L’e-cigarette nuit-elle à la santé?

Dernière mise à jour 07/10/15 | Vrai/Faux
L’e-cigarette nuit-elle à la santé?
Ils seraient plus de 7 millions de «vapoteurs» en Europe. A défaut d’un consensus scientifique, le point avec deux experts romands.

Présence de substances douteuses, effets potentiels sur l’entourage, aide ou non au sevrage tabagique… la cigarette électronique n’en finit pas d’échauffer les esprits. L’avis des spécialistes Jean-François Etter, responsable de stop-tabac.ch et chercheur à l’Institut de médecine sociale et préventive de Genève, et Jacques Cornuz, directeur de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne.

Il vaut mieux «vapoter» que fumer

VRAI. La cigarette traditionnelle, en raison des substances toxiques produites par la combustion du tabac, est beaucoup plus nocive que la cigarette électronique. Si les effets du «vapotage» à long terme sont encore méconnus, les méfaits du tabagisme ne sont plus à démontrer. En Suisse, il tue 9000 personnes chaque année.

L’e-cigarette est un moyen efficace pour arrêter de fumer

FAUX. A ce jour, la cigarette électronique n’a pas suffisamment fait ses preuves dans le sevrage tabagique. Mais plusieurs éléments suggèrent qu’elle pourrait être un substitut prometteur. Car ce petit objet électronique venu de Chine (voir infographie) permet une absorption de nicotine presque aussi rapide que la cigarette conventionnelle, en produisant une sensation de plaisir semblable, tout en étant apparemment moins addictive. Elle offre une sensation de chaleur et permet la reproduction du geste. Une étude très récente publiée dans The Lancet établit pour la première fois une efficacité comparable à celle des patchs à la nicotine pour un arrêt total pendant six mois au moins. «Cependant, constate Jacques Cornuz, le taux d’arrêt chez les fumeurs était très faible, bien inférieur à celui généralement obtenu par les méthodes reconnues (conseils et substituts).»

Son usage thérapeutique peut être recommandé

FAUX. L’e-cigarette n’est pas activement proposée par les médecins. En cause, le manque de bases scientifiques attestant son efficacité dans le sevrage tabagique. De plus, on lui reproche de maintenir la dépendance à la nicotine. Par ailleurs, des standards de qualité font défaut pour un usage généralisé. Aujourd’hui, seul un conseil médical, associé à une aide au sevrage (substitut ou médicament), est recommandé.

Les e-cigarettes sont sans danger pour la santé

FAUX. L’absence de tabac ne signifie pas que les e-cigarettes sont sans risque. D’abord, on ignore la dangerosité à long terme de l’inhalation de propylène glycol et de glycérine, des additifs alimentaires utilisés pour créer la vapeur. Ensuite, de récents tests, menés notamment par nos confrères de 60 millions de consommateurs, ont révélé que les liquides de certains modèles contenaient des substances toxiques, voire cancérigènes (formaldéhyde, acétaldéhyde, acroléine, métaux, etc.). «Les quantités trouvées –des traces– ne posent pas de problème à court terme», nuance toutefois Jean-François Etter. «En revanche, souligne Jacques Cornuz, pour une utilisation à long terme, il est urgent d’attendre la preuve de l’innocuité de ces produits.»

Il est permis de «vapoter» dans les lieux publics

VRAI. En Suisse, la cigarette électronique n’est pas considérée comme un produit du tabac, car le contenu des cartouches ne se consume pas, mais s’évapore dans l’air. Pour cette raison, sa consommation n’est pas réglée dans la Loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif. Les cantons, en revanche, sont libres de légiférer sur la question, mais aucun ne l’a fait à ce jour. A noter qu’en Suisse la vente de e-cigarettes est autorisée, mais pas les recharges en nicotine. On peut très facilement les trouver (en cartouche ou en liquide) sur internet ou dans les pays voisins, où ce business fait un tabac.

Le «vapotage» passif ne nuit pas à l’entourage

FAUX. Lorsqu’une personne «vapote» à vos côtés, «des quantités non négligeables de nicotine sont exhalées et peuvent persister dans l’air ambiant », indique l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). D’autres substances potentiellement nocives peuvent également être libérées dans l’air. Il semble toutefois que le «vapotage» passif présente moins de risques que le tabagisme passif, mais cela demande à être vérifié. Dans le doute, l’OFSP recommande de ne pas consommer de cigarettes électroniques en présence d’autres personnes, en particulier des enfants.

«Vapoter» peut inciter à fumer

VRAI. L’e-cigarette peut constituer une porte d’entrée au tabagisme en raison de l’apport en nicotine et de la dépendance qui peut s’installer. «De plus, complète Jacques Cornuz, un «vapoteur» pourrait se tourner vers la cigarette s’il n’a plus de cartouche et qu’il ne peut pas s’en procurer dans l’instant, ou parce que c’est moins cher». Jean-François Etter se montre plus sceptique: «Pour l’heure, le phénomène n’existe pas. Plusieurs études montrent que l’usage de la cigarette électronique chez les non-fumeurs est marginal.» Dans les faits, l’e-cigarette tend à être présentée comme un accessoire de mode, notamment chez les stars américaines, tandis que la progression de sa consommation chez les jeunes inquiète– elle aurait doublé en deux ans aux Etats-Unis. La Food and Drug Administration (FDA) réfléchit d’ailleurs à en limiter l’accès sur internet et à augmenter l’âge légal de 18 à 19 ans.

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