Avancée dans la compréhension des douleurs neuropathiques

Dernière mise à jour 01/10/13 | Article
Avancée dans la compréhension des douleurs neuropathiques
Les antalgiques classiques s’avèrent souvent impuissants face à une catégorie de douleurs chroniques, dites neuropathiques, qui surviennent par exemple à la suite d’une hernie discale ou d’une neuropathie du diabète. Une avancée réalisée par des chercheurs lausannois et bernois permet d’entrevoir une nouvelle piste thérapeutique.

Il existe des douleurs tenaces contre lesquelles aucun remède n’est vraiment efficace. Les douleurs dites neuropathiques en font partie. Provoquées par la lésion ou le dysfonctionnement du système nerveux, elles touchent ou ont touché au moins une fois dans leur vie environ 7% de la population suisse sans qu’aucun traitement ne soit à même de les soulager de manière satisfaisante. Une équipe du Centre d’antalgie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et de l’Université de Lausanne (UNIL), en collaboration avec des collègues de l’Université de Berne et de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), vient cependant d’identifier une molécule impliquée dans le mécanisme responsable de ces douleurs. Cette avancée, publiée dans la revue The Journal of Clinical Investigations du mois de juillet, permet, selon les auteurs, d’entrevoir une nouvelle piste thérapeutique.

«Les douleurs neuropathiques désignent une hypersensibilité du système nerveux somato-sensoriel qui peut survenir suite à la lésion de neurones, explique Cédric Laedermann, chercheur au Centre d’antalgie, premier auteur de l’article et qui vient de défendre une thèse portant justement sur ce sujet. On peut observer ces douleurs lors de hernie discale, de névralgie du trijumeau (cause fréquente de douleurs intenses au visage), de zonas (une maladie virale de la peau), de neuropathies du diabète ou encore de celles induites par les chimiothérapies administrées aux patients souffrant de cancer.»

Trois catégories de douleurs chroniques

Les douleurs chroniques touchent environ 20% de la population. On peut les classer en trois catégories. La première regroupe les douleurs inflammatoires qui sont provoquées par un excès d’influx douloureux dans le système nerveux à la suite de lésions des tissus principalement périphériques (destruction tissulaire, fracture, distension viscérale, étirements musculo-ligamentaires, arthrose, etc.). Cette douleur est censée disparaître une fois le tissu guéri.

La deuxième comprend les douleurs neuropathiques. Il s’agit de celles qui sont dues à des lésions ou à des maladies du systèmenerveux somato-sensoriel périphérique (section d’un nerf, hernie discale, neuropathie diabétique…) ou central (traumatisme de la moelle épinière, attaque cérébrale…).

La troisième regroupe les douleurs dysfonctionnelles, autrement dit toutes celles que l’on n’arrive pas à classer dans les deux premières catégories et dont les causes ne sont pas identifiées. A l’image des fibromyalgies, certaines parties du système nerveux responsables des informations douloureuses sont sensibilisées (d’où le terme de dysfonction), mais elles ne trouvent pas d’explication biologique, malgré des investigations médicales poussées.

Mécanismes peu connus

Les mécanismes biomoléculaires de cette affection sont encore très peu connus. D’ailleurs, les médicaments classiques à base de paracétamol, d’opiacés ou d’anti-inflammatoires sont très peu efficaces. Avec d’autres médicaments, comme par exemple certains antidépresseurs, la douleur n’est, dans le meilleur des cas, qu’atténuée et ce seulement chez la moitié des patients. Ces derniers subissent donc souvent une importante diminution de leur qualité de vie sur le plan professionnel, social ou familial pouvant déboucher sur des troubles dépressifs, anxieux et du sommeil.

De manière générale, la douleur est transmise le long des neurones sensoriels notamment via des canaux sodiques. Ce sont de petits « pores » qui laissent passer les charges électriques véhiculant l’information douloureuse. Dans le cas des douleurs neuropathiques, deux variantes de ces canaux sont anormalement nombreuses. On dit alors que le système nerveux sensoriel est dans un état d’hyperexcitabilité.

Fausse information

Les chercheurs lausannois affirment désormais que cette augmentation des canaux est due à une concentration trop basse d’une protéine appelée NEDD4-2. Ils ont étudié des souris transgéniques dont le génome a été modifié pour qu’elles ne produisent plus la NEDD4-2. Cette molécule (une ubiquitine ligase pour les spécialistes) a en principe pour effet de diminuer le nombre de canaux sodiques à la surface des neurones. Cependant, dans le cas des douleurs neuropathiques, le taux de NEDD4-2 chute, permettant ainsi au nombre de canaux d’augmenter. Conséquence : le système nerveux transmet une fausse information de douleur vers la moelle épinière puis le cerveau.

Les chercheurs, dirigés par Isabelle Decosterd, professeure associée du Centre d’antalgie du CHUV, et Hugues Abriel, professeur et directeur du département de recherche de l’Université de Berne, se sont également servis de souris, non pas transgéniques, mais manipulées de façon à ce qu’elles montrent tous les signes de douleur neuropathique.

Ces rongeurs ont été soumis à une thérapie génique, basée sur l’injection d’un vecteur viral contenant le gène de la protéine NEDD4-2. Ce traitement a permis de restaurer une expression normale de l’ubiquitine ligase, ce qui s’est traduit par la diminution du nombre de canaux sodiques et par un ralentissement du développement de l’hypersensibilité à la douleur.

«Agir sur la protéine NEDD4-2 pour tenter de restaurer un taux normal de cette molécule constitue une piste intéressante pour un éventuel traitement contre les douleurs neuropathiques, note Cédric Laedermann. Jusqu’à présent, toutes les tentatives visant à prendre comme cible directement les canaux sodiques, que l’on retrouve partout dans l’organisme, se sont soldées par des échecs. Les molécules connues agissent en effet de manière non-spécifique. En voulant soigner la douleur, on risque donc de provoquer aussi des effets secondaires indésirables comme des arythmies cardiaques. En revanche, en injectant localement la NEDD4-2 dans la zone touchée par la douleur, par exemple, il devient imaginable de corriger la dérégulation des canaux sodiques – et non plus les bloquer. Un tel traitement serait susceptible de diminuer l’hyperexcitabilité du système nerveux et donc diminuer ainsi la transmission erronée de l’information douloureuse.»

La douleur aiguë, un ticket pour la survie

Les canaux sodiques, présents à la surface des neurones, jouent un rôle important dans la transmission de la sensation de douleur aiguë et protectrice vers la moelle épinière et le cerveau. Ils existent sous neuf variantes très semblables les unes aux autres, et seuls certains transmettent la douleur.

La littérature scientifique rapporte le cas de personnes, dont trois membres d’une même famille pakistanaise, dépourvus de la septième variante de ces canaux sodiques. Résultat: ces individus sont insensibles à la douleur.

Les chances de survie dans ces conditions sont limitées puisque les enfants qui souffrent de cette mutation n’apprennent pas ce qui est chaud, tranchant, bref, ce qui peut blesser.

Ce «don» d’insensibilité a néanmoins été exploité par un enfant pakistanais, acteur de rue qui s’est fait connaître en se transperçant les membres avec des lames et en marchant sur des charbons ardents. Il est mort à 14 ans le jour où il a voulu sauter d’un toit, affirmant qu’il ne se ferait pas de mal.

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