Entre épuisement et aides, «chacun fait comme il peut»
Un projet de recherche sur les proches aidants, financé par le Fonds national (PNR67 – Fin de vie) et mené par les auteurs de cet article, a tenté de comprendre leur situation et de développer des outils et moyens permettant d’améliorer leur qualité de vie. Les proches ont trop souvent tendance à «s’oublier» et se retrouvent démunis, alors que des aides existent. Les aidants interrogés ont relevé un certain nombre de structures qui les ont aidés dans cette prise en charge, mais aussi des lacunes.
Structures médicales, associations professionnelles et bénévoles
La plus grande partie des lacunes relevées est en relation avec le milieu hospitalier. Les aidants s’attendent à plus d’écoute et d’information de la part des médecins et des professionnels en général. Plusieurs d’entre eux ont mentionné ne pas avoir pu discuter avec le médecin lors de l’hospitalisation du malade ou lors de l’annonce du diagnostic, ce qui implique qu’ils n’ont pas bénéficié d’informations sur la prise en charge à domicile ou encore sur l’évolution de la maladie. Cependant, les médecins traitant, lorsqu’ils sont disponibles, peuvent quant à eux devenir un élément clé dans le réseau d’aide. Souvent, le seul fait de savoir que le médecin est à disposition apporte déjà confort et sécurité.
Les infirmières de soins à domicile sont également des ressources clé tant pour la prise en charge du malade que pour les conseils qu’elles peuvent apporter. Néanmoins, ces services, qui font face à une demande croissante, sont parfois débordés et ne peuvent pas répondre favorablement ou dans un laps de temps correspondant à l’urgence.
Des structures professionnelles et bénévoles existent concernant soit des maladies ou populations spécifiques (Ligue contre le Cancer, Pro Senectute, etc.), soit des prestations particulières (veilles, aide aux proches). Cependant, les proches interrogés ne semblent pas bien les connaître et n’y ont que très peu recours. Avec le recul, ils disent ne pas y avoir pensé ou ne pas avoir connaissance de l’existence de certaines de ces structures. Il existe donc un décalage entre l’existence de ces structures et leur utilisation par les aidants. Par ailleurs, ils justifient également la méconnaissance de ces associations par le manque de temps pour trouver des informations. Etant pris dans la situation de prise en charge du malade, ils ne trouvent pas un moment pour faire des téléphones ou des recherches sur Internet.
Influence de facteurs personnels
Un certain nombre de facteurs ont une influence et peuvent être considérés comme positifs ou au contraire comme des obstacles dans la prise en charge d’un proche en fin de vie: les compétences personnelles (expériences en soins ou accompagnement de personnes malades), la force personnelle pour faire face à la situation, la taille du réseau de connaissances, les peurs, etc.
La taille du réseau varie d’une famille à une autre mais ce n’est pas cette taille qui détermine sa force, sinon la nature des relations entre les individus et la volonté du proche aidant et du malade d’y faire appel. Des relations fortes avec la parenté ou les amis aident plus qu’une grande famille éloignée géographiquement ou dont les membres se parlent peu. Tous ne souhaitent par ailleurs pas être entourés : dans ce cas, on peut faire appel à des compétences personnelles du domaine médical. Celles-ci permettent également d’éviter de faire appel à une infirmière et limite ainsi la présence d’étrangers dans le foyer, certains malades et aidants étant en effet réticents à ouvrir leurs portes.
Des professionnels pas assez sensibilisés aux limites des proches aidants
Outre le manque de connaissance et de temps et les limites structurelles évoquées, si le proche aidant relève avoir manqué d’aide, il reconnaît également ne pas avoir eu conscience de ses propres limites sur le moment. C’est souvent avec le recul qu’il pense aux structures auxquelles il aurait pu faire appel. Les proches tiennent «jusqu’au bout» malgré un réseau d’aide incomplet et disent souvent qu’ils étaient tellement pris par la situation qu’ils ne pensaient pas à eux. Chacun fait comme il peut au moment où il vit une telle situation, le sentiment du devoir et la loyauté sont si forts que l’aidant va au-delà de ses propres capacités, parfois jusqu’à l’épuisement. Plusieurs signes indiquent cet état: perte des repères, grande fatigue causée par le manque de sommeil et repli sur soi (et sur le malade).
Si les professionnels de la santé étaient mieux sensibilisés à l’observation de ces différents signes, les situations d’épuisement pourraient être évitées. Ainsi, une évaluation constante de la situation du proche, et non pas uniquement de celle du malade, est essentielle.
Les travaux de recherche sont financés par le Fonds National Suisse dans le cadre du Programme national de recherche sur la fin de vie – PNR 67). Projet 406740_139243/1.