«Le droit à la santé est un droit humain fondamental»

Dernière mise à jour 17/01/23 | Questions/Réponses
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Tout récemment nommée directrice des programmes du réputé Festival du film et forum international sur les droits humains de Genève (FIFDH), Irène Challand donnera un nouveau souffle à la 21e édition de l’événement. Malgré les crises actuelles et l’instabilité ambiante, cette femme engagée et fervente optimiste est bien résolue à proposer un espace unique d’échanges et d’ouverture sur le monde. Rencontre.

Vous venez de prendre vos fonctions au sein de ce festival de renom qu’est le FIFDH. Quelles seront vos principales missions ? 

Bio express

1992-2001 Après des études de journalisme, devient correspondante en Allemagne pour la Radio Télévision Suisse (RTS).

2001-2018 Crée puis dirige l’Unité des films documentaires de la RTS.

2018-2022 Responsable du domaine d’activités Valeur Publique à la direction de la SRG SSR (Société suisse de radiodiffusion et télévision).

2019-2020 Membre du Comité du Festival International de Films de Fribourg.

2020-2022 Membre du Conseil de la Fondation du Festival international Visions du réel.

2019-2021 Membre du jury du Prix européen des médias CIVIS.

Septembre 2022 Nommée directrice des programmes et co-directrice générale du FIFDH.

Irène Challand: Le défi pour moi est de parvenir à maintenir l’impact imposant que le festival possède à l’international, mais aussi de favoriser son déploiement auprès d’un public toujours plus large en Suisse romande et au-delà. J’aimerais que cet événement soit au plus près des interrogations actuelles de la société, qu’il serve à mobiliser et susciter des réflexions chez des personnes de différents horizons. Sachant que l’on vit dans un monde qui marche parfois sur la tête, que l’état d’urgence climatique est permanent et que l’ordre mondial est complètement remis en question, les sujets sont nombreux! 

Quelles sont les thématiques qui marquent la génération actuelle de cinéastes et d’activistes, et qui seront au cœur de l’édition 2023 du Festival ?

La question du réchauffement climatique est vraiment essentielle, celle de l’identité aussi, notamment l’identité numérique et les futurs droits humains de l’univers digital. Il me semble aussi important d’aborder la thématique de ce que j’appelle «l’angle mort» de la géopolitique: ces pays qui traversent des situations tumultueuses en lien avec les droits humains mais dont on ne parle pas beaucoup. Je pense notamment au Soudan du Sud, à la Somalie, à Haïti, au Yémen, à la Turquie, à l’Égypte, à la Syrie… Nous allons également travailler, à travers le Forum, ses débats et ses films, autour de la notion de l’humiliation. On a tendance à sousestimer l’impact que celle-ci peut avoir sur le plan individuel, mais aussi sociétal et politique. Bref, cette édition aura pour but de renforcer le respect et le dialogue entre les uns et les autres. J’aimerais que le festival serve à interroger la «fabrique» des droits humains. 

La défense et la promotion des droits humains, c’est aussi le droit à la santé…

Oui, le droit à la santé, qu’elle soit physique ou psychique, est un droit humain fondamental. C’est une préoccupation d’autant plus importante que chaque conflit dans le monde la fragilise. Chaque année, la santé est à l’agenda du FIFDH, qui partage des liens étroits avec de nombreuses ONG comme Médecins Sans Frontières, le Comité international de la Croix Rouge, l’Organisation mondiale de la santé… Le film L’homme qui répare les femmes de Thierry Michel a, par exemple, eu un écho mondial. Il mettait en perspective les viols dans le Kivu (République démocratique du Congo) et l’engagement exceptionnel du Dr Denis Mukwege qui a, depuis, reçu le Prix Nobel de la paix. 

Sommes-nous bien lotis en Suisse en matière de santé selon vous?

