Nouveau dispositif contre l'apnée du sommeil

Dernière mise à jour 08/10/14 | Article
Nouveau dispositif contre l'apnée du sommeil
L'apnée du sommeil est bien connue pour favoriser le ronflement. On sait moins qu'elle peut augmenter le risque non seulement d'accident de la route mais surtout de maladies cardiaques. Un nouvel appareil devrait permettre de réduire ces risques.

L'apnée obstructive du sommeil est une affection sournoise qui touche au moins 5% de la population adulte, plutôt chez les individus âgés ou les personnes en surpoids. Soit probablement plus de 150 000 individus en Suisse.

Provoquée par le relâchement durant la nuit des muscles contrôlant les voies aériennes supérieures, elle se traduit par un arrêt complet de la respiration durant au moins une dizaine de secondes, et parfois jusqu'à plusieurs minutes. Ces apnées nocturnes peuvent en outre se manifester des centaines de fois chaque nuit, souvent à l'insu de la personne concernée.

Leur première manifestation est un ronflement caractéristique, dû au retour brutal de l'air dans les voies aériennes et à la vibration des tissus mous respiratoires, mais leurs conséquences vont bien au-delà et peuvent être dramatiques.

En effet, la privation de sommeil qui résulte de cet arrêt respiratoire répété provoque non seulement une fatigue chronique, à première vue inexplicable, mais aussi une somnolence diurne incontrôlable. Ces «coups de pompe» systématiques ne sont pas très graves lorsqu'ils surviennent à table, ou dans un fauteuil devant la télévision, mais ils peuvent être extrêmement dangereux si la personne est occupée à un travail où le moindre défaut de vigilance peut être fatal, comme par exemple dans un atelier impliquant des machines.

Davantage d'accidents

Evidemment, le risque au volant n'est pas moins grand, et potentiellement tout aussi mortel. Une étude française a montré par exemple que l'apnée obstructive du sommeil faisait certainement partie des causes méconnues d'accidents de la route.

Sur la base de tests menés en simulateur de conduite avec des chauffeurs professionnels, des chercheurs de Grenoble ont en effet mis en évidence le fait que les conducteurs apnéiques avaient un temps de réponse aux événements imprévus bien supérieur à celui de conducteurs non apnéiques. Transposé au trafic normal sur autoroute, ce délai supplémentaire de réaction représentait une distance de freinage d'urgence augmentée d'une vingtaine de mètres!

Par ailleurs, dans la mesure où l'arrêt de la respiration signifie un moindre apport en oxygène, il n'est pas étonnant que l'apnée du sommeil ait aussi un retentissement important sur le système cardiovasculaire. Il en résulte que la moitié des sujets apnéiques souffrent aussi d'hypertension artérielle, un facteur de risque cardiovasculaire bien connu. Une étude suédoise a montré que ces individus couraient un risque cinq fois plus élevé d'être victimes d'un infarctus. Pire: une étude américaine a confirmé que les individus souffrant d'apnée étaient deux fois plus souvent touchés par une attaque cérébrale ou une mort prématurée.

Un pis-aller

C'est dire combien serait souhaitable d'éviter de telles apnées nocturnes. Or, pour l'instant, la médecine est bien démunie. Car si les propositions abondent – des classiques antidépresseurs aux dilatateurs de narines, en passant par divers dispositifs destinés à dégager le larynx, comme les orthèses mandibulaires – la seule méthode qui pour l'instant marche à coup sûr est celle de la Pression Positive Continue, connue sous son abréviation anglo-saxonne de CPAP et inventée il y a plus de 30 ans.

En assurant une pression supérieure dans l'air inhalé, visant en quelque sorte à «forcer» le passage dans les voies aériennes obstruées par l'affaissement des tissus mous et de la langue, la CPAP permet de réduire considérablement les épisodes d'apnée nocturne.

Malheureusement, comme cette méthode entraîne quelques effets indésirables et qu'elle nécessite surtout de porter un masque nasal ou facial toute la nuit, le taux d'adhérence au traitement s'effondre progressivement: à peine deux tiers des sujets ayant accepté de l'adopter y restent fidèles à long terme. Et ce, malgré toutes les améliorations techniques qui lui ont été apportées ces dernières années.

Pacemaker respiratoire

D'où l'espoir, pour les patients réfractaires à la CPAP, suscité par le nouveau dispositif que vient d'homologuer l'influente FDA américaine (U.S. Food and Drug Administration), et dont l'étude de validation STAR a été publiée récemment par le réputé New England Journal of Medicine.

Ce dispositif, baptisé «Inspire (UAS, Upper Airway Stimulation) Therapy», exploite une approche complètement différente. Mais il implique une démarche sensiblement plus lourde: il s'agit, ni plus ni moins, d'implanter dans le corps un appareil destiné à «réveiller» les muscles responsables de l'apnée nocturne.

Une petite boîte, de la taille d'un stimulateur cardiaque, est implantée sur le haut de la poitrine du sujet apnéique. Elle est reliée à un capteur électronique qui va se charger de suivre en temps réel le cycle respiratoire de l'individu tout au long de la nuit. Ce qui lui permettra d'en déduire le meilleur moment pour envoyer ses signaux de stimulation nerveuse.

Ces signaux, envoyés grâce à une électrode implantée sous le menton, sont destinés à «exciter» le nerf hypoglosse (le nerf moteur de la langue), largement impliqué dans le tonus des voies aériennes supérieures. En assurant une stimulation régulière en phase avec le cycle respiratoire naturel, ce nouveau dispositif vise à éviter une grande partie des apnées nocturnes.

Espoir en vue

C'est ce qu'a tenté de montrer l'étude de cohorte STAR, entreprise aux Etats-Unis et dont les résultats ont été publiés dans leNew England Journal of Medicine. Sur près d'un millier de patients recrutés à l'origine, seuls 724 ont répondu aux critères d'inclusion et ont eu droit à un premier examen, destiné à évaluer leur trouble selon l'indice d'apnées hypopnées IAH, qui permet d'évaluer la fréquence des arrêts respiratoires. Comme, en outre, le protocole de l'étude visait des individus dont l'IAH devait se situer entre 20 et 50 apnées par heure (apnée modérée à sévère), le dispositif n'a été implanté que sur les 126 patients restant.

Les résultats publiés sont néanmoins encourageants, puisque l'indice IAH a en effet diminué chez ces patients de 68% après une année, alors que la désaturation du sang en oxygène a été réduite quant à elle de 70%.

Malgré son coût élevé d'environ 20 000 francs, cette nouvelle méthode semble donc prometteuse. Elle va maintenant être confrontée à une utilisation réelle à plus large échelle, puisque le dispositif doit être commercialisé Outre Atlantique avant la fin de l'année.

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Référence

N. Engl J Med 370; 2: 139-149.

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