«Très tôt, on apprend aux femmes à contenir leur douleur»

Dernière mise à jour 28/03/22 | Questions/Réponses
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Elle n’aime pas s’ennuyer, c’est le moins que l’on puisse dire. Animatrice télé, chanteuse, romancière, autrice jeunesse, maman… Licia Chery mène de front mille vies en une. Alors qu’elle a pris les commandes du jeu « C’est ma question » (RTS) en août 2020, la jeune femme publie un récit poignant retraçant le parcours de son ancêtre Achala lors de la traite atlantique, de l’Afrique jusqu’en Haïti.

Bio express

1er juin 1985: Naissance à Genève.

2002: Compose et autoproduit son premier album à seulement 17 ans.

2010-2019: Se produit plusieurs fois sur les scènes du Montreux Jazz Festival, du Paléo (dont une fois avec Youssou N’Dour), du Caprices Festival…

2012: Sort son deuxième album, «Blue Your Mind» (My Major Company).

2019: Publie son premier livre pour enfants, Tichéri a les cheveux crépus (éditions Amalthée).

Depuis août 2020: Anime le jeu télévisé «C’est ma question», du lundi au vendredi à 18h20, sur RTS1.

2021: Publie son premier roman, Noir en couleurs (éditions Favre).

Vous êtes toujours souriante et positive dans votre émission… ce n’est pas difficile d’être tous les jours de bonne humeur?

Licia Chery: C’est vrai que j’ai ce naturel plutôt enjoué, j’aime rire. Il y a évidemment des fois où je suis fatiguée, où ça ne va pas très bien, mais c’est comme n’importe quel travail, j’essaie de laisser les aléas de la vie en dehors du plateau et de rester professionnelle.

Le rire, c’est une façon aussi de trouver une certaine force?

Oui, sûrement… j’ai toujours été comme ça. Il doit y avoir, grâce à l’humour, un mécanisme de défense pour affronter les différentes choses qui nous arrivent dans la vie… ça permet d’apporter un peu de douceur.

Parmi toutes les cordes à votre arc, il y a la musique. Est-ce qu’elle peut, elle aussi, avoir une vertu thérapeutique?

La musique m’a personnellement beaucoup aidée quand j’étais adolescente et que j’ai découvert la soul notamment. Les voix d’Otis Redding ou de Nina Simone m’ont profondément touchée car j’avais l’impression qu’elles s’adressaient directement à mon âme. Et cela va au-delà des mots. Il n’y a parfois même pas besoin de comprendre ce que la personne dit, il suffit d’être troublée par une voix, par une émotion, par une musicalité.

Vous vous êtes mise à composer très jeune, c’était aussi un besoin fondamental pour vous?

Oui, c’était une manière d’exprimer ce qui reste enfoui à l’intérieur, de pouvoir le partager avec des gens, de faire comprendre à d’autres qu’on vit les mêmes choses. Car quoi que l’on traverse, quelle que soit l’émotion que l’on ressent, il y a quelqu’un, quelque part, à cette époque ou à une autre, qui a vécu exactement la même chose. Et on est tous un peu connectés de cette manière-là. C’est pour cela que tant de monde peut être touché par une même chanson, bien que les parcours de vie soient complètement différents.

D’une manière générale, quel rapport entretenez-vous avec votre santé?

J’ai malheureusement, comme beaucoup de femmes, appris à me taire. Parce que très tôt, dès la puberté, nos mères, nos grands-mères, nous répètent que les règles, ça fait mal, mais qu’il faut tenir le coup et supporter la douleur. On nous apprend que l’important, c’est surtout que le monde entier ne sache pas qu’on a nos règles! Aujourd’hui, j’essaie de désapprendre ça, mais c’est très ancré.

Êtes-vous sujette au stress, avant d’entrer sur le plateau de «C’est ma question» par exemple?

Quand j’ai commencé, j’étais extrêmement stressée avant chaque émission. Le fait qu’il n’y ait pas de public sur le plateau me perturbait car je n’avais pas de retour direct et je ne savais pas ce que les gens à la maison pouvaient penser. Maintenant ça va mieux, je me dis que ce qui importe, c’est finalement que les invités en plateau soient bien et qu’on se marre!

