Ça y est, je me remets au sport!

Dernière mise à jour 16/12/20 | Article
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Pour perdre un peu de poids, se raffermir, se défouler ou simplement se sentir mieux, chacun ses raisons de ressortir les baskets du placard ou de s’inscrire à une salle de sport. Sitôt lancés, l’enjeu est double: adapter l’effort pour éviter la blessure et tenir sur la longueur. Conseils d’experts.

2,5 heures

C’est le temps minimum d’activité physique dite «modérée» conseillé par semaine. En clair, il peut s’agir de marche ou balade à vélo par exemple, induisant un essoufflement modéré, mais réel. L’équivalent plus sportif de ces recommandations: 1,25 heure d’activité d’intensité élevée (course, rameur, tennis, etc.). Dans tous les cas, l’idéal est de répartir le programme sur la semaine plutôt que de le condenser sur un ou deux jours seulement. Si ces chiffres sont régulièrement énoncés, le Pr Vincent Gremeaux, responsable du Centre de médecine du sport du CHUV y apporte un éclairage nouveau: «Tenir ce rythme, c’est déjà très bien. On sait que dès 15 minutes d’activité physique quotidienne, l’organisme tire des bénéfices sur le plan cardiovasculaire. Mais ces valeurs de 2,5 heures d’activité physique modérée ou 1,25 d’activité plus intense sont relativement anciennes, et devraient probablement être revues à la hausse, voire doublées, pour pallier nos vies particulièrement sédentaires (comprendre plus de 8 heures par jour en position assise).»

Déclic soudain, nécessité médicale ou concrétisation d’une bonne résolution mille fois remise à plus tard, l’envie est là: refaire du sport. Mais lequel choisir? Faut-il privilégier une activité à pratiquer seul ou en groupe? À quelle fréquence? Et à quelle intensité? Le matériel est-il la clé? Et si le corps ne suit pas et que les efforts sont vains? Sitôt la décision prise, les questions peuvent se bousculer, et c’est une bonne chose. Car l’affaire se devine stratégique, mais également réjouissante et hautement personnelle. Et si l’introspection pouvait se décomposer en trois temps?

Commençons par le présent. «Pour reprendre une activité physique après une interruption plus ou moins longue, la question de la motivation est bien sûr centrale, souligne le Pr Vincent Gremeaux, responsable du Centre de médecine du sport du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). C’est elle qui va aider à supporter les courbatures et inconforts des débuts et à garder le cap.» Attention toutefois à ne pas dresser une liste d’objectifs trop exigeante ou rigide: si les résultats ne sont pas rapidement au rendez-vous, la démotivation risque d’être aussi fulgurante que la reprise. Car a priori non, on ne perdra pas dix kilos en un mois, les performances perdues après vingt ans d’abstinence sportive ne seront pas si faciles à retrouver et l’organisme ne se transformera pas en un clin d’œil. «Mais le corps est très entraînable, rappelle le Dr Boris Gojanovic, responsable santé et performance à l’Hôpital de la Tour. Cœur, poumons, muscles sont capables de se transformer rapidement. Au bout de quelques semaines d’entraînement, les effets se font déjà sentir sur le souffle par exemple. Mais la condition pour optimiser les résultats et surtout éviter toute blessure se joue sur deux plans. Le premier – condition absolue – est que l’entraînement soit progressif. Le second est qu’il soit adapté au corps tel qu’il est aujourd’hui et selon ce qu’il a traversé.»

Savoir d’où l’on vient, sportivement parlant

Coup d’œil vers le passé donc. «Toute la question est de savoir d’où l’on vient, sportivement parlant, poursuit le Dr Gojanovic. En apparence, le profil des personnes désireuses de reprendre une activité physique peut être similaire: reprise après une pause de dix ou vingt ans, envie de se remettre en forme, d’évacuer le stress ou d’envisager un marathon à 50 ans. Mais la situation est radicalement différente selon qu’on a été sportif ou pas. Et aussi surprenant que cela puisse paraître, un passé athlétique ne facilite pas forcément le processus, au contraire.» Avantages et inconvénients côté novice? «Une personne qui se met au sport à 40 ans, 50 ans ou plus, sans en avoir jamais fait, a certes tout à apprendre techniquement, mais elle part aussi sans a priori, avec davantage de prudence et souvent des objectifs bien affirmés», observe le spécialiste. Qu’en est-il pour les anciens sportifs? «Ils arrivent généralement avec des réflexes, une technique, une mémoire des mouvements qui sont autant d’atouts. S’y ajoutent souvent des gènes favorables qui leur ont permis de réaliser de belles performances dans le passé, détaille le médecin du sport. Le revers de la médaille: leur passé les expose à un très haut risque de blessure.» Et pour cause, ces athlètes-là s’élancent en voulant reprendre là où ils se sont arrêtés des années plus tôt. Mais entre-temps, leur corps a changé et ne suit plus. Les muscles souffrent, les tendons s’enflamment.

