JUSTINE METTRAUX «EN MER, JE TIENS GRÂCE À L’ADRÉNALINE»

Dernière mise à jour 09/12/25 | Article
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Justine Mettraux a terminé dans le top10 –et première femme– du dernier Vendée Globe, tour du monde à la voile en solitaire. Désormais installée en Bretagne, la navigatrice suisse se prépare déjà pour la prochaine édition de cette course mythique. Sa passion pour la voile, née sur les rives du lac Léman à l’adolescence, s’est transformée au fil de l’eau en un métier captivant. Retour sur un destin qui n’était absolument pas tracé, des premières régates à ce premier Vendée Globe, au résultat très prometteur.

Planète Santé: Comment se prépare-t-on à un tour du monde en solitaire comme le Vendée Globe?

En un mot…

Pour vous décrire?

Navigatrice.

Votre devise?

Nos seules limites sont celles que nous nous fixons à nous-mêmes.

Votre hobby?

Le wingfoil.

Votre rêve?

Je le réalise actuellement grâce à mes différentes courses.

La personne qui vous inspire?

Ella Maillard, navigatrice et exploratrice suisse.

Ce qui vous fait rire?

Beaucoup de choses, je suis très bon public!

Justine Mettraux: Ce sont des années d’entraînement intense. Pour la course qui a démarré en novembre2024, j’ai commencé à me préparer en juin2022. Cela représente donc plus de deux années de travail acharné, sur le bateau et en dehors. Durant des mois, il s’agit de ne faire que cela: apprivoiser le bateau, naviguer, s’entraîner, tester, anticiper différentes situations en mer, etc. Appartenant au Pôle Finistère Course au large, qui réunit des sportifs et des sportives de haut niveau, je fais aussi des parcours d’entraînement face à d’autres navigateurs. Une dizaine de bateaux s’affrontent sur l’eau dans l’optique de se confronter aux autres en dehors des courses officielles, mais aussi afin de comparer les performances et de progresser ensemble.

Sur le plan physique, comment anticipe-t-on une telle épreuve?

Être seule sur un bateau est très exigeant physiquement. La préparation physique est donc primordiale. Je fais beaucoup de renforcement musculaire, avec l’aide d’un coach, ainsi que du pilates et du yoga. J’aime également pratiquer du sport en extérieur, ce que je fais le plus souvent possible. Se préparer au mieux est essentiel, pour être performante sur le bateau, mais également pour réduire le risque de blessures.

Quelles sont les plus fréquentes lors d’une course en mer?

Sur le bateau, les risques sont surtout liés à des chocs. En effet, en mer, lorsqu’il y a du vent, cela peut secouer fort et les accidents, potentiellement très violents, peuvent vite arriver. Nous portons un casque pour protéger notre tête. Je préserve aussi au maximum mon dos, constamment sollicité durant les courses. Finalement, pour mon premier Vendée Globe, je savais que j’étais bien prête physiquement. Je n’avais donc pas vraiment peur de me blesser, je craignais davantage une éventuelle défaillance technique de mon bateau.

BIO EXPRESS

1986

Naissance à Genève.

2004

Intègre le Centre d’entraînement à la régate (CER) à Genève.

2010

Rejoint l’équipage de Dona Bertarelli sur le catamaran Lady Cat.

2012

Part pour Lorient, en France et participe avec Teamwork à la Mini Transat, traversée de l’Atlantique en solitaire et sans assistance.

10novembre 2024

Départ de son premier Vendée Globe.

2025

Se lance dans la conception d’un nouveau bateau pour le prochain Vendée Globe, prévu en 2028.

Comment dormez-vous à bord?

En mer, je dors une heure consécutive au maximum, mais au moins cinq heures par vingt-quatre heures. Bien sûr, le rythme reste totalement dicté par la météo. Nous devons nous adapter aux conditions et dormons en fonction des aléas climatiques et du travail à effectuer sur le pont. Certains jours sont bien plus propices que d’autres au repos. Nous devons être flexibles et savoir nous adapter, même si nous sommes fatigués. Moi qui suis une grosse dormeuse à terre, en mer, je tiens grâce à l’adrénaline générée par la course et la compétition.

Cette fatigue accumulée n’est-elle pas difficile à gérer?

