Anja Wyden Guelpa: «Je me suis assoupie sur le fauteuil de mon dentiste»

Dernière mise à jour 15/08/16 | Article
anja_guelpa
Elue à 36 ans, la chancelière Anja Wyden Guelpa est chargée, depuis 2009, de préparer les séances du Conseil d’Etat de Genève et de vérifier que ses décisions soient mises en œuvre.

P.S.: Les questions de santé apparaissent-elles dans votre activité de chancelière?

A.W.G.: La Chancellerie interagit avec tous les services de l'Etat, mais pas davantage avec le département de la santé. Par contre, quand je dirigeais l'action sociale, c'était un thème traité au quotidien puisque les EMS et le service de l'assurance-maladie faisaient partie de mon domaine de responsabilité. Chaque été, ce service devait analyser les comptes des assureurs pour préaviser à l’intention de l’OFSP les augmentations de primes.

Votre métier, on l'imagine, vous occupe beaucoup. Comment vous assurez-vous de ne pas faiblir dans les périodes très intenses?

Mon agenda est très chargé, c'est vrai; même particulièrement rempli selon mes proches. Mais j'aime ça et cela me convient. Au quotidien, je vis et je mange assez sainement. Je fais tous les jours un peu de yoga, même si ce n'est parfois que cinq minutes, et je prends des cours quand j'en ai l'occasion. Ça me recentre et ça me calme en m'extrayant de l'action et de la réflexion. Mais je ne suis pas une ascète! J'aime bien de temps en temps la convivialité qui sied à une Valaisanne.

Le sommeil, c'est un paramètre important?

Je dors entre quatre et six heures, davantage en vacances. J'ai la chance de récupérer très vite et de pouvoir m'endormir n'importe où. Je me suis même assoupie sur le fauteuil de mon dentiste durant un traitement. Un phénomène pas courant, m'a-t-il dit! Par ailleurs, je ne suis pas matinale mais je me suis rendu compte que dormir jusqu'au dernier moment n'était pas pour moi; que c'était même le meilleur moyen de me stresser dès l'arrivée au bureau. Au lieu de quoi, je me lève à six heures, je fais si possible une demi-heure de yoga puis je prends une demi-heure pour petit-déjeuner, voir mes deux enfants et lire les journaux.

Toujours au chapitre de l'hygiène de vie, bien manger, c'est possible dans les réceptions officielles?

Bien sûr! Mais c'est une question qu'on pose fréquemment. Oui, il y a de nombreuses réceptions protocolaires avec des dîners mais rien n'oblige à tout manger ni à se resservir trois fois de dessert. Les événements «debout» sont beaucoup plus nombreux et, là, c'est tout le contraire: pris par les sollicitations, on ne parvient pas à manger.

Quel type de patiente êtes-vous?

Quelqu'un qui ne va pas souvent chez le médecin! Ma mère était infirmière de soins intensifs et nous envoyait rarement consulter –un phénomène que j'ai souvent retrouvé chez les enfants de médecins. On en garde l'habitude de «bricoler» un peu soi-même au point que, durant longtemps, je n'avais pas de médecin à Genève.

Vous n'avez vraiment pas l'air hypocondriaque…

Non, c'est plutôt le style «même pas mal»! Et je suis très peu malade. Je suis peut-être un peu trop fière, aussi, pour m'avouer malade, mais l'environnement familial explique en partie cette attitude.

Votre mère, donc, était infirmière. Votre père, lui aussi, est dur à la douleur?

Non, c'est un homme (rires). Dès qu'il avait le moindre virus, ma mère devait être aux petits soins. Mais aujourd’hui il se débrouille très bien. Ceci dit, je suis plus attentive à la santé de mes proches qu'à la mienne. Mon mari m'a reproché deux fois de l'avoir envoyé pour rien chez le médecin.

Si vous aviez été médecin, quelle spécialité auriez-vous choisie?

Peut-être chirurgienne. Pour le côté humain et scientifique mais aussi pour l'aspect concret: on «bricole» avec les mains et on modifie durablement les choses. Et puis j'ai vu le résultat de près: mon frère qui a un an de moins que moi a un handicap mental et physique et il a subi à Zurich une douzaine d'opérations très complexes pour pouvoir marcher. Nous habitions en Valais et nous passions jusqu'à cinq semaines là-bas, principalement à l'hôpital. Aujourd'hui il marche, mais pas très longtemps et pas avec la même mobilité que vous et moi car on a dû «fixer» son pied qui ne se plie plus en direction de la jambe.

Par le biais de votre frère, vous avez donc connu la prise en charge du handicap en Suisse.

Oui, et elle est de très haut niveau. Sur le plan financier, avec l'Assurance invalidité et les prestations complémentaires, et dans la qualité remarquable des établissements pour personnes handicapées. Nous avons aussi la chance, à Genève en tout cas, que des personnes privées et des philanthropes s'impliquent. Pour les établissements privés, cela représente habituellement un tiers des financements, soit des dizaines de millions de francs. Et cela paie aussi des à-côtés comme des vacances de voile ou de ski qui vont au-delà des soins, de l'alimentation et de la prise en charge strictement médicopédagogique. Ces moments sont très précieux pour des personnes qui vivent souvent toute leur vie dans la même institution, le même bâtiment. Je note enfin que c'est un domaine où la société civile a précédé l'Etat. Les établissements pour personnes handicapées ont souvent été créés il y a quarante ans par des parents épaulés financièrement par des philanthropes. Ce n'est que plus tard que l'Etat s’est impliqué en légiférant.

Malgré cela, y a-t-il encore aujourd'hui des éléments qui vous révoltent dans les difficultés que rencontrent les personnes handicapées au quotidien?

L'accessibilité des bâtiments et des équipements doit être améliorée. Aux Etats-Unis et en France, il y a davantage de contraintes. Résultat, même la piscine d'un motel à 50 dollars la nuit est accessible aux personnes handicapées. Et ces aménagements concernent d'ailleurs bien plus de personnes: un trottoir abaissé bénéficie autant à un parent qui pousse une poussette qu’à une personne âgée avec un déambulateur ou à une personne en fauteuil roulant.

Le fait d'avoir un frère handicapé modifie-t-il votre regard sur vous-même?

Oui, c'est une expérience qui vous change et vous détermine. Cela aide à relativiser quand on a un bobo, quand on se fait attaquer, quand on va mal ou qu'on voudrait s'auto-apitoyer. Dans ces moments, si je compare la situation de mon frère et la mienne –j'ai la chance d'avoir deux enfants en bonne santé, un mari qui m'aime depuis vingt ans–, je me dis que ça va peut-être aller. C'est vrai que je n'aime pas trop me plaindre moi-même. Ma philosophie est qu'il faut être heureux d'abord et que le reste suivra, plutôt que se dire que l'on sera heureux quand on aura du succès, qu'on sera plus mince ou je ne sais quoi.

Un livre, un spectacle récent qui vous a transportée?

J'aime beaucoup la danse contemporaine. Peu avant Noël, j'ai vu à l'ADC à Genève une magnifique pièce de Kaori Ito, «Je danse parce que je me méfie des mots». Elle était sur scène avec son père, artiste plasticien, et c'était une œuvre impressionnante sur la famille, la filiation et l'exigence envers soi-même.

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