Alors, débutant comme ancien sportif, l’enjeu est le même: inscrire l’activité dans la progressivité et l’écoute de son corps, pour tenir sur la durée. «C’est le nerf de la guerre», rappelle l’expert. Car bien sûr, l’idéal dès lors qu’on a réussi à reprendre est de ne plus s’arrêter, tant pour combler ses propres objectifs qu’en raison des bénéfices sur la santé. «Il y a encore vingt ans, les études se multipliaient pour démontrer les bienfaits de l’activité physique sur la santé. Aujourd’hui, ils ne sont plus à prouver», rappelle le Pr Gremeaux. Pour ne citer que quelques exemples: action positive sur le diabète, la tension artérielle, le cholestérol, l’ostéoporose (pour les sports avec impact), diminution du risque de certains cancers (notamment du côlon, du sein) et de l’apparition de maladies cardiovasculaires. Du côté des soignants, le challenge a donc changé: «Il ne s’agit plus de dénicher des preuves de tous les bénéfices de l’activité physique pour convaincre, mais de motiver les gens sur le long terme», poursuit l’expert.

Valoriser les changements

Place à l’avenir. Escalade, course à pied, vélo d’appartement ou marche nordique entre amis : vous avez trouvé l’activité qui vous comble. Mais comment faire pour ne pas remiser ses baskets au placard au premier week-end pluvieux et conserver ses rendez-vous sportifs, malgré les contraintes familiales ou professionnelles qui peuvent compliquer le quotidien? «Il est important de mettre des mots sur ce que l’on vit et de valoriser certains changements, suggère le Dr Gojanovic. Si l’on veut perdre du poids par exemple, on sait que le sport ne fera pas tout et que les kilos ne vont pas s’envoler de façon spectaculaire. Mais si le changement n’est pas évident sur la balance, la silhouette, elle, peut avoir évolué. S’en rendre compte est un puissant stimulant.» Pour ce faire, les stratégies sont nombreuses. Parmi les plus simples: sortir régulièrement ce pantalon devenu un peu trop juste avec le temps et sentir un jour que l’on glisse facilement dedans. Plus physiologique: prendre son pouls au repos et observer qu’avec le temps, les valeurs s’abaissent. Ou bien encore, noter la transformation de la composition corporelle, idéalement grâce à un appareil médical de qualité, pour constater une diminution de la proportion de masse graisseuse au profit de la masse musculaire. L’évolution des performances elles-mêmes peut bien sûr également être des plus stimulantes. Pour la reprise de la course à pied par exemple, certains experts préconisent de faire le même trajet les premières fois, jusqu’à ce qu’il devienne «facile». Une bonne façon de ressentir les progrès et d’aller plus loin.

«En tant que médecins du sport, nous avons "gagné" quand la personne qui a repris une activité physique régulière ne se contente pas de suivre un programme, mais qu’elle a intégré en elle une dimension sportive qui lui est devenue indispensable. C’est ainsi que, dans le premier cas de figure, elle va par exemple se dire: "le lundi, c’est course à pied, le mercredi, piscine, et le dimanche, balade à vélo". Mais en cas d’imprévu, elle annulera la séance et souvent, c’est humain, s’en réjouira. Dans le second cas, lorsque le besoin de pratiquer du sport régulièrement s’est inscrit en soi, la démarche est tout autre. Le raisonnement est alors: "La piscine est fermée, je vais aller courir à la place".» Alors, subtilement, profondément, les changements dans le corps et la tête s’opèrent et l’activité physique devient partie intégrante du quotidien. Et même lorsque les journées sont chargées, pénibles ou bousculées, ce temps «pour soi» reste préservé.

Mission perte de poids

Parce que la musculature va se développer et que les calories brûlées ne seront souvent pas aussi impressionnantes que les efforts consentis, la reprise du sport ne s’accompagnera pas à elle seule d’une perte de poids. La clé si tel est l’objectif: allier reprise d’une activité physique régulière et correction des éventuelles erreurs alimentaires accumulées au fil du temps. Car bien souvent, l’air de rien, ce sont elles qui font prendre un ou deux kilos par an… et dix ou vingt au bout de dix ans. Zoom sur quelques-uns des comportements «pièges» avec Maaike Kruseman, professeure au sein de la Filière nutrition et diététique de la Haute école de santé de Genève:

  • Réflexe de se resservir à table ou de finir l’assiette des enfants
  • Consommation excessive d’alcool
  • Goûters trop gras ou trop sucrés
  • Grignotage intempestif pour compenser le stress
  • Consommation d’aliments industriels ultratransformés (plats préparés, céréales du petit-déjeuner, chips, sucreries, sauces, charcuteries, etc.)
  • Consommation de sodas
  • Surconsommation de produits sains mais très riches en graisse (avocat, huile d’olive, noix, etc.)

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Paru dans le hors-série « Votre santé », La Côte, Novembre 2020.