Tous les vendredis, vous proposez dans l’émission une petite blague «pourrie». Où les dénichez-vous?

Les téléspectateurs m’en envoient plein! Allez, une petite rien que pour vous. Deux jeunes discutent dans une cuisine. Le premier demande: «Tu connais la recette du poulet tatin?». L’autre répond: «Non.» «Ben tu mets le poulet dans le four et pis tatin!» (Rires)

En parlant de cuisine… faites-vous attention à votre alimentation?

Je ne suis pas la bonne personne à qui il faut poser cette question! Je mange n’importe quoi et n’importe comment… Mais j’ai commencé dernièrement un jeûne intermittent et ça m’aide beaucoup. Je ne déjeune pas le matin et mon premier repas de la journée est le lunch. J’ai remarqué que depuis que je fonctionne ainsi, je suis moins intéressée par les aliments trop gras et j’ai même perdu un peu de poids. Il ne s’agit pas véritablement d’un régime, mais ça structure mes repas.

Utilisez-vous parfois les médecines complémentaires pour vous soigner?

Pas vraiment pour me soigner mais, pour me faire du bien, je me tourne parfois vers des massages énergétiques et des séances de métamorphose (massage des zones réflexes de la tête, des pieds et des mains, ndlr).

EN UN MOT…

Un adjectif qui vous correspond? Lunaire.

Une personne qui vous inspire? Michael Jackson.

Ce qui vous donne le sourire instantanément? Mon fils.

Un mantra, une citation que vous aimez? «5 + 5 sera toujours égal à 10». Certaines choses sont immuables, même si on voudrait les changer…

Un rêve un peu fou? Voir Achala (l’héroïne de Noir en couleurs, ndlr) au cinéma.

«Être en bonne santé», qu’est-ce que cela signifie pour vous?

Selon moi, ce serait de ne pas manquer de certaines vitamines, de minéraux… que tous nos besoins essentiels soient couverts pour avoir de l’énergie, ne pas être constamment fatiguée. En un mot: être suffisamment bien dans sa peau pour ne pas avoir envie d’embêter les autres ! J’ai cette sensation que lorsqu’on est alignée avec soi-même, on n’a pas de temps à perdre à faire du mal, à être dans la jalousie, la méchanceté.

Votre dernier livre, Noir en couleurs, traite de l’invisibilité des minorités dans les grands médias. Pourquoi est-ce important pour vous d’en parler?

C’est compliqué, quand on est enfant, de grandir dans un pays où l’on n’est pas représentée. Je fais partie de cette minorité, donc ça me touche. Cela ne vient pas de nulle part, j’ai toujours eu besoin d’en parler, mais c’est aujourd’hui que ma parole est prise en compte. Avant, j’en parlais plutôt dans mon cercle privé. Ce que je souhaite, c’est aussi montrer que cette invisibilité va plus loin que la présence médiatique. Par exemple, si une femme noire marche dans la rue le crâne rasé, personne ne se dira qu’elle est en train de traverser un cancer. On pensera que c’est un style capillaire. La souffrance des personnes noires est parfois niée de manière inconsciente. C’est ce qu’on appelle l’intersectionnalité : il y a le fait d’être une femme et le fait d’être une femme issue d’une minorité, ce qui démultiplie les discriminations.

Vous êtes la première animatrice noire à vous voir confier une émission sur la télévision romande. On est pourtant en 2021…

Le plus hallucinant, c’est que les gens ne s’en soient pas rendu compte… D’un côté, le public n’a pas été surpris ou choqué de me voir arriver à la télé, et ça, c’est positif. Mais ça veut aussi dire qu’on ne manquait pas au paysage! Je suis la première animatrice noire à la RTS, c’est très bien, mais il n’y a toujours pas suffisamment de non-blancs: des Asiatiques, des Arabes… le chemin est encore long.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 44 – Mars 2022

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