Quand le cerveau oublie de nous faire respirer la nuit

Dernière mise à jour 17/06/19 | Article
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Moins fréquentes que les apnées obstructives – de longues pauses respiratoires nocturnes dues à un rétrécissement du calibre du pharynx –, les apnées centrales ont une tout autre origine. Dans leur cas, c’est le cerveau qui peine à donner aux muscles impliqués dans la respiration l’ordre de se contracter.

Parmi ses multiples fonctions, le cerveau est chargé de contrôler le taux d’oxygène dans notre sang. C’est donc lui qui règle l’équilibre qui doit s’établir entre l’oxygène que nous inhalons en inspirant et le gaz carbonique (CO2) que nous rejetons en expirant. Lorsque nous dormons, notre respiration se met sur pilotage automatique et est régulée par le CO2. C’est lui qui la stimule: plus nous avons de gaz carbonique dans le sang, plus forte est notre respiration et plus nous rejetons de CO2.

La mécanique est subtile, et si, pour une raison ou pour une autre, le cerveau surréagit en augmentant excessivement la respiration, le taux de CO2 dans le sang devient trop faible. Cela a pour effet de ralentir la respiration, voire de l’arrêter, comme dans les phases d’apnée. Lorsqu’ils sont très longs, ces arrêts peuvent réduire dangereusement la quantité d’oxygène qui circule dans le sang. Autre conséquence: en générant des micro-éveils nécessaires à la reprise du souffle, ces pauses respiratoires exposent à un risque d’hypertension et donc à une augmentation des risques cardiovasculaires.

Lésion cérébrale ou mal des montagnes

Dans certains cas, ce trouble du sommeil est dû à une insuffisance cardiaque, un accident vasculaire cérébral ou à une autre lésion au cerveau. Mais il peut également être lié à l’environnement. L’apnée centrale peut en effet survenir en altitude, où l’oxygène est plus rare. Pour maintenir un taux acceptable de ce gaz dans notre sang, nous respirons alors plus fortement. Mais de ce fait, nous évacuons plus de CO2 et, lorsque nous nous endormons, la concentration du gaz carbonique est insuffisante pour stimuler notre souffle. Ce qui peut provoquer de l’apnée.

L’origine de l’apnée centrale se situant dans le cerveau, elle peut aussi être provoquée par la consommation de substances opiacées, comme la morphine, la méthadone ou l’héroïne, leur effet anesthésiant affectant les aires cérébrales impliquées dans la respiration.

Comment soulager l’apnée centrale?

Les méthodes visant à soulager ce trouble peuvent passer par des médicaments, notamment l’acétazolamide. Cette molécule est utilisée dans la prise en charge de diverses maladies, comme le glaucome ou le mal des montagnes. Mais ce diurétique a aussi pour effet d’acidifier le sang, stimulant ainsi le centre cérébral de la respiration.

Pour pallier la défaillance du cerveau qui ne donne pas l’ordre de respirer, il est aussi possible d’avoir recours à un ventilateur (le BiPAP) qui permet de garantir la respiration. Il fonctionne avec deux niveaux de pression: l’une, forte, qui insuffle de l’air dans les poumons quand on n’inspire pas, et l’autre, plus faible, qui aide à expirer. Certains de ces dispositifs adaptent les pressions en fonction du comportement de chacun. En cas d’apnée centrale en altitude, le Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) a mis au point un masque spécialement destiné aux montagnards. Il permet de réinspirer une partie de l’air que l’on a auparavant expiré et qui est riche en CO2. Ce dispositif, qui est peu coûteux, semble très prometteur.

Respiration en montagnes russes

Chez les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque, le cœur peine à pomper le sang et ralentit son voyage vers le cerveau. En conséquence, l’information sur le taux de CO2 dans le sang arrive avec un temps de retard dans le cerveau qui ne réagit pas comme il devrait le faire. La respiration prend alors des allures de montagnes russes: l’hyperventilation augmente en crescendo, puis diminue au même rythme, avant de s’arrêter complètement. Ce trouble peut être traité à l’aide d’un ventilateur. Il disparaît si l’on parvient à traiter l’insuffisance cardiaque.

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Adapté de J’ai envie de comprendre… Le sommeil, de Elisabeth Gordon, en collaboration avec Raphaël Heinzer & José Haba-Rubio, Editions Planète Santé, 2016.

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