Jeûner par intermittence: une mode qui a fait ses preuves

Dernière mise à jour 25/09/23 | Article
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Cette pratique populaire consiste à se priver de nourriture pendant un laps de temps restreint. Est-ce bon pour la santé? Éléments de réponse.

Vous êtes plutôt 16/8 ou 5/2? Rien à voir avec votre taille de pantalon ou vos numéros fétiches. Il s’agit de deux types de jeûne intermittent. Autrement dit, il s'agit de se priver de nourriture mais uniquement pendant un laps de temps déterminé. Soit on décide de jeûner pendant seize heures et de manger pendant les huit restantes, soit on mange normalement pendant cinq jours et plus rien pendant deux jours. Les réseaux sociaux regorgent de publicités pour des applications miraculeuses prônant ce type de jeûne. Simple effet de mode ou réel impact sur la santé? 

«Le jeûne intermittent est efficace chez les personnes qui ont des maladies métaboliques telles qu’obésité, hypertension ou prédiabète. Il leur permet de perdre en moyenne entre 3 à 5 kg, ce qui a déjà des répercussions positives sur leur santé. Sans oublier qu’il aide à lutter contre la résistance à l’insuline (hormone qui permet au glucose d’entrer dans les cellules, ndlr), point de départ du diabète de type 2», explique le Dr Tinh-Hai Collet, médecin au Service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition et éducation thérapeutique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). 

Deux vrais repas et un en-cas

Regain d’énergie et perte de poids

Ernest*, 55 ans, est un adepte du jeûne intermittent depuis le mois d’avril. «Je suis gourmand et j’ai tendance à prendre du poids. Les régimes ne me conviennent pas, mais ne rien manger de 20h à 12h ne me pose pas de problème. J’ai perdu quelques kilos et je me sens moins fatigué.»

Georges*, 52 ans, est un intermittent… du jeûne intermittent! «Après avoir vu un documentaire sur les bienfaits de cette pratique, je me suis lancé. Une fois toutes les deux semaines, je ne mange rien de 20h à 12h. Je suis plus à l’écoute de mon corps. Je fais cela comme j’irais faire un soin, sauf que c’est gratuit. Cela m’a aussi permis de stabiliser mon poids.»

*Prénoms d’emprunt.

Le spécialiste recommande à sa patientèle de se plier au 16/8 pendant une durée de trois à six mois, afin de profiter pleinement des effets positifs. La version 5/2 est plus difficile à suivre et s’apparente davantage à un jeûne strict, pouvant aboutir à une prise alimentaire excessive par la suite. «Après les mois de jeûne intermittent, on peut souvent retourner à un rythme d’alimentation habituel, mais progressivement», précise le Dr Collet. 

Peut-on cependant manger tout et n’importe quoi, en continu, pendant les huit heures allouées à la prise alimentaire? «Non, le but est de faire deux vrais repas pendant ce laps de temps et éventuellement de prendre un petit en-cas entre les deux. En revanche, bien qu’une alimentation équilibrée soit toujours conseillée, je ne préconise pas de restrictions alimentaires. Les personnes en surpoids qui consultent ont déjà essayé une multitude de régimes sans succès. Je n’insiste donc pas sur ce qu’ils doivent ou ne doivent pas manger, mais sur les horaires de prise alimentaire.» 

Le succès de ce type de diète particulière réside en partie sur le fait qu’elle n’empêche pas ses adeptes de manger ce qu’ils aiment, évitant ainsi les frustrations et la tentation de se ruer sur un paquet de chips ou de biscuits. Laurence Margot, diététicienne à Pully, précise: «Ce qui fait prendre du poids est rarement un excès de légumes pendant les repas, mais tout ce que l’on mange en dehors. L’avantage du jeûne intermittent est qu’il réduit drastiquement les périodes pendant lesquelles on grignote. Il fournit aussi un cadre relativement facile à suivre, sans impliquer de changements importants des habitudes alimentaires. Il faudrait malgré tout viser une amélioration de l’alimentation en se basant sur la pyramide alimentaire (son socle est constitué d’aliments à manger en grande quantité, comme les légumes et les fruits, ceux à manger occasionnellement étant placés au sommet, comme les sucreries, ndlr).» 

Entre 6h et 14h

Les répercussions sur la vie sociale peuvent cependant être rédhibitoires pour certaines personnes. «Je suggère à mes patients de manger entre 6h et 14h, plutôt qu’entre 12h et 20h, mais uniquement si c’est faisable dans leur vie familiale et professionnelle. Bien que les études manquent sur le sujet, ne pas manger le soir semblerait plus efficace pour la perte de poids et la résistance à l’insuline», ajoute le Dr Collet. Les HUG sont d’ailleurs en train de mener une étude clinique pour confirmer cette hypothèse. 

S’il n’entraîne pas de frustrations, le jeûne intermittent peut provoquer quelques effets secondaires. Nausées, vomissements, diarrhée ou constipation sont courants les premiers jours, mais s’estompent rapidement. «Certains patients se plaignent aussi de maux de tête. Il faut faire attention à ne pas se déshydrater pendant la période de jeûne. On oublie souvent que les aliments que nous mangeons contiennent de l’eau. Alors qu’on se prive de nourriture pendant la période de jeûne, il faut boire davantage, idéalement de l’eau ou des boissons non sucrées, ni alcoolisées», explique Tinh-Hai Collet. 

À noter enfin que cette pratique n’est pas conseillée aux personnes souffrant d’un trouble du comportement alimentaire (qui risquerait de se renforcer), à celles ayant une forte ostéoporose (la masse osseuse, tout comme celle musculaire, fond malheureusement aussi lorsque l’on perd du poids), aux personnes sous traitement contre le diabète ou l’hypertension. «Cela pourrait renforcer les effets secondaires des médicaments. Dans leur cas, un jeûne intermittent ne doit absolument pas être fait sans suivi médical», conclut le Dr Collet. Les personnes intéressées devraient en parler à leur médecin avant de se lancer.

Le jeûne intermittent préconisé aussi en oncologie

La Dre Laetitia Porta, médecin en radio-oncologie et spécialisée en micronutrition à la Clinique La Source à Lausanne, préconise le jeûne intermittent à certains de ses patients qui souffrent d’un cancer. «Limiter l’apport alimentaire sur un laps de temps restreint présente des avantages indéniables pour le métabolisme. Cela diminue la résistance à l’insuline, l’inflammation et le stress oxydatif des cellules. Cette restriction aide aussi à perdre de la masse grasse.» La spécialiste suggère de manger un petit-déjeuner essentiellement protéiné pour commencer la journée du bon pied et de prendre aussi le repas de midi. Ce qui évite d’avoir une envie irrépressible de sucre dans la journée. «Chez les personnes en surpoids qui souffrent d’un cancer du sein ou de la prostate, le jeûne intermittent est particulièrement intéressant, car ces deux maladies sont étroitement liées à l’inflammation graisseuse et à la résistance à l’insuline.» Une résistance qui favorise un excès de cholestérol et de sucre, une fatigue, l’apparition de maladies auto-immunes et la progression des cancers. Et la spécialiste de poursuivre: «Il semblerait que le jeûne intermittent protège les cellules saines et affaiblit les cancéreuses. De manière générale, il diminue les effets secondaires digestifs des traitements oncologiques en améliorant le microbiote intestinal (ensemble des bactéries présentes dans le système digestif, ndlr). Les personnes se sentent mieux et ont plus d’énergie.» Les personnes âgées ou dénutries doivent cependant s’abstenir.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 24/09/2023

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