Quand les bébés régurgitent

Dernière mise à jour 16/12/15 | Article
Quand les bébés régurgitent
Les parents ne devraient pas s’inquiéter lorsque leur nourrisson régurgite son lait après les repas. Dans la grande majorité des cas, ces rejets cessent au bout d’un ou deux ans et ils n’affectent pas la croissance de l’enfant. Toutefois, lorsque ces reflux persistent ou s’accompagnent de douleurs, mieux vaut consulter.

Bébé vient d’être nourri au sein ou au biberon et soudain il asperge sa mère ou son père d’un jet de lait. Ce reflux gastrique – ou reflux gastro-œsophagien (RGO) comme l’appellent les médecins – n’a rien d’exceptionnel. On estime en effet qu’entre 20 et 70% des nourrissons régurgitent plus de deux fois par jour. C’est autour de quatre mois que ces renvois se manifestent le plus fréquemment mais, en général, ils cessent à la fin de la première année de vie, voire de la deuxième. «Il ne s’agit pas d’une maladie, mais d’un phénomène physiologique lié à la petite enfance», souligne Andreas Nydegger, responsable de l’unité de gastro-entérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Rien à voir d’ailleurs avec le vomissement qui, lui, «est un mécanisme actif provenant de la contraction des muscles de l’abdomen».

Le «trop-plein» ressort

Lorsque nous mangeons, les aliments sont acheminés par l’œsophage jusqu’à l’estomac où ils sont digérés. A la jonction de ces deux organes se trouve un sphincter qui s’ouvre à l’arrivée du bol alimentaire puis, normalement, se referme. Toutefois, s’il ne fonctionne pas correctement, le contenu de l’estomac remonte dans l’œsophage. C’est le reflux gastrique.

Ce phénomène intervient lorsque «la vidange de l’estomac n’est pas assez rapide; de ce fait, le trop-plein sort par la bouche», résume de manière imagée le pédiatre. Ces régurgitations peuvent se manifester à tout âge, mais les tout petits sont les premiers affectés car leur tube digestif n’a pas achevé sa maturité. Leur estomac notamment n’a pas encore acquis sa position définitive. En outre, constate Andreas Nydegger, «les nourrissons boivent plus de 100 millilitres de lait par kilogramme par jour, ce qui correspondrait, pour un adulte, à consommer six à neuf litres de lait par jour. C’est un volume énorme par rapport à la capacité de l’estomac».

Des «cracheurs heureux»

Dans ces conditions, on comprend que parfois le lait déborde et qu’il soit renvoyé par la bouche. Pour les parents, c’est certes déroutant et même embarrassant lorsqu’ils doivent changer de vêtements après le repas de bébé.Mais celui-ci «n’en ressent aucune gêne, précise le pédiatre du CHUV. Les anglo-saxons nomment d’ailleurs les nourrissons sujets au reflux gastrique des “happy spitters”, ou “cracheurs heureux”». Lorsque l’enfant est en bonne santé, ces régurgitations ne l’empêchent pas de prendre du poids et n’ont aucune incidence sur leur croissance. Le médecin recommande aux parents quelques précautions simples pour atténuer le phénomène (lire encadré), mais il leur déconseille d’avoir recours à des médicaments.

De possibles complications

Le problème devient plus sérieux quand les jets surviennent loin des repas, de manière fréquente ou abondante, lorsque le nourrisson souffre et qu’il pleure ou si ses régurgitations contiennent du sang ou de la bile. Il ne s’agit plus alors d’un phénomène physiologique banal, mais d’une maladie. Celle-ci affecte surtout les enfants prématurés dont le sphincter œsophagien est plus ouvert, ceux qui naissent avec une malformation du tube digestif ou encore ceux qui ont des troubles neurologiques induisant une mauvaise coordination entre le cerveau et le tube digestif.

Le reflux gastrique peut alors s’accompagner de complications car «l’acidité de l’estomac irrite l’œsophage, ce qui peut conduire à des saignements, puis à une anémie qui entrave la croissance», explique Andreas Nydegger. Par ailleurs, il arrive que «le reflux atteigne les poumons et provoque des spasmes bronchiques, des otites ou des rhumes chroniques.»

Bloquer l’acidité

Dans ce cas, il est vivement recommandé de consulter son pédiatre ou son médecin de famille qui pourra effectuer des investigations et éventuellement prescrire des inhibiteurs de pompe à proton (IPP). Ces médicaments «bloquent la production de l’acidité du jus gastrique, explique le pédiatre. Le reflux persiste, mais il ne brûle plus, donc il ne provoque plus de douleurs». Dans de rares cas, on peut aussi avoir recours à une intervention chirurgicale qui consiste à fermer partiellement ou complètement l’œsophage avec une sorte de manchon.

Toutefois, cette maladie du reflux œsophagien ne concerne «qu’une minorité d’enfants».

La plupart du temps, après avoir régurgité, le bébé s’endort tranquillement et ne présente aucun signe de souffrance. «Les parents ne doivent alors pas s’inquiéter». Quand l’enfant commence à manger de la nourriture solide, qui reste plus facilement dans l’estomac, et lorsque cet organe se place dans la bonne position, l’affaire se règle toute seule.

Conseils pratiques pour limiter les régurgitations

Que faire pour limiter les régurgitations de son nourrisson lorsque celui-ci est sujet à un reflux gastrique bénin? Les conseils d’Andreas Nydegger, responsable de l’unité de gastro-entérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques du CHUV.

Le médecin recommande d’abord à la mère (ou au père lorsqu’il donne le biberon) de s’abstenir de fumer et, si elle allaite, d’éviter de boire du café. «La nicotine et la caféine ont pour effet d’ouvrir le sphincter œsophagien, ce qui facilite la remontée du lait.

Dans la mesure où le nourrisson doit boire de grandes quantités de lait, il est bon aussi de «fractionner ses repas, en lui donnant un biberon de plus, ce qui permet de diminuer le volume de chaque repas». En revanche, épaissir le lait, comme on l’entend souvent, ne paraît pas utile au pédiatre. «Dans ce cas, l’enfant doit faire un plus gros effort pour boire et il a plus de difficultés à digérer. En outre, on lui rajoute des calories».

Il recommande en revanche, pendant la phase de digestion, de «surélever tout le corps de l’enfant, et non seulement sa tête, car la gravité permet de garder le contenu gastrique dans l’estomac».

Faut-il aussi éviter les vêtements et les couches trop serrées? «C’est un remède de grand-mère et son bien-fondé n’est pas scientifiquement prouvé, remarque Andréas Nydegger. Mais, pourquoi pas? Tout ce qui peut rassurer les parents est utile.»