Le gras, un atout anti-diabète?

Dernière mise à jour 28/03/22 | Article
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Si l’implication du sucre dans l’apparition du diabète de type 2 ne fait aucun doute, celle du gras est désormais remise en question. Une étude menée à l’Université de Genève montre comment les acides gras semblent se muer en alliés des cellules pancréatiques productrices d’insuline.

Le piège des en-cas

Une collation en milieu de matinée, un goûter dans l’après-midi: lorsqu’ils se glissent dans nos journées de bureau par réflexe plus que par réel besoin, ces en-cas seraient tout sauf anodins. Au-delà des calories engrangées l’air de rien, «ils entravent un processus essentiel de nos métabolismes», indique Pierre Maechler, professeur au Département de physiologie cellulaire et métabolisme et au Centre du diabète de la Faculté de médecine de l’UNIGE. En jeu: les mécanismes permettant de combler le besoin incessant en glucose de notre cerveau. 

Dans l’idéal, le précieux nutriment, extrait de l’alimentation, est d’abord délivré par les intestins lors de la digestion. Puis, au bout deux ou trois heures, le foie prend le relais. Dès lors, si un en-cas s’intercale dans le processus, le circuit recommence, sans que le foie n’ait été sollicité. La conséquence? «En mangeant trop souvent, surtout des collations hautement caloriques, on prive l’organisme d’une pause durant laquelle une multitude de processus physiologiques s’opère, poursuit l’expert. Si les réserves du foie ne sont pas mobilisées, il y a accumulation. Les cellules bêta du pancréas, quant à elles, sur-sollicitées pour gérer ces apports trop fréquents, s’épuisent. Au fil du temps, la menace de diabète apparaît.»

L’équation menant au diabète de type 2 est souvent assez simple: une alimentation trop riche – comprendre trop sucrée, trop grasse, trop abondante – et une vie trop sédentaire. Un quotidien qui se traduit au fil du temps par une multitude de dérèglements physiologiques, notamment l’épuisement des cellules bêta productrices d'insuline. En temps normal, ces cellules du pancréas sont chargées de libérer l’insuline. Pour rappel, cette hormone permet au sucre circulant dans le sang après chaque prise alimentaire d’être stocké dans le foie, les muscles ou encore le tissu adipeux. Longtemps pointées du doigt dans l’apparition du diabète de type 2, les graisses (lipides) ont été rejointes sur le banc des accusés par les sucres (ou glucides), jusqu’à aboutir au concept de «glucolipotoxicité». Aujourd’hui, la toxicité d’une consommation excessive de glucides sur les cellules pancréatiques est avérée, mais tout reste à prouver pour les lipides. D’où l’idée d’une équipe de chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) d’exposer ces cellules à des excès de sucre, de gras, puis des deux, et d’observer leur réaction. Parus dans la revue Diabetologia*, les résultats sont éloquents: alors qu’ils confirment sans appel l’effet délétère du sucre, ils révèlent un effet étonnamment bénéfique des lipides.

Excès de sucre

Dans le détail, et pour le sucre d’abord. «Trois jours durant, nous avons baigné des groupes de cellules bêta (humaines et de rongeurs) dans diverses concentrations de glucose: physiologiques – autrement dit non excessives –, modérées ou élevées. Le constat a été net: débordées par un surplus de sucre, les cellules pancréatiques secrétaient moins d’insuline que la normale», résume la Dre Lucie Oberhauser, chercheuse au Département de physiologie cellulaire et métabolisme de la Faculté de médecine de l’UNIGE et première auteure de ces travaux. Un résultat obtenu in vitro mais dans des conditions pas si éloignées de la vraie vie: «Les concentrations élevées de glucose utilisées miment celles que l’on trouve en cas d’hyperglycémie, après une prise alimentaire trop conséquente et/ou trop sucrée chez des personnes obèses», précise Pierre Maechler, professeur au Département de physiologie cellulaire et métabolisme et au Centre du diabète de la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux. Or, si l’organisme peut faire face à des excès ponctuels, le problème survient s’ils sont récurrents. «Exposer son organisme ne serait-ce qu’une heure par jour, mais tous les jours ou presque, à trop de sucre finit par épuiser les cellules bêta, poursuit l’expert. De fait, on observe souvent l’apparition d’un diabète de type 2 dix ou quinze ans après celle de l’obésité.» 

Dynamique des acides gras

Et le gras dans tout ça? «Dans notre expérience, nous avons confronté les cellules bêta à des excès d’acides gras seuls, puis les avons associés à de hautes concentrations de glucose. Et contre toute attente, non seulement le gras n’aggravait pas les méfaits de l’excès de sucre mais, au contraire, il permettait aux cellules bêta d’assurer une sécrétion d’insuline proche de la normale», indique Lucie Oberhauser. Sous microscope, les chercheurs ont pu observer que ces acides gras étaient stockés dans les cellules bêta sous forme de gouttelettes capables d’être mobilisées rapidement pour pallier l’afflux de sucre. «Les mécanismes cellulaires en jeu restent à découvrir, poursuit le Pr Maechler. Et l’idée n’est pas de se ruer les yeux fermés sur alimentation riche en graisses, mais le regard sur ces acides gras évolue. Ces observations montrent aussi l’importance de mobiliser ces acides gras provenant à l’origine de notre alimentation et étant libérés (entre autres) par le tissu adipeux.» La clé pour cela? L’activité physique. Un fait appuyé par le Dr Karim Gariani, médecin adjoint agrégé au Service de diabétologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et Privat-Docent à la Faculté de médecine de Genève: «Bien sûr, l’alimentation elle-même reste un enjeu majeur (lire encadré), mais l’activité physique, si elle est suffisante et régulière, joue un rôle précieux pour préserver de l’apparition d’un diabète de type 2.» 

Adopter les bons réflexes, oui mais comment?

L’alimentation et l’activité physique sont les principaux leviers permettant de prévenir le diabète de type 2, mais également de le freiner s’il se profile ou est déjà installé. La clé: prendre conscience de nos travers alimentaires et opter pour des changements tenables sur le long terme. Les conseils du Dr Karim Gariani, médecin adjoint au Service de diabétologie des HUG.

  • Évaluer nos apports caloriques les plus délétères : aliments tels que viennoiseries, charcuterie, barres chocolatées, boissons sucrées, alcool.
  • Repérer nos mauvaises habitudes: réflexe de se resservir, quantités excessives au vu des besoins, grignotage, etc.
  • Garder en tête l’assiette «idéale»: environ 1/2 de légumes, 1/4 de protéines, 1/4 de glucides (en privilégiant les céréales complètes) et favoriser les acides gras insaturés (huiles végétales, graines, poissons gras, etc.).
  • Pratiquer une activité physique suffisante et régulière. Inutile de mettre la barre trop haut: 30 minutes de marche rapide peuvent suffire, mais tous les jours si possible.

_____________

* Oberhauser L, Jiménez-Sánchez C, Madsen JGS, Duhamel D, Mandrup S, Brun T, Maechler P. Glucolipotoxicity promotes the capacity of the glycerolipid/NEFA cycle supporting the secretory response of pancreatic beta cells. Diabetologia. 2022 Jan 12

Paru dans Le Matin Dimanche le 20/03/2022

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