Les Fodmaps, nouvelle intolérance alimentaire

Dernière mise à jour 04/11/21 | Article
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La liste des intolérances alimentaires s’allonge. Après le lactose et gluten, voici les Fodmaps, c’est-à-dire les sucres fermentescibles comme le fructose et les fructanes, source d’inconfort intestinal.

Les Fodmaps sont des sucres que l’on trouve un peu partout dans notre alimentation et qui ne sont pas très digestes. Ce sont par exemple le fructose, le lactose, le sorbitol, le mannitol et le xylitol. On utilise l’acronyme Fodmaps (aucun lien avec le mot Food, ou nourriture), car ils sont fermentescibles et regroupent les oligosaccharides, les disaccharides, les monosaccharides et les polyols.

Ces glucides, ou hydrates de carbone, sont largement présents dans les fruits et les légumes, mais aussi dans les crèmes glacées, les plats précuisinés et les édulcorants chimiques dont l’industrie agroalimentaire raffole. Certains aliments, comme la pomme ou la pastèque, en contiennent même différentes sortes (lire encadré). On dit qu’ils sont «à chaîne courte», parce que leur structure chimique est composée d’une ou quelques molécules seulement, contrairement à d’autres glucides dont la structure est plus complexe, comme l’amidon. N’étant pas ou peu digérés dans l’intestin grêle, une partie d’entre eux arrivent dans le gros intestin, où ils subissent une fermentation qui provoque des symptômes tels que flatulences, ballonnements et douleurs, puis, dans un second temps, une accélération du transit intestinal, avec éventuellement des diarrhées, explique explique la Pre Laurence Genton Graf, responsable de l’unité de nutrition aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).  

«Il y a de bonnes preuves que les Fodmaps déclenchent des symptômes abdominaux», confirme le gastro-entérologue zurichois Martin Wilhelmi, auteur de plusieurs articles sur le sujet dans des revues spécialisées. Typiquement, on connaît la «diarrhée du chewing-gum», imputable à la présence, dans ces gommes à mâcher, d’un Fodmap utilisé comme édulcorant, le sorbitol. Et si tout le monde sait que la consommation de haricots provoque des gaz intestinaux, peu de gens ont entendu parler du rôle des galactanes, une autre catégorie de Fodmaps, dans leur apparition.

Lien entre Fodmaps et côlon irritable

Les premières publications scientifiques sur ce sujet remontent au début des années 2000. Sue Sheperd, une nutritionniste australienne souffrant d’allergie au gluten, une protéine contenue dans certaines céréales, essentiellement le blé, se rend compte que le régime sans gluten ne résout pas son problème. Ses recherches l’amènent à démontrer l’implication des Fodmaps dans le déclenchement de troubles gastro-intestinaux chez les personnes souffrant de la maladie du côlon irritable. Également appelée colopathie fonctionnelle, cette affection d’origine incertaine se manifeste par des symptômes tels que maux de ventre, ballonnements, alternance de diarrhées et de constipation. Des études ultérieures confirment l’existence d’un lien et révèlent que les patients concernés voient leurs symptômes diminuer de manière significative lorsqu’ils évitent certains Fodmaps.

Une intolérance, pas une allergie

Cependant, ces sucres fermentescibles ne sont pas mauvais en soi pour la santé. Ils entretiennent notre flore intestinale en agissant comme des prébiotiques, c’est-à-dire qu’ils stimulent l’activité des microorganismes responsables du bon fonctionnement de notre système digestif. Ils contribuent ainsi à lutter contre la constipation. Détail important: l’intolérance aux Fodmaps n’est pas une allergie. En effet, elle n’implique pas de réaction immunitaire de l’organisme, mais correspond à des symptômes imputables à la fois aux mécanismes de la digestion et à la quantité de Fodmaps ingérée. Autrement dit, la gravité des manifestations est dose-dépendante. Il existe une tolérance individuelle à cet égard. De plus, la teneur d’un aliment en sucres fermentescibles dépend de divers facteurs, comme la maturité d’un fruit; par exemple, une banane en contient d’autant moins qu’elle est mûre.

Le diagnostic de l’intolérance aux Fodmaps se fait au moyen d’un test respiratoire qui peut être pratiqué chez un gastro-entérologue. Le but est de mesurer la quantité de gaz émise lors du processus de fermentation des aliments par la flore intestinale. De cette façon, le médecin peut déterminer si la consommation de sucres fermentescibles est problématique, et si oui, quelle est la sorte de Fodmaps qui pose problème. Par exemple, certaines personnes ont du mal avec les oligosaccharides et les polyols, mais tolèrent bien les disaccharides et les monosaccharides. L’examen est complété par un examen clinique et une analyse de l’historique des symptômes du patient.

