Le jeûne peut-il être thérapeutique?

Dernière mise à jour 19/11/20 | Article
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Véritable phénomène de mode, le jeûne prend de plus en plus d’ampleur dans notre société. Le monde médical s’interroge sur le potentiel thérapeutique d’une telle pratique, notamment dans le cadre d’une chimiothérapie.

Quel est le point commun entre Ghandi, Jésus et Socrate? Tous ont pratiqué le jeûne. Le premier en guise de protestation politique, le second pour faire face à la tentation et le dernier pour augmenter sa lucidité et ses capacités intellectuelles. Depuis le 19e siècle, le monde médical se penche également sur le jeûne. La privation de nourriture aurait des effets bénéfiques tant pour les personnes saines que pour les malades. Elle ralentirait le vieillissement cellulaire et préviendrait certaines maladies, dont le cancer. Des promesses qui restent encore à confirmer par la recherche.

Mécanisme de survie

Pour rappel, c’est au jeûne que l’espèce humaine doit sa survie à travers les âges. «Tous les êtres vivants ont évolué en s’adaptant au jeûne, souligne le Dr Mauro Frigeri, oncologue à Bellinzone. Ils ont dû résister à des périodes sans nourriture. Le fait de trop manger est un événement récent du développement humain et notre organisme n’est pas fait pour cela.» Le médecin souligne que les maladies liées à notre société d’abondance sont en augmentation: diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, hypertension, cancers du sein et colorectal. La restriction alimentaire diminuerait donc le risque de développer ces pathologies.

Sachant cela, de plus en plus de personnes expérimentent la privation volontaire de nourriture. Alors que certains se lancent dans des jeûnes prolongés, d’autres pratiquent le jeûne intermittent, qui consiste à ne pas manger un jour par semaine ou par mois, ou à restreindre la prise alimentaire à une plage horaire réduite. Parmi les arguments en faveur de ces pratiques, on retrouve celui de détoxifier son organisme. Une idée que nuance le Dr Dimitrios Samaras, médecin interniste et nutritionniste à Genève et consultant à l’Unité de nutrition des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG): «La détoxification se fait tout au long de l’année. Cela ne sert à rien de jeûner pendant un mois si c’est pour retomber dans les mauvaises habitudes alimentaires directement ensuite. Pour un corps sain, il faut avant tout adopter une bonne hygiène nutritionnelle.»

Chimiothérapie plus efficace?

De son côté, la recherche s’intéresse de plus en plus à l’utilisation du jeûne comme moyen thérapeutique. Les études sur les animaux sont encourageantes: espérance de vie allongée, risque de cancer diminué et réduction des maladies liées au vieillissement. Toutefois, la recherche sur l’être humain n’en est encore qu’à ses balbutiements. C’est dans le domaine oncologique que le jeûne semble être le plus prometteur. Du côté de la chimiothérapie, le jeûne permettrait en effet d’en améliorer l’efficacité et de diminuer les effets secondaires. «Le fait de jeûner rendrait les cellules saines plus résistantes aux toxiques de la chimiothérapie, explique le Dr Frigeri. Sans apport de glucides et protéines, la cellule en bonne santé se met en mode survie. Les cellules cancéreuses sont incapables de faire de même et succombent au traitement.» Plusieurs études ont montré que le jeûne améliore la tolérance des effets secondaires de la chimiothérapie : les patients suivant un jeûne souffraient moins de nausées, de diarrhées et de crampes dues au traitement. Le Dr Samaras nuance toutefois ces résultats encourageants: «Le jeûne est risqué pour les personnes atteintes de cancer, car la dénutrition péjore le pronostic.»

Il reste donc encore beaucoup à apprendre sur les effets thérapeutiques de cette pratique. «La difficulté des études sur le jeûne, c’est qu’il n’est pas possible de procéder comme avec les médicaments et de comparer avec un groupe test. Beaucoup de facteurs entrent en compte, comme par exemple la composition corporelle, l’activité physique, les habitudes alimentaires et les horaires des repas.» Impossible actuellement pour le médecin de prescrire le jeûne à ses patients. Mais le marketing n’attend pas la science. Le jeûne est devenu une véritable mode, qui se reflète sur les réseaux sociaux. «Il faut se méfier de ce qui est tendance. Toutefois, si cela permet au public d’être davantage sensibilisé aux effets de la nutrition sur la santé, c’est plutôt positif», conclut le Dr Samaras.

Ce qu’il se passe quand on jeûne

Dans les heures suivant un repas, notre corps utilise le glucose des aliments pour produire de l’énergie. Lorsque cet apport direct est épuisé, l’organisme libère le sucre stocké dans le foie et les muscles sous forme de glycogène. Au bout de 24 à 36 heures, ces réserves sont épuisées et une nouvelle source d’énergie est nécessaire. Les protéines des muscles sont alors transformées en glucose, ce qui se traduit par une perte de la masse musculaire. Dans le même temps, les graisses commencent à être mobilisées. Au bout de trois jours apparaît l’état de cétose. Le principe? Pour assurer ses besoins énergétiques, notre corps se met à utiliser des molécules de substitution au glucose, les corps cétoniques. Ces composés sont produits à partir des acides gras contenus dans les graisses. La fonte des muscles ralentit alors pour être remplacée par une baisse de la masse graisseuse. Les médecins ne s’accordent pas pour déterminer le moment où les carences surgissent.

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Paru dans Générations, Hors-série « Se soigner autrement – Gros plan sur la médecine intégrative », Octobre 2019.

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