Le strabisme n’est pas une fatalité
C’est étonnant à l’ère d’Internet, mais les idées fausses sur le strabisme sont encore tenaces. Par exemple que celui qui louche voit double. C’est inexact. La plupart du temps, le cerveau corrige le signal et présente à la conscience une image ‘normale’. La vision double est provoquée par un strabisme acquis, parfois causé par une paralysie d’un nerf. Lorsque cela se produit chez l’enfant, le phénomène est de courte durée et peut être corrigé.
«Beaucoup pensent aussi que le strabisme ne peut plus être traité à l’âge adulte. Or, dans plus de 99% des cas, il peut être soigné, ou au minimum fortement corrigé», rappelle le Pr Heimo Steffen, médecin adjoint agrégé, responsable de l’unité de strabologie, ophtalmo- pédiatrie et neuro-ophtalmologie.
Selon lui, les traitements – souvent une chirurgie – donnent d’excellents résultats. Sur un plan technique, l’opération comporte peu de risque et peut être réalisée à tout âge. Elle consiste à renforcer ou affaiblir ou bien à transposer un ou plusieurs muscles oculomoteurs. Et l’impact positif de la correction d’un strabisme sur la qualité de vie est considérable. «Sur le plan fonctionnel d’abord, elle élimine une double vision ou agrandit l’extension du champ visuel binoculaire. Au niveau social ensuite. Car une personne qui louche a plus de difficulté à trouver un partenaire pour la vie ou un emploi», affirme ce spécialiste allemand de renom, engagé en automne dernier au service d’ophtalmologie.
Strabisme chez l’enfant
La majorité des patients du spécialiste sont des enfants. «En pédiatrie aussi circulent des fausses croyances. Les parents doivent pourtant savoir qu’il n’y a pas de strabisme normal chez le bébé. Au-delà du quatrième mois, soit dès le moment où le bambin a appris à fixer des objets, le regard doit être droit la majorité du temps. Dans le cas contraire, il faut consulter un ophtalmologue», souligne le Pr Steffen.
La consultation d’un spécialiste est d’autant plus nécessaire qu’un strabisme – surtout lorsqu’il se manifeste de façon inopinée – peut être le symptôme d’une maladie parfois grave : tumeur cérébrale, anévrisme, traumatisme, maladie dystrophique, anomalie congénitale ou encore inflammation de la thyroïde. Dans ces cas, il y a urgence : «Si un enfant, ou bien sûr un adulte, se met tout à coup à loucher, il faut consulter un ophtalmologue dans les plus brefs délais», avertit le neuro-ophtalmologue.
Les pathologies sévères une fois écartées, l’ophtalmologue va rechercher d’autres causes. Par exemple une hypermétropie non corrigée qui oblige l’enfant d’accommoder pour voir net. En effet, l’effort d’accommodation excessif de l’enfant hypermétrope peut provoquer une réaction de convergence. Ce type de strabisme est facilement corrigé, voire même éliminé avec des lunettes adaptées.
Le strabisme sous toutes ses formes
Environ 5% de la population est touchée par une forme ou une autre de strabisme. Celui-ci peut être convergent, divergent ou vertical. Le strabisme convergent précoce est le plus fréquent. Il survient en général durant les six premiers mois de vie sans que l’on puisse en identifier la cause. D’autres strabismes peuvent se manifester dans l’enfance. Ils sont associés à une hypermétropie, un trouble de vergence, ou apparaissent à la faveur d’une difficulté des yeux à travailler dans le même axe. Enfin, à tout âge, la paralysie d’un nerf qui actionne l’un des six muscles responsables des mouvements des yeux (muscles oculomoteurs) peut provoquer la déviation d’un œil. D’autres causes plus rares peuvent également occasionner un strabisme.
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Source
Pulsations - Magazine des HUG - Janvier-Février 2016
http://www.hug-ge.ch/sites/interhug/files/n27_pulsations_janvier_fevrier_2016.pdf