Un régime déconseillé à titre préventif

Le régime pauvre en Fodmaps consiste à éviter temporairement les sucres fermentescibles, afin de permettre au système digestif de se reposer. Il s’agit ensuite de les réintroduire progressivement, famille par famille, en surveillant l’évolution de la symptomatologie pour confirmer une éventuelle intolérance à une ou plusieurs sortes de Fodmaps. «C’est une diète restrictive très contraignante. Il s’agit donc de bien poser l’indication et d’expliquer les conséquences au patient», souligne la Pre Laurence Genton Graf. Il existe un risque de constipation pendant la phase d’éviction, car les aliments riches en sucres fermentescibles sont aussi très souvent riches en fibres. Le challenge est de trouver des solutions de remplacement. Le kiwi, la grenadille (ou fruit de la passion), les framboises, les oranges et les amandes sont de bonnes alternatives. On peut aussi recourir à des astuces, comme faire infuser de l’ail dans de l’huile pour éviter d’ingérer des oligosaccharides sans renoncer à la saveur de cette plante potagère.

En tous les cas, le régime pauvre en Fodmaps est déconseillé à titre préventif. Il n’est intéressant que si vous souffrez d’une pathologie digestive liée à ces sucres fermentescibles. Vouloir les bannir totalement en dehors de tout diagnostic médical serait non seulement nuisible à la santé, mais également irréaliste, puisqu’on les trouve naturellement dans notre alimentation de base. En Suisse, cette diète peut être proposée depuis une dizaine d’années par des gastro-entérologues et/ou des diététiciens spécialement formés. Elle ne fait cependant pas, ou pas encore, l’objet de recommandation claire, précise le Dr Martin Wilhelmi. C’est différent en Grande-Bretagne et en Australie, où elle a été intégrée dans certaines recommandations pour le traitement de la colopathie fonctionnelle et de l’inflammation chronique de la muqueuse colorectale, ou colite. «Le niveau d’évidence de l’efficacité d’un régime pauvre en Fodmaps est de plus en plus élevé chez les patients souffrant d’un syndrome du côlon irritable», poursuit le Dr Martin Wilhelmi. En effet, plus de 74% d’entre eux rapportent une atténuation de leurs symptômes.

Portrait de famille des Fodmaps

Les oligosaccharides (fructanes et galactanes)

  • Aliments: froment, orge, seigle, oignons, poireaux, ail, échalotes, artichauts, betteraves rouges, fenouil, petits pois, endives, pistaches, noix de cajou, fruits à coque, lentilles et pois chiches.
  • Les fructanes, présents surtout dans les poireaux, l’oignon et les choux, arrivent dans l’intestin à 99% non digérées et provoquent des gaz chez la quasi-totalité des gens. Quant aux galactanes, elles se trouvent principalement dans les légumineuses.

Les disaccarides (lactose)

  • Aliments: lait de vache, de brebis ou de chèvre, flan, yoghourt, crèmes glacées et crème fraîche.
  • En Suisse, une personne sur cinq ne tolère pas le lactose. Cette intolérance est liée au manque d'une enzyme dans le tractus digestif.

Les monosaccharides (fructose)

  • Aliments: Pommes, poires, mangues, cerises, pastèques, asperges, pois gourmands, miel.
  • Le fructose est le sucre naturel des fruits, mais sa teneur varie fortement en fonction de la saison, de la variété et du degré de maturité de l’aliment.

Les polyols (sorbitol, mannitol, xylitol)

  • Aliments: pommes, poires, abricots, cerises, prunes, pastèques, champignons, choux-fleurs, gomme à mâcher sans sucre.
  • Ces dérivés des monosaccharides sont naturellement présents dans certains fruits et dans les champignons, mais leurs propriétés édulcorantes leur valent d’être utilisés en grandes quantités par l’industrie agroalimentaire dans les produits étiquetés «sans sucre». On peut parfois lire sur l’emballage un avertissement du genre «une consommation excessive peut provoquer un inconfort intestinal», c’est-à-dire des diarrhées. 

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Paru dans Le Matin Dimanche le 17/10/2021.

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