La greffe de cellules souches: un autre moyen de traiter le cancer de l’enfant

Dernière mise à jour 19/11/20 | Article
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La greffe de cellules souches hématopoïétiques est en général réservée au traitement de la leucémie, du lymphome et de certaines tumeurs solides.

La greffe de cellules souches peut être la thérapie de la dernière chance lorsque la chimiothérapie et la radiothérapie ont échoué et que l’enfant rechute, après des mois, voire des années, de traitement. Mais elle peut aussi être proposée comme traitement de consolidation, afin d’éviter les récidives. 

Elle peut être «autologue», c’est-à-dire que les cellules en question sont prélevées dans la propre moelle osseuse du patient, à qui elles seront réinjectées ultérieurement. Ce type de modalité est utilisé lorsqu’il est nécessaire de soumettre l’enfant à une chimiothérapie très intense. Ce traitement détruit la moelle osseuse qu’il est ensuite nécessaire de remplacer. 

Quant à la greffe «allogénique», elle fait appel à des cellules souches provenant d’une autre personne. Elle peut alors agir directement contre certains cancers, comme la leucémie, ou encore être utilisée dans le cadre d’une immunothérapie. Dans ce cas, il est nécessaire que le donneur et le receveur aient des systèmes dits «HLA» les plus proches possibles. Sinon, le système immunitaire de l’enfant traité considère les cellules transplantées comme étrangères et il les rejette. À l’inverse, on peut assister à une «guerre» entre le donneur et les cellules du receveur, ce qui provoque une «maladie du greffon contre l’hôte».  

On cherche d’abord un donneur dans la famille, car il y a une chance sur quatre pour qu’un frère ou une sœur soit compatible et puisse être donneur. Dans le cas contraire, on fait appel à une banque internationale de cellules souches. Mais le processus est souvent lent et il faut parfois compter plusieurs mois de recherches. Si on ne trouve rien, on se tourne alors vers l’un des parents dont la compatibilité est de 50%. La transplantation est toutefois plus délicate. 

Dans la moelle, les veines ou le cordon ombilical

Il est possible de prélever les cellules souches directement dans la moelle osseuse ou bien en périphérie (en les prenant dans les veines), puisqu’elles circulent aussi dans le sang. Dans ce dernier cas, pour pouvoir disposer de suffisamment de cellules souches périphériques, on donne au patient (pour une autogreffe) ou au donneur (pour une allogreffe) des médicaments qui stimulent la production de ces cellules dans la moelle osseuse et les poussent à passer dans le sang en plus grand nombre. Une autre solution consiste à greffer du sang placentaire issu du cordon ombilical de nouveau-nés. Ces cellules se multiplient très rapidement et, comme elles sont immatures, elles ne nécessitent pas une compatibilité parfaite des systèmes HLA du receveur et du donneur. 

Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients. L’utilisation de cellules souches de la moelle osseuse permet une prise de la greffe plus rapide, mais elle oblige le donneur à subir un prélèvement au bloc opératoire sous anesthésie générale. Les cellules souches périphériques sont obtenues par une simple prise de sang, mais elles exposent le receveur à un risque plus important de maladie du greffon contre l’hôte. Quant au sang extrait du cordon ombilical, il est stocké à l’état congelé dans une banque mondiale conçue à cet effet. Il est donc rapidement disponible, mais il conduit à une prise de greffe plus tardive et peut exposer le patient à un plus grand risque d’infection. 

Restaurer le système immunitaire

La première étape de l’intervention consiste à soumettre l’enfant à une chimiothérapie à forte dose et parfois à une radiothérapie, afin de nettoyer sa moelle en détruisant un maximum de cellules cancéreuses. De ce fait, on élimine également les cellules normales de la moelle qui produisent des globules blancs, éléments clés du système immunitaire. L’enfant doit donc être mis dans une chambre stérile afin d’être préservé des infections. 

Cinq à dix jours plus tard, on procède à la transplantation proprement dite. L’intervention ressemble à une transfusion sanguine: par perfusion, on injecte dans le sang du patient les cellules souches qui vont directement rejoindre la moelle osseuse et la coloniser. Quelques jours après la greffe (le délai dépend du donneur), la moelle osseuse s’est reconstituée et elle recommence à fabriquer des cellules sanguines, notamment des globules blancs. Ce n’est toutefois pas avant six mois à un an, selon la provenance des cellules souches issues du donneur (moelle osseuse, sang ou cordon ombilical), que l’enfant récupère totalement l’immunité qu’il avait au départ. 

Ces différentes étapes rendent ce traitement complexe et délicat. Malgré les progrès qu’elle a connus au cours de ces dernières années, la transplantation s’accompagne encore de nombreux effets toxiques à court et long termes. La greffe doit donc être pratiquée par des équipes médicales compétentes et être réalisées dans des établissements hospitaliers universitaires accrédités par des organismes spécifiques. En Suisse romande, il n’existe qu’un seul centre pour cette médecine hautement spécialisée, à Genève.

La moelle osseuse: une usine qui fabrique le sang

Comme son nom l’indique, la moelle osseuse se trouve dans les os. Elle n’a donc rien à voir avec la moelle épinière, située au centre de la colonne vertébrale, dont le rôle principal est de transmettre les messages nerveux entre le cerveau et le reste du corps. La moelle osseuse a une tout autre fonction. Elle fabrique les cellules souches hématopoïétiques qui vont donner naissance aux cellules du sang – les globules rouges (qui transportent l’oxygène), les globules blancs (qui luttent contre les infections) et les plaquettes (qui arrêtent les saignements). Cette usine tourne à plein régime: chaque jour, elle produit des centaines de milliards de cellules sanguines qui viennent remplacer celles qui ont été détruites dans notre organisme.

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Adapté de J’ai envie de comprendre… Le cancer de l'enfant et de l'adolescent, de Marc Ansari et Elisabeth Gordon, en collaboration avec Fabienne Gumy-Pause, Ed. Planète Santé, 2018.

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