Éducation: zoom sur le «time out»

Dernière mise à jour 05/06/23 | Article
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Depuis plusieurs mois, la polémique fait rage, notamment en France, entre défenseurs d’une éducation bienveillante et un retour aux limites parentales. La pratique éducative du «time out» cristallise le débat. Explications.

«Ça suffit!», «Au coin!», «Va te calmer dans ta chambre!» Quel parent n’a jamais frôlé la crise de nerfs face à la désobéissance ou à l’agitation de son enfant? Faut-il user de la punition et mettre l’enfant à l’écart lorsque ce dernier se comporte mal ou refuse de faire ce qui lui est demandé? Ou vaut-il mieux privilégier le dialogue et l’écoute bienveillante? C’est sur ces questions que se déchirent plusieurs experts français par médias interposés. Les uns, à l’instar de la psychologue Catherine Goldman – l’autrice de File dans ta chambre! (Éd. Dunod) – prônant un retour de l’autorité et des limites parentales, notamment par la mise en œuvre du «time out», critiquant au passage les dérives de la parentalité positive. Les autres s’indignant contre cette pratique éducative jugée excessive et contraire aux intérêts de l’enfant.

Mais de quoi parle-t-on exactement? Le «time out» ­– abréviation de «time-out from positive reinforcement» – consiste à retirer momentanément l’enfant de l’endroit où le problème se présente pour ne pas contribuer au maintien du comportement négatif. C’est en quelque sorte le mettre sur le banc de touche: «S’il n’y a pas de spectateurs, il n’y a pas de spectacle», illustre Géraldine Maigret, psychologue clinicienne et doctorante à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève (UNIGE). Le but de cette stratégie éducative n’est pas tant de faire réfléchir l’enfant à son attitude. Il s’agit plutôt de le priver de l’attention de ses parents ou de ses pairs et de l’activité à laquelle il prend part. Elle se fonde sur un raisonnement simple, décrivent Géraldine Maigret et le Dr Édouard Gentaz, professeur de psychologie du développement à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UNIGE dans un article consacré au sujet*: «Si l’attention nourrit le comportement inapproprié, alors il faut interrompre brièvement tous les types d’attention pour mettre fin à ce comportement».

Pas pour tous les enfants

Aider son enfant à bien grandir

Le rôle des parents, dans l’éducation, consiste à aider les enfants à développer leurs aptitudes comportementales, émotionnelles et leurs capacités à coopérer. S’impliquer dans la vie de l’enfant, l’encourager et le féliciter est primordial. Au quotidien, mettre en place des routines a un effet rassurant et apaisant. La notion d’étayage est aussi très importante. Il s’agit d’accompagner l’enfant dans l’apprentissage de tâches adaptées à son âge et de progressivement lui permettre de les réaliser par lui-même. Le parent, par sa présence, joue un rôle de guide en l’aidant à trouver des stratégies et à structurer sa pensée, mais aussi à gérer les frustrations liées à l’échec. Cela demande de savoir garder la bonne distance pour ne pas faire à la place de l’enfant. Enfin, il est recommandé de partager des moments de qualité en étant pleinement présent.

Ce que la querelle d’experts ne mentionne pas, c’est que «le time-out est réservé aux situations les plus problématiques, comme en cas de disputes, lorsque l’enfant fait une crise ou casse des choses. Ce moment va l’aider à réguler ses émotions», indique le Dr Fabrice Brodard, psychothérapeute spécialiste de l’enfant et de l’adolescent et enseignant à l’Université de Lausanne (UNIL). En effet, le time-out a été étudié chez des enfants présentant des comportements opposants et défiants, comme c’est le cas dans le trouble oppositionnel avec provocation, le trouble des conduites ou dans le déficit d’attention hyperactivité (TDAH). «Dans ces familles, les conflits sont courants, intenses, et les comportements des enfants ont un impact sur les relations intrafamiliales», indiquent Géraldine Maigret et Édouard Gentaz dans leur article.

Ainsi, il n’est pas question, dans un accès de colère, de renvoyer simplement l’enfant dans sa chambre. Le time-out nécessite quelques prérequis et n’est pas à appliquer en premier recours. Il s’inscrit au sein de différents programmes d’entraînement des habiletés parentales dont il n’est que l’une des composantes, souligne Géraldine Maigret: «C’est une procédure qui a son efficacité dans une feuille de route bien précise.» Fabrice Brodard le confirme: «Le time-out a été étudié dans le cadre de plusieurs programmes qui ont été validés scientifiquement. Il est utile et efficace à condition d’être bien appliqué et associé à d’autres stratégies éducatives.»

Les prérequis

Avant d’en arriver là, et pour éviter que l’enfant se sente menacé dans son attachement, il faut veiller à partager avec lui du temps de qualité, le valoriser et l’encourager lorsqu’il se comporte bien. Face aux comportements hostiles (agressivité, insultes, coups, jets d’objets, etc.), et seulement si le rappel des règles ou l’indifférence ne marchent pas, le time-out peut alors être envisagé. Mais l’enfant doit y être préparé et les parents accompagnés par un ou une professionnelle formée à l’un de ces programmes.

Au cœur de la polémique aussi, la durée du time-out, ainsi que l’âge auquel on peut y recourir. D’après les experts interrogés, la mise à l’écart ne doit pas excéder cinq minutes. Selon plusieurs études, l’effet positif sur le comportement se produit au cours des premières minutes. Assis sur une chaise ou sur une marche d’escalier à portée du regard – et pas dans sa chambre où les stimulations sont nombreuses ­– l’enfant peut être aidé à visualiser le temps qui passe avec un timer. La mise à l’écart prend fin après la période déterminée, seulement si l’enfant s’est calmé et accepte d’obéir à la demande initiale. Si tel n’est pas le cas, un nouveau time-out peut être décidé.

Bien conduit, ce dispositif est un bon moyen de calmer le jeu et d’éviter de réagir sous le coup de la colère. Il est particulièrement adapté aux enfants de 3 à 8 ans. Les études montrent qu’il permet de diminuer la fréquence des comportements de désobéissance et de provocation. Il augmente le sentiment de compétence parentale, réduit le stress et améliore la relation entre parents et enfants.

Développer ses habiletés parentales

«De nombreux parents participent aux cours de préparation à la naissance, mais dans les 18 années qui suivent, il est rare qu’on les oriente vers des programmes de soutien à la parentalité», regrette le Dr Fabrice Brodard, psychothérapeute et enseignant à l’UNIL. En cas de difficultés dans l’éducation de son enfant et/ou si celui-ci présente un profil particulier, il faut oser demander de l’aide, recommande le spécialiste. Il existe différents programmes d’entraînement aux habiletés parentales ayant fait leurs preuves et bénéficiant d’une validation scientifique: Incredible Years (déclinés en plusieurs versions selon l’âge de l’enfant de 0 à 13 ans), Triple P (0 à 16 ans), Parent-Child Interaction Therapy (4 à 7 ans), Helping the Noncompliant Child (3 à 8 ans) ou encore le programme Barkley (plus spécifiquement pour le TDAH).

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* Maigret G, Gentaz É. Parentalité, pratiques éducatives et punitions: que disent les recherches scientifiques sur les effets des punitions relationnelles (time out) ou corporelles (fessées) sur le développement psychologique des enfants? A.N.A.E. n° 183, mai 2023.

Paru dans Le Matin Dimanche le 04/06/2023

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