La Suisse manque de donneurs de cornée

Dernière mise à jour 12/05/14 | Article
La Suisse manque de donneurs de cornée
Contrairement à d’autres pays, la Suisse manque de cornées. Cette pénurie est grandement due à l’ignorance et à diverses croyances sur le prélèvement des greffons. Explications avec le responsable de la Banque de cornée de Lausanne.

Début 2014, à l’occasion du 26e congrès de l'Association européenne des Banques de cornées (EEBA), une campagne d’information en faveur du don de cornée a été initiée à Lausanne par l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. Une campagne nécessaire, car notre pays manque cruellement de donneurs: on compte seulement 12 donneurs par million d'habitants dans notre pays, contre 24,4 en France, 32 en Belgique ou 34,8 en Espagne. Parmi les greffes réalisées en Suisse chaque année, 50% des greffons sont ainsi achetés à l’étranger, notamment aux Etats-Unis.

«On ne prélève pas les yeux du donneur, mais seulement une fine couche transparente en avant de la couleur de l’œil»

Dr François Majo

«580 greffes de la cornée sont réalisées en Suisse chaque année, alors que 800 greffes devraient être réalisées pour couvrir le besoin de la population. Faute de donneurs, les patients en liste d’attente peuvent attendre jusqu'à trois ans», déplore le Dr François Majo, responsable de la Banque de cornée de Lausanne et de l'Unité de cornée médicale et chirurgicale de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. En Suisse romande, 140 personnes sont actuellement en attente d’un greffon.

Les yeux restent

Le manque de donneurs est grandement dû à l’ignorance et à diverses croyances sur la cornée et son prélèvement, même chez les personnes se déclarant donneurs d’organe. Souvent, celles-ci acceptent de donner leurs organes mais pas leurs cornées. Il en va de même pour les proches, qui refusent ce don même lorsque le défunt s’est déclaré donneur d’organe sans restriction.

«Il y a souvent confusion entre le prélèvement de la cornée –un tissu très fin, dont la greffe permet de redonner la vue– et les yeux eux-mêmes», commente le Dr Majo. Concrètement, le prélèvement du greffon, qui se fait sur la personne décédée, consiste en une intervention très superficielle à la surface de l’œil, sans aucune mutilation du visage du défunt.

Fréquemment, la famille du défunt imagine à tort que leur proche va «partir» sans ses yeux ou, pire, en étant défiguré par l’absence d’yeux. Les yeux sont des organes ayant une dimension émotionnelle forte. C’est une partie importante de l’identité même de la personne. «Or, la personne qui sera greffée ne reçoit pas le regard de la personne décédée, mais sa vision», souligne le spécialiste.

Evaluation de la qualité des cornées

Les cornées peuvent être prélevées durant les 72 heures qui suivent le décès du donneur. Les greffons sont ensuite immergés dans un liquide de conservation durant trois à quatre semaines. Durant cette période, la qualité de la cornée est évaluée pour savoir si elle est utilisable en thérapeutique humaine.

On effectue également des tests sanguins sur le donneur lors du prélèvement, afin d’éviter la transmission d’agents infectieux au receveur (VIH, hépatite B et C, syphilis, etc.).

Tout le monde est un donneur potentiel

Certains pensent également que leur cornée n’est pas en assez bon état pour être utilisée pour réaliser une greffe. Or, on peut tous êtres donneurs de cornée de 16 à 90 ans, même si l’on est myope, si l’on souffre d’une maladie, comme un cancer, ou si l’on a déjà été opéré de la cataracte, par exemple. En cas de doute, on peut se renseigner auprès de son ophtalmologue.

Remplir une carte de donneur

Pour devenir donneur d’organes et de tissus, et donc de cornée (ou pour indiquer qu’au contraire on ne le souhaite pas), il suffit de remplir une carte de donneur (lire notre article  Les dons d’organes et de tissus) et d’en parler avec ses proches. On peut également mentionner quels sont les organes ou tissus que l’on souhaite donner ou non.

Les personnes ayant rédigé leurs directives anticipées et/ou un mandat thérapeutique (lire  Les directives anticipés, le représentant thérapeutique et le mandat pour cause d’inaptitude) peuvent également y spécifier leurs volontés en matière de don d’organes et désigner une personne qui veillera à leur respect.

Pour en savoir plus

Informations détaillées sur le don d’organe et carte de donneur sur http://www.transplantinfo.ch/

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Mieux comprendre le don de cornée

Avec quelque 650 opérations pratiquées en Suisse chaque année, dont plus d’une centaine réalisées par l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, le don de cornée est le don de tissu le plus fréquent. Le don de tissu – distinct, notamment de par sa logistique, du don d’organe – concerne également les cellulessouches, les valves cardiaques, etc. Bien qu’en tête de liste, le don de cornée continue d’interroger, d’inquiéter et de manquer. Aujourd’hui, les délais d’attente pour les personnes devenues malvoyantes en raison de cornées malades ou blessées dépassent les six mois.
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