Grâce à l’expérience acquise au fil des années, je pense que je me connais bien. Je sais quand je me rapproche des limites et je gère la situation au mieux. En mer, il est en tout cas impératif de ne pas les dépasser, car c’est dans ces moments critiques que nous risquons de commettre des erreurs. Celles-ci peuvent non seulement nous pénaliser par la suite dans la compétition, mais aussi altérer notre santé.

Avez-vous parfois souffert du stress ou de la solitude?

Je ne suis pas vraiment de nature anxieuse. Ce qui m’inquiète, c’est davantage le souci technique. Bien se préparer, afin de bien repérer les éventuels problèmes qui pourraient survenir sur le bateau, me permet de rester calme et sereine. Sinon, la solitude ne me dérange pas du tout, au contraire. J’ai toujours beaucoup apprécié mes moments en solo. J’en ai même besoin. Être seule en mer ne me pèse donc absolument pas.

Êtes-vous formée pour gérer des situations d’urgence médicale en mer?

J’ai une formation de premiers secours, que je dois renouveler tous les cinq ans. Pour le Vendée Globe, tous les participants doivent également valider une formation plus complète. En cas de souci médical en mer, nous pouvons par ailleurs contacter le médecin de la course. Le cas échéant, il confirme un diagnostic et, si besoin, se tourne vers d’autres spécialistes afin de nous fournir un maximum d’informations. Une fois le diagnostic posé, il nous guide pour le traitement ou la prise en charge puis assure le suivi. À bord, tous les concurrents disposent du même équipement médical, très complet, allant de l’analgésique à l’antibiotique et l’anti-inflammatoire, en passant par l’attelle et un kit pour faire des sutures. Le médecin nous indique alors précisément la marche à suivre. Être bien guidée et soutenue est indispensable dans des moments qui peuvent être difficiles à gérer, surtout en pleine mer.

Après 76jours de course, vous avez terminé 8e du dernier Vendée Globe, première femme à franchir la ligne d’arrivée, avec à la clé le record féminin de la compétition sur un monocoque. Comment expliquez-vous ce très beau résultat?

Je crois que je me suis préparée comme il le fallait. Mon bateau était par ailleurs très performant, mes résultats obtenus lors des précédentes épreuves de préparation l’avaient d’ailleurs confirmé. Toutefois, malgré ces précédents résultats plus qu’encourageants, je ne m’étais pas fixé d’objectif chiffré avant le départ du Vendée Globe. J’avais surtout en tête l’envie de bien gérer ma course. Mon objectif était là et cela a payé.

Vous repartez en 2028 pour un deuxième Vendée Globe. Avez-vous hésité avant d’accepter de relever à nouveau ce défi?

En toute honnêteté, je n’ai pas vraiment eu le temps de me poser la question! Mes partenaires étaient très motivés à m’accompagner, j’ai reçu de nombreux soutiens, un nouveau bateau m’a été proposé… Bref, toutes les conditions étaient clairement réunies pour que j’y retourne! Mais il est vrai que ce projet sur quatre ans est particulièrement engageant, intense et prenant. Il empiète indiscutablement sur ma vie personnelle, par exemple, et ce, bien au-delà du temps de la course elle-même. Je devais tout de même être sûre, avant d’accepter, d’avoir la bonne énergie pour relever ce défi. Au vu du contexte plus que favorable, je repars très volontiers!

Avez-vous toujours souhaité devenir navigatrice?

Absolument pas! Quand on grandit en Suisse, on pense difficilement faire de la voile son métier. Mes parents, Fribourgeois, se sont installés à Genève et c’est là que nous avons commencé à naviguer en famille. J’aimais beaucoup cette activité de plein air, mais je n’envisageais pas du tout, à ce moment-là, une carrière dans ce domaine. Finalement, au fil des opportunités, j’ai progressé et je me suis accrochée. Je suis passée par le Centre d’entraînement à la régate puis ai rejoint l’équipage entièrement féminin du catamaran Lady Cat. En 2012, j’ai décidé de me lancer dans la Mini Transat, une course transatlantique en solitaire et sans assistance. Mon idée n’était pas de devenir navigatrice, même si ce type d’épreuves est une porte d’entrée pour la course au large. Je me lançais alors simplement dans un projet de deux années, sans vision sur le long terme. Mais j’y ai rencontré le patron de Teamwork, mon sponsor principal actuel. Là encore, c’est une histoire d’opportunités: être au bon endroit, au bon moment. Ma vie de navigatrice s’est vraiment construite pas à pas, sans plan préétabli.

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