Pas de meilleur médicament que l’activité physique

Dernière mise à jour 27/03/19 | Article
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L’initiative a favorisé la constitution d’un groupe d’experts ayant pour mission de répertorier les méthodologies déjà existantes – et celles à imaginer – visant à rendre compte de l’efficacité des processus de soins inhérents à la médecine intégrative.

(Re)bouger, mode d’emploi

Pour bénéficier des bienfaits de l’activité physique, nul besoin d’avoir un corps d’athlète ou de viser un marathon quotidien. Les conseils du Dr Mathieu Saubade, médecin du sport et responsable de la consultation de conseils en activité physique à Unisanté.

  • Au quotidien, saisir toutes les occasions de bouger davantage.
  • Au cours de la semaine, mettre à son agenda au moins 5 x 30 minutes d’activités générant un léger essoufflement (marche rapide, course, vélo, etc.) et 2 séquences de renforcement musculaire (tronc, haut et bas du corps).
  • Opter pour des activités faciles à intégrer à sa vie et source de plaisir.
  • Embarquer les proches dans l’aventure, les activités de groupe étant très contagieuses.
  • Se fixer des objectifs réjouissants: une ascension à la montagne, une course entre amis, l’essayage réussi d’une tenue devenue trop serrée, etc.

Limiter le temps passé en position assise, tout aussi néfaste que le manque d’activité physique, en se levant idéalement toutes les 45 minutes.

Prescrire de l’activité physique, une fantaisie? Loin de là! Elle s’affiche même désormais en toutes lettres sur les ordonnances de nombreux médecins. La raison? «Son efficacité incontestable, à la fois en termes de prévention mais également face à la maladie», résume le Pr Jacques Cornuz, directeur général d’Unisanté, Centre universitaire de médecine générale et santé publique à Lausanne. Et d’ajouter: «En cas d’excès de cholestérol ou d’hypertension artérielle par exemple, l’urgence n’est pas de prendre un médicament, mais bien d’améliorer son hygiène de vie, en misant notamment sur l’activité physique.»

L’idée n’est pas de mettre la barre trop haut, ni même de parler de sport en tant que tel. Les experts évoquent «tout mouvement corporel associé à une contraction musculaire qui augmente la dépense d'énergie par rapport aux niveaux constatés au repos». «En clair, l’objectif est de bouger, aussi souvent que possible, préconise le Pr Cornuz. Et pour cela, il n’est jamais trop tard: les résultats sont particulièrement spectaculaires lorsque l’on reprend une activité physique alors qu’on ne faisait plus rien.»

A l’échelle internationale, les recommandations sont unanimes: au moins deux heures et demie par semaine d’activité modérée (comprendre une activité générant un léger essoufflement et une accélération du rythme cardiaque, comme lors d’une marche rapide) ou au moins une heure et quart d’activité intense (jogging, tennis par exemple), à fractionner si possible en plusieurs séquences dans la semaine.

La contrepartie de cet investissement? Des bénéfices dont la liste ne cesse de s’allonger, notamment sur l’ostéoporose, l’obésité, le mal de dos, l’hypertension artérielle, l’excès de cholestérol, le diabète, certains cancers (voir encadré), la récupération après un accident cardiovasculaire, l’espérance de vie elle-même, et probablement aussi des effets contre la démence et la maladie d’Alzheimer.

Un tableau impressionnant

«Même si de nombreux mécanismes restent à élucider, l’activité physique est sans aucun doute le facteur qui a le plus d’impact pour améliorer les capacités cognitives et prévenir leur déclin, souligne le Pr Giovanni Frisoni, directeur du Centre de la mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Mais elle est également protectrice face à la maladie d’Alzheimer, en rendant le cerveau plus robuste. On sait désormais que la maladie survient bien plus tard chez les personnes suffisamment actives». La prescription idéale pour le cerveau? «Toute activité élevant la fréquence cardiaque – natation, vélo par exemple –, si possible sur des durées d’au moins 45 minutes, deux ou trois fois par semaine», recommande le spécialiste.

Les bienfaits psychiques se révèlent tout aussi concrets face à la dépression. «L’activité physique est un levier crucial pour contrecarrer sédentarité, charge pondérale, perte d’énergie et d’envie, qui vont souvent de pair avec la dépression. Or ces "dommages collatéraux" minent non seulement la vie sociale et l’estime de soi, mais également la santé au sens large», explique le Dr Othman Sentissi, médecin adjoint au Département de santé mentale et de psychiatrie des HUG et à l’origine du programme 4F (Feel, Fit, Food & Fun) destiné aux 18-35 ans en proie à des souffrances psychiques. «Pour preuve, en raison d’une hygiène de vie souvent délétère, une personne dépressive a bien plus de risques de décéder d’une maladie cardiovasculaire que de la dépression elle-même», alerte le spécialiste.

