Les cas de cancer du côlon augmentent chez les jeunes

Dernière mise à jour 03/10/19 | Article
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Le cancer colorectal est habituellement redouté à partir de la cinquantaine. De récentes études soulignent pourtant une augmentation des cas entre 20 et 49 ans. Un phénomène attribué au mode de vie occidental.

Plus de 2800 patients sont actuellement atteints du cancer du côlon en Suisse. Environ cinq personnes sur cent vont en développer un avant l’âge de 80 ans. Des chiffres qui risquent d’augmenter ces prochaines années, notamment en raison de l’explosion démographique et du vieillissement de la population. En revanche, son incidence (c’est-à-dire le pourcentage de personnes atteintes sur la totalité de la population) est légèrement en baisse depuis quelques années. Notamment grâce au dépistage, qui permet de repérer des lésions suspectes avant qu’elles ne deviennent cancéreuses.

Mais au-delà de ces bonnes nouvelles, plusieurs études récentes attirent l’attention sur un phénomène inquiétant. Dans la plupart des cas, ce type de cancer touche des personnes de plus de 50 ans. Plus on vieillit, plus le risque augmente. Mais cette logique n’est pas toujours respectée. Les cancers colorectaux sont en augmentation chez les personnes entre 20 et 49 ans dans certaines régions du monde, comme aux États-Unis ou en Suisse. «Nous ne sommes pas face à une épidémie, un cancer du côlon chez un adulte de moins de 50 ans reste quelque chose de très rare, rassure le Dr Thibaud Kössler, spécialiste des tumeurs digestives aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Il est cependant important de se demander d’où vient cette augmentation et surtout comment l’enrayer.»

L’obésité dans le viseur

Dépistage: la Suisse alémanique à la traîne

En Suisse, les programmes de prévention sont généralement gérés au niveau cantonal. De grandes disparités existent donc d’une région à l’autre. Actuellement, dans tous les cantons romands sauf Fribourg, aucune franchise n’est perçue si l’analyse a lieu dans le cadre des programmes cantonaux (de 50 à 69 ans). Les Grisons, Uri et le Jura bernois procèdent de la même manière. Dans les autres cantons en revanche, les patients peuvent se faire rembourser les frais d’analyse par l’assurance de base, mais ils sont soumis à la franchise. Pourquoi un tel «Röstigraben» en matière de remboursement? «Historiquement, la Suisse romande a souvent été pionnière en matière de santé publique, remarque le Pr Jacques Cornuz, directeur général du Centre universitaire de médecine générale et santé publique de Lausanne. C’est sans doute dû à une vision du service publique plus favorable de ce côté-ci de la Sarine.»

Au CHUV à Lausanne, de nombreuses actions sont actuellement déployées pour inclure la population dans le processus de dépistage. «Notre objectif est d’éviter la vision d’une sorte d’état paternaliste, qui impose des décisions sans explications, détaille le Pr Cornuz. C’est important que le patient puisse être bien informé et décider, en collaboration avec l’équipe médicale, ce qu’il souhaite faire à propos du dépistage.»

Les pistes d’explication évoquées dans les différentes études tournent autour du «mode vie à l’occidentale». On connaît deux grandes sortes de facteurs de risque du cancer colorectal: génétiques et environnementaux. «Étant donné la rapidité de l’augmentation de ce type de cancer chez les jeunes, il est plus probable que les responsables soient des facteurs environnementaux, notamment car l’augmentation des cas est parallèle à celle de l’obésité aux États-Unis», affirme le Dr Kössler. Parmi les facteurs de risque on trouve justement l’obésité mais aussi l’alcool, le tabac et la consommation de viande transformée.

Or, les États-Unis sont le royaume de la «malbouffe» et détiennent le record de personnes obèses au niveau mondial. «Mais le surpoids est aussi en augmentation en Europe, rappelle le médecin des HUG. Il est donc probable que ce phénomène se renforce dans notre pays».

Vers un dépistage précoce?

Ces chiffres posent une importante question de santé publique. Le dépistage du cancer du côlon (lire encadré) a pour objectif de détecter une lésion suspecte avant qu’elle n’évolue vers un cancer, autrement dit de diagnostiquer la tumeur le plus tôt possible afin que les chances de guérison soient plus élevées. Le problème de ce type de cancer, est qu’il reste souvent silencieux pendant de nombreuses années. Si bien que sa découverte a tendance à être tardive, à un stade avancé.

Le dépistage s’effectue soit au moyen d’une coloscopie, au moyen d’une caméra introduite par voie anale dans le tube digestif (à pratiquer tous les dix ans), soit par une recherche de sang occulte dans les selles (tous les deux ans).

