La fatigue chronique de l’ado traitée grâce à internet?
Un groupe de chercheurs de l’Université d’Utrecht a mis au point un traitement par internet du syndrome de fatigue chronique chez l’adolescent. Utilisant des techniques cognitivo-comportementales, la thérapie (Fitnet) se fait par échange de mails entre les ados et leur thérapeute. Les parents sont également impliqués dans la démarche. Dans une étude comprenant cent trente-cinq adolescents, les auteurs ont comparé l’efficacité du même traitement dispensé soit en ligne, soit dans des entretiens classiques. L’avantage revient sans conteste à Fitnet. Les symptômes pris en compte –absentéisme scolaire, fatigue, douleurs diffuses– sont nettement améliorés par cette méthode, alors que la thérapie en cabinet donne des résultats médiocres. Les traitements en ligne seraient-ils l’avenir de l’adolescent? L’avis de Philippe Stephan, médecin-chef du service de psychiatrie de l’enfant et l’adolescent à Lausanne.
Comment expliquer que, dans le cas du syndrome de fatigue chronique chez l’adolescent, des soins par internet s’avèrent nettement plus efficaces qu’une thérapie classique?
Philippe Stephan: Il faut un peu relativiser l’impact de cette étude, très restreinte quant au nombre de participants. Et surtout établir exactement ce que recouvre le terme de syndrome de fatigue chronique. Un diagnostic utilisé essentiellement dans les pays anglo-saxons et qui peut recouvrir différents problèmes. Cela dit, l’idée de s’adresser aux adolescents par leurs moyens de communication est bonne. Cela peut constituer un levier intéressant. Par exemple pour un jeune qui a de la peine à sortir de chez lui, que ce soit en raison de phobies ou de douleurs. Mais dans le lien thérapeutique sur le long terme, l’identification, la rencontre avec le thérapeute est fondamentale.
La fatigue chronique serait une cause importante d’absentéisme à l’école. Arriver à renvoyer les ados en classe, n’est-ce pas une victoire?
Cette méthode, basée sur une approche cognitivo-comportementale, permet à l’adolescent d’agir, de retrouver une sorte de maîtrise lui permettant de penser «je m’en sors tout seul». Il s’agit plus de rééducation que de compréhension. Cela lui convient car il n’aime pas comprendre, il préfère «faire». Mais tout dépend de ce que recouvrent ses symptômes. S’agit-il d’une fatigue due à une maladie virale, de phobies, de dépression, d’un problème de consommation de substances, d’une démotivation globale? Le moyen thérapeutique choisi dépend de la cause des symptômes. Et, pour moi, le syndrome de fatigue chronique isolé ne veut rien dire, en particulier à l’adolescence.
Car l’adolescence est un processus en mouvement. Une métamorphose à tous les niveaux, aussi bien physique que psychique. Le cerveau subit des modifications importantes, les neurones changent, leurs circuits aussi. Les troubles psychologiques n’échappent pas à cette dynamique, on ne peut les englober dans un diagnostic figé et général. Il faut donc traiter les ados en souffrance au cas par cas.
Dans les pays anglo-saxons, le syndrome de fatigue chronique chez l’adolescent fait l’objet de beaucoup d’attention. Chez nous, il n’existe pas. Comment est-ce possible?
De tout temps, l’expression de la souffrance a été assujettie à la culture et à des effets de mode. Actuellement, les Anglo-Saxons imputent beaucoup de souffrances à la fatigue chronique. Et comme toujours, lorsque l’on découvre une maladie nouvelle, l’effet placebo est très important. D’où, peut-être, le succès de l’étude hollandaise pour traiter ce syndrome.
Utilisez-vous internet dans vos consultations à Lausanne?
Les consultations ne se font pas par e-mails, mais nous travaillons par exemple avec les avatars, les jeux vidéos, cela fonctionne très bien. Il s’agit toutefois d’un moyen de médiation, un peu comme le dessin, et non d’un but en soi.
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