Ce qui se cache derrière ces pouvoirs? Les processus en jeu sont innombrables et encore mystérieux pour certains. «On a longtemps cru que les tissus musculaires et adipeux n’étaient là que pour répondre aux commandes du cerveau et aux besoins du corps. Or il n’en est rien, révèle le Pr Bengt Kayser, directeur de l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne. On sait désormais que graisse et muscles sont des organes endocrines, autrement dit capables de relâcher une multitude de molécules susceptibles d’agir ailleurs dans l’organisme. La condition: qu’ils soient stimulés par l’activité physique.»

C’est ainsi que solliciter son corps, de quelque manière que ce soit, déclenche une myriade de réactions physiologiques, plus concrètes les unes que les autres. Le tableau est impressionnant: stimulation cellulaire permettant de limiter la perte musculaire et osseuse liée à l’âge, frein au mécanisme de résistance à l’insuline à l’origine du diabète de type 2, stimulation des fonctions de l’hippocampe (structure clé de la mémorisation), action sur les facteurs de croissance producteurs de neurones, renforcement du système cardiovasculaire, libération d’endorphines et autres hormones du bien-être ou encore de médiateurs stimulant le système immunitaire à l’œuvre face au cancer. «Aucune molécule n’arrive à la cheville de ça!», sourit le Dr Mathieu Saubade, médecin du sport et responsable de la consultation de conseil en activité physique à Unisanté.

Les initiatives se multiplient

Selon l’Office fédéral de la statistique, trois quarts de la population suisse a une activité physique suffisante. Derrière cette proportion réjouissante, des contrastes impliquant sexe, âge, nationalité, niveau de formation ou encore lieu de vie. Et deux obstacles majeurs, contre lesquels il s’agit de lutter inéluctablement. Le premier n’est autre que la vie actuelle, rendant possible la sédentarité la plus absolue. Le second: la paresse, qui s’inscrirait dans nos gènes. «Pendant des millénaires, les humains ont appris à économiser leur énergie, la réservant aux missions de survie et à la quête de nourriture, résume le Pr Kayser. Dès lors, échapper à tout effort "facultatif" est sans doute inscrit en nous.»

Alors les campagnes et initiatives se multiplient. De l’Office fédéral de la santé publique aux villes et cantons, en passant par les hôpitaux universitaires et diverses structures privées, les objectifs se rejoignent: bousculer les mentalités, changer les villes et les prises en charge médicales pour placer l’activité physique au cœur de la vie de chacun. La question d'un remboursement spécifique reste délicate puisque l’absence d'activité physique n’est pas reconnue en tant que telle par la LAMal. «L'enjeu fait penser à celui de la lutte contre le tabac il y a quelques années, note le Pr Cornuz. Aujourd’hui, les médicaments destinés au sevrage nicotinique sont remboursés, cela n’a pas toujours été le cas. Alors à nous de mettre en place de beaux projets. Promouvoir l’activité physique n’est pas une ode à une médecine triomphante, mais à une médecine tout en humilité, pas moins efficace pour autant.»

L’activité physique face au cancer

«L’arrivée du cancer dans une vie est souvent comparable à un raz-de-marée. Alors bien sûr, parler à un patient d’activité physique peut lui paraître très secondaire dans un premier temps, quand son désir le plus absolu est de démarrer un traitement. Mais très vite, elle doit être évoquée, car elle fait partie de la prise en charge thérapeutique au même titre que la nutrition», indique le Dr Thibaud Kössler, médecin adjoint au Service d’oncologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et co-responsable avec le Dr Alexandre Bodmer du programme «Activité physique et cancer». Dans le cadre de la prévention d’abord. «La pratique d’une activité physique régulière diminue de 20% le risque de cancers du poumon et du rein et de 10% ceux du côlon ou du sein», précise le Dr Kössler. Quant à ses bienfaits pendant la maladie, «ils sont spectaculaires, tant pour contrer les effets secondaires du traitement que ceux du cancer lui-même», insiste le spécialiste. Parmi les effets constatés: réduction des douleurs musculaires et articulaires, de la fatigue, des nausées, meilleure estime de soi. D’où l’idée du programme «Activité physique et cancer» des HUG, ouvert à tout patient atteint d’un cancer. «Notre objectif est de proposer une activité adaptée combinant renforcement musculaire, endurance et équilibre, détaille le Dr Kössler. Et les retombées peuvent aller loin: associée à l’ergothérapie et au soutien psychologique, l’activité physique concourt notamment à la reprise d’une activité professionnelle.»

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Paru dans Le Matin Dimanche le 24/03/2019.

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