Microplastiques dans l’eau potable: pas d’inquiétude pour le moment, mais des questions

Dernière mise à jour 18/12/19 | Article
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Le rapport que l’Organisation mondiale de la santé vient de publier se veut rassurant, mais il insiste sur la nécessité de poursuivre les recherches sur le sujet.

Les plastiques sont omniprésents dans notre environnement. Rien d’étonnant donc à ce que des petites fractions de ces matériaux se retrouvent dans l’eau potable (du robinet ou en bouteille). Ont-elles un impact pour la santé humaine? Des experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se sont posé la question. Après avoir analysé les études – peu nombreuses – consacrées à ce sujet, ils concluent dans leur rapport publié en août dernier qu’en l’état actuel des connaissances, il n’y a pas de raison de s’alarmer.
Les microplastiques recouvrent un large éventail de particules qui diffèrent par leur composition chimique, leur forme, leur couleur, leur densité et leur taille. Pour la santé, ce dernier paramètre est important. «Les études ont montré que les particules qui mesurent plus de 150 microns (0,15 millimètre) ne sont vraisemblablement pas absorbées par la paroi intestinale et qu’elles sont excrétées», précise Jennifer De France, Technical Officer à l’OMS et coauteure du rapport. Quant aux plus petites, «leur assimilation par l’organisme devrait être limitée».

Si risque il devait y avoir, il viendrait plutôt des particules les plus minuscules, les nanoparticules, dont la taille est de l’ordre de 100 nanomètres (0,0001 millimètre). «C’est le domaine dans lequel on a le moins d’informations», constate la toxicologue de l’OMS. «Des mesures effectuées en laboratoire sur des organismes marins suggèrent que ces particules pourraient passer au travers de la paroi du tube digestif et être transportées ailleurs dans l’organisme, notamment dans le sang et les muscles. Mais on ne sait pas si elles sont toxiques», souligne Florian Breider, chimiste environnemental au Laboratoire central environnemental de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Les plastiques sont en effet des matériaux inertes (ils ne réagissent pas chimiquement). Toutefois, «on connaît des exemples de matériaux au départ inoffensifs qui peuvent changer de propriétés à l’état nanométrique et devenir toxiques», rappelle Thierry Buclin, professeur au Service de pharmacologie clinique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Quoi qu’il en soit, «une étude menée par l’EAWAG (Institut fédéral suisse des sciences et technologies de l’eau à Zurich) sur un système pilote de traitement de l’eau a constaté que 90% de ces nanoparticules sont éliminées et finissent dans les boues d’épuration, dont l’épandage est interdit en Suisse», selon le chercheur de l’EPFL.

Hiérarchiser les risques

Les microplastiques présentent aussi potentiellement un risque chimique, car ils peuvent renfermer des additifs ou accumuler des polluants organiques persistants, comme des pesticides. Mais, compte tenu des faibles concentrations de ces substances dans l’eau potable, «l’être humain est exposé à des concentrations qui sont bien inférieures au seuil considéré comme toxique, selon Jennifer De France. On peut donc estimer que le risque pour la santé humaine est très faible».

La même conclusion s’impose au sujet des micro-organismes formant ce que l’on nomme des biofilms à la surface des fragments de plastiques. Dans leur grande majorité, ils ne sont pas pathogènes et la plupart de ces microbes sont inactivés par les procédés de traitement de l’eau.

Dans tous ces chapitres, les experts de l’OMS estiment donc qu’il n’y a pas péril en la demeure pour notre santé. Dans leur rapport, ils mentionnent pourtant quelques travaux menés sur des rats et des souris qui ont mis en évidence quelques effets néfastes des microplastiques – comme une altération du métabolisme des graisses ou une modification de la composition des bactéries qui forment le microbiote (la flore intestinale). Mais ils soulignent que les rongeurs avaient ingéré des concentrations de microplastiques beaucoup plus élevées que celles que l’on trouve dans l’eau potable. En outre, constate Florian Breider, «les résultats de ces études faites sur des petits mammifères ne peuvent pas être extrapolés aux êtres humains».

Ces conclusions sont rassurantes, mais ne sont-elles pas trop optimistes? «Nous ne disons pas qu’il n’y a pas de risques, répond Jennifer De France. Mais nous constatons qu’en l’état actuel des connaissances, ces risques sont faibles. Il n’est donc pas nécessaire de faire des contrôles de routine sur l’eau potable afin d’y détecter la présence de microplastiques».

«Il n’y a en effet pas de quoi s’alarmer», confirme Florian Breider. D’autant, précise-t-il, qu’il y a «beaucoup plus de particules de plastiques dans l’air – provenant par exemple des fibres textiles synthétiques – que dans l’eau». «Il faut hiérarchiser les risques», renchérit Thierry Buclin qui, beaucoup plus que les microplastiques, craint de nombreuses autres substances présentes dans l’environnement – fumées, perturbateurs endocriniens, résidus de médicaments, etc. – dont les effets nocifs sont avérés. Toutefois, le toxicologue du CHUV reconnaît qu’étant donné «la grande diversité des molécules constituant les matières plastiques, on ne peut pas exclure qu’un jour, l’une d’elles se révèle dangereuse».

D’où la nécessité, comme le recommande fermement l’OMS, de poursuivre les recherches. Ce domaine a en effet été très peu étudié jusqu’ici. Cela devrait toutefois changer car, depuis peu, «la recherche explose», selon Florian Breider qui a déjà plusieurs projets en cours. Avec ses collègues, il est notamment en train de développer une méthode permettant de compter et de caractériser les particules de plastiques dans des échantillons d’eau. «C’est relativement facile pour les microplastiques, mais beaucoup plus complexe pour les nanoplastiques», précise le spécialiste.

Pour l’heure, on peut donc boire de l’eau potable sans s’inquiéter d’éventuels effets néfastes sur la santé, concluent les experts de l’OMS. «Cependant, souligne Jennifer de France, notre rapport ne doit pas être une excuse pour ne pas se préoccuper de la pollution par les plastiques». Car la nocivité de ces matériaux pour l’environnement et les organismes marins, elle, ne fait aucun doute.

D’où viennent les microplastiques présents dans l’eau potable?

L’eau potable renferme de minuscules morceaux de plastique. On nomme «microplastiques» les particules «qui mesurent entre 5 millimètres et un micron (