La Suisse est un pays extrêmement privilégié dans ce domaine et doté d’un système de santé assez exceptionnel, avec une quantité et une qualité de soins accessibles à tous. Je pense par contre qu’il est important d’éviter de développer une médecine à deux vitesses. J’ai vécu dix ans en Allemagne où la prise en charge des soins dentaires, par exemple, est comprise dans l’assurance de base. C’est un modèle dont on pourrait s’inspirer, afin d’améliorer encore le système d’accès global aux soins en Suisse. 

Quel rapport entretenez-vous avec votre propre santé?

Je suis extrêmement active professionnellement et j’ai un peu tendance à trop vouloir absorber et à me laisser dépasser, à ne pas mettre la priorité sur ce qui devrait être des activités essentielles pour un bon équilibre. Mais je fais au mieux pour y parvenir, notamment avec l’activité physique: je pédale tous les matins, je marche beaucoup, je nage au moins sept mois dans l’année. 

Faites-vous attention à votre alimentation?

J’essaye au maximum d’être en harmonie avec mon environnement. J’ai longtemps été végétarienne, en réaction à l’industrie alimentaire et l’élevage intensif d’animaux, et j’essaye depuis trente ans de consommer local et si possible de production intégrée et/ou bio. Je pense qu’en tant que consommatrice, j’ai le pouvoir de choisir et donc d’avoir un impact sur l’écosystème et sur ma santé. Par ailleurs, je suis une hédoniste, je ne résiste pas aux succulents mets et vins! 

Êtes-vous sujette au stress, notamment à l’approche d’un événement important comme le festival?

C’est une gestion qui va s’imposer naturellement, en collaboration avec toute l’équipe du FIFDH. Comme le mécanisme d’une montre, la préparation et la mise en place de l’événement devront être très précises dans le détail de chacune des journées et des exigences. Bref, des mini-performances quotidiennes durant dix jours… avec des nuits courtes! Mais j’imagine que le corps est porté par une surdose d’adrénaline qui aide à rester zen. 

Comment avez-vous traversé la crise Covid? A-t-elle impacté votre rapport à la médecine, à la science, à l’information médicale…?

Cette période, selon moi, a été révélatrice des inégalités et des fractures sociales, aussi bien en Suisse qu’ailleurs dans le monde. Elle a aussi permis de développer une certaine attitude d’humilité et de modestie par rapport à ce que l’être humain sait… ou ne sait pas! Rien n’est jamais acquis, nous ne maîtrisons pas tout. C’est une leçon que l’on doit retenir et appliquer au quotidien. 

Que peut-on vous souhaiter pour l’édition 2023 du FIFDH?

Que la merveilleuse équipe –constituée notamment de 200 bénévoles et une quarantaine de collaborateurs et collaboratrices– puisse accueillir en présentiel les milliers de festivaliers attendus. Que Genève soit à nouveau une place de dialogue à la dimension internationale, pour renforcer les liens et les échanges dans un contexte de résonance avec la session principale du Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui aura lieu en parallèle du FIFDH. Enfin, j’espère qu’au printemps 2023, le monde comptera quelques conflits en moins… c’est un vœu pieux, mais après tout, être en vie c’est rester optimiste!

En quelques mots…

Le premier film que vous ayez vu sur grand écran?

«Grease avec John Travolta et Olivia Newton-John et, quelques jours plus tard, Dersou Ouzala d'Akira Kurosawa. Que d’émotions et d’horizons si différents. À 13 ans, une nouvelle vie commençait.» 

Et le dernier?

«Bande à part de Jean-Luc Godard. Un film absolument avant-gardiste tourné en 1964, d’une audace et d’une poésie exceptionnelles.» 

Quel cinéaste vous a le plus marqué ?

«Celui qui m’a le plus marquée sans discontinuité, c’est Jean-Luc Godard.» 

Une scène de cinéma que tout le monde devrait avoir vue?

«J’en retiendrais deux: la première scène de Nuit et brouillard d’Alain Resnais, qui nous confronte aux camps de concentration d’Auschwitz-Birkenau, et celle, tirée du film de Roberto Rosselini Allemagne année zéro, lorsque la caméra survole la ville de Berlin complètement dévastée par les bombardements.»

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Paru dans Planète Santé magazine N° 47 – Décembre 2022

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