sans le concours d'un avocat. Toutefois, dans la mesure où les règles procédurales de l’action civile sont relativement complexes et que le Tribunal ne peut, en principe, suppléer d'office aux éventuelles carences du plaideur, le recours à un avocat demeure souvent la règle.

Compte tenu de la longueur prévisible d'une procédure1, les honoraires d’avocat sont donc un poste financier important que le patient devra prendre en compte s’il entend demander des dommages-intérêts devant un tribunal civil. Font exception les patients qui auraient souscrit préalablement une assurance de protection juridique couvrant la prise en charge des frais d’avocat (avec ou sans libre choix de ce dernier) ou les patients au bénéfice de l’assistance juridique de l’Etat, étant précisé que les conditions pour l'octroi de l'assistance juridique sont très restrictives. En dehors de ces situations, les honoraires d'avocat sont à la charge du patient et devront en principe faire l’objet d’une provision tout au long de la procédure. Il convient de préciser que les règles de la profession d'avocat en Suisse ne permettent pas à ce dernier de convenir à l'avance d'être rémunéré uniquement en cas de gain du procès, contrairement à ce qui prévaut, par exemple, aux Etats-Unis.

La conciliation d’abord

Si vous pensez que vos droits en tant que patient n’ont pas été respectés, il est préférable d’en parler avec le professionnel concerné avant de vous lancer dans des démarches judiciaires. Une conciliation peut ainsi permettre d’éviter des procédures longues, parfois éprouvantes, et surtout coûteuses. Si toutefois la voie judiciaire semble être la seule issue possible, sachez que diverses sociétés médicales proposent des services et des conseils pouvant vous être très utiles.

De nombreuses informations peuvent être consultées sur Droitsdupatient.ch ou sur les sites des sociétés cantonales et autres associations de médecins.

Lorsque l’action civile est admise, une partie des honoraires d’avocat payés par le patient sera remboursée par les dépens mis à la charge du professionnel de la santé ayant succombé, le solde demeurant à la charge du patient. Dans l'hypothèse inverse, soit celle où l'action civile est rejetée, le patient devra en principe verser des dépens à la partie adverse, ce qui constitue une issue dont il faut tenir également compte du point de vue financier. A relever que le patient bénéficiant de l'assistance juridique de l'Etat n'est pas pour autant dispensé de régler les dépens.

Les frais judiciaires

Conformément aux dispositions procédurales applicables, les juridictions civiles demanderont, préalablement à l'ouverture d’une action au fond2, que soit réglée une avance de frais dont le montant dépend de la valeur litigieuse3. Ainsi, à Genève par exemple, une demande de dommages-intérêts devant le Tribunal de première instance d'une valeur située entre 250 001 et 500 000 CHF fera l’objet d’une avance de frais à la charge du patient de 20 000 CHF.

A défaut de régler ce montant, la demande en justice sera considérée comme irrecevable, c'est-à-dire que le patient ou son assurance de protection juridique n’ont d'autre choix que de régler cette avance. Font exception à cette règle les personnes au bénéfice de l'assistance judiciaire qui sont exonérées de l’avance de frais. Il faut également savoir que certains actes de procédure, par exemple la réalisation d'une expertise judiciaire (fréquente dans les affaires de droit médical), sont soumis à des frais qui devront être avancés par la partie qui les sollicite.

Les frais judiciaires, qui peuvent être relativement élevés, seront ensuite répartis selon l'issue du procès, c'est-à-dire qu'ils seront en principe mis à la charge de la partie ayant succombé.

Procédure disciplinaire

Dans le cadre de la plainte à l'autorité de surveillance, le patient ne peut obtenir des dommages-intérêts. La procédure ne porte en effet que sur une éventuelle sanction disciplinaire du professionnel de la santé, laquelle va jusqu’au retrait définitif du droit de pratique, ce en fonction de la gravité des manquements professionnels.

Honoraires d’avocat

Dans la mesure où l'autorité instruit les faits d'office, le recours à un avocat n'est pas nécessaire, ce qui permet le cas échéant au patient d'éviter de devoir payer les honoraires y relatifs. Si le patient souhaite néanmoins se faire assister par un avocat, il devra en assumer les frais, sauf dans l'hypothèse où il bénéficie d'une couverture d'assurance de protection juridique prenant en charge une telle procédure ou de l’assistance juridique de l’Etat. Il convient de relever qu'à Genève l'autorité de surveillance, soit la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, n'octroie pas de dépens, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de participation aux honoraires d'avocat.

Frais judiciaires

La mise en œuvre de la procédure disciplinaire est gratuite, sauf dans les cas où une partie agit de manière abusive.

Procédure pénale

Dans le cadre de la procédure pénale, le patient peut porter à l'attention du Ministère public les manquements qu'il reproche au professionnel de la santé dans le but que ce dernier soit condamné à une sanction pénale. En se constituant partie plaignante, le patient peut également demander à ce que ses prétentions civiles soient réglées dans le cadre d'un éventuel procès pénal.

Honoraires d’avocat

Comme en matière disciplinaire, le Ministère public instruit les faits d'office, le recours à un avocat n'est donc pas nécessaire. Si le patient souhaite néanmoins se faire assister dans le cadre de la procédure, il devra prendre à sa charge les honoraires d'avocat, sauf s’il bénéficie d'une couverture d'assurance de protection juridique ou de l’assistance juridique. Il pourra en principe obtenir le remboursement des honoraires de la part du prévenu condamné, à tout le moins dans la mesure où l'assistance d'un avocat était nécessaire et que l'activité de celui-ci était proportionnée.

Frais judiciaires

La mise en œuvre de la procédure pénale est gratuite pour le patient. Dans de rares situations, la partie plaignante peut néanmoins voir les frais de procédure mis à sa charge, par exemple s'il a agi de manière téméraire ou par négligence grave et que cela a entravé le bon déroulement de la procédure.

En bref...

Il existe de nombreux aspects à prendre en compte lorsque, en tant que patient, on souhaite exercer ses droits en justice, notamment l’aspect financier. Celui-ci peut s'avérer problématique en l’absence d’une couverture d’assurance de protection juridique ou si on ne bénéficie pas de l'assistance juridique de l’Etat.

1. Une décision de première instance peut faire l’objet d’un appel, et la décision rendue sur appel peut elle-même faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral.

2. L’action au fond est déposée après que la tentative obligatoire de conciliation ait échoué.

3. La valeur litigieuse représente ce que demande le patient.

_________

Source: Paru dans le magazine Planète Santé N°25, mars 2017.

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