Actuellement en Suisse, le dépistage n’est recommandé et remboursé par les assurances qu’à partir de 50 ans. Au vu de l’augmentation de tumeurs du côlon chez les jeunes, faudrait-il cependant commencer le dépistage à un âge moins avancé? «Les recommandations actuelles sont basées sur de longues et conséquentes études, explique le Pr Jacques Cornuz, directeur général du Centre universitaire de médecine générale et santé publique de Lausanne. En effectuer de nouvelles prendrait un temps considérable. Peut-être vaudrait-il mieux prendre le parti, en attendant, d’extrapoler les résultats récents et prendre position.»

D’ici là, les médecins généralistes, souvent en première ligne, sont invités à redoubler de vigilance lorsqu’un jeune patient présente certains symptômes. Du sang dans les selles, une alternance entre la diarrhée et la constipation ou encore une douleur abdominale doivent attirer l’attention. Ces signes ne sont bien sûr pas spécifiques au cancer du côlon, mais nécessitent un examen approfondi pour écarter tout doute. L’histoire familiale joue également un rôle important. Si un membre de la famille au premier degré (parents, frères, sœurs) a souffert d’un cancer du côlon avant 60 ans, une coloscopie est recommandée dès l’âge 40 ans.

Faut-il taxer les sucres?

Outre le dépistage ciblé, il existe déjà un moyen solide pour faire baisser le risque: une bonne hygiène de vie. Le tabac est un facteur de risque du cancer du côlon mais également de nombreuses autres pathologies. Son arrêt complet est donc un premier pas fondamental. Côté alimentation, il est recommandé de manger équilibré et consommer des aliments protecteurs, comme des fibres et des produits laitiers. Le tout de manière variée et avec modération. Une activité physique régulière est également un passage obligé. «Nous connaissons bien ces solutions qui réduisent le risque de cancer, souligne le Dr Kössler. Il faut être conscient que grâce à cela, nous avons le pouvoir d’inverser la tendance.»

Le cas du cancer du côlon ouvre également la voie à des questions globales et stratégiques en matière de politique de santé. Depuis 1980, le taux d’obésité, l’un des facteurs de risque principaux, a plus que doublé en Suisse. Un problème qui touche en particulier les populations aux moyens financiers limités. Pour le Pr Cornuz, «il faut maintenant envisager des stratégies de santé publique générales, telles qu’une information grand public innovante, la limitation de la publicité et la taxation des substances "obésogènes", comme certains sucres, ainsi qu’une politique publique permettant d’améliorer l’accès des personnes défavorisées aux programmes de dépistage». 

A la recherche de protéines dans les selles

Deux méthodes de dépistage sont proposées en Suisse à ce jour. La plus connue est sans doute la coloscopie. Cet examen, effectué sous sédation, consiste à introduire dans le tube digestif (par le rectum) une tige flexible munie d’une petite caméra, dans le but de repérer une lésion. Une technique très efficace, recommandée tous les dix ans à partir de cinquante ans. Elle présente toutefois quelques inconvénients. D’une part, c’est une intervention relativement invasive, qui nécessite une préparation. Les jours avant l’examen, le patient doit suivre un régime spécial et boire une grande quantité de produit laxatif afin que ses intestins soient le plus «propres» possible. Un processus souvent ressenti comme désagréable et déconseillé aux personnes âgées.

L’autre solution de dépistage proposée en Suisse est la détection de sang occulte dans les selles. Un échantillon fécal est analysé pour repérer des éventuelles traces de sang non visibles à l’œil nu. Il est recommandé d’effectuer ce test tous les deux ans à partir de cinquante ans. S’il est moins invasif que la coloscopie, il est aussi moins précis et demande de pratiquer une coloscopie de vérification lorsqu’il est positif.

Afin de contourner les inconvénients de chacune des méthodes, des chercheurs planchent aujourd’hui sur différentes alternatives. Parmi elles, la recherche de certaines protéines dans les selles, qui sont davantage présentes chez les patients atteints d’un cancer. «L’idée est de déterminer une constellation de protéines pouvant suggérer la présence d’une tumeur colique, explique le Dr Nam Nguyen, médecin généraliste à Genève. Associée à la recherche de sang occulte, cette méthode pourrait devenir ultra-performante tout en restant beaucoup moins invasive que la coloscopie.» Un tel dépistage permettrait alors de recommander la coloscopie dans un but diagnostic uniquement en cas de résultat positif aux analyses en laboratoire. Ce type de méthodes sont toutefois encore en cours de développement et nécessitent davantage de preuves avant de pouvoir être appliquées à large échelle.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 08/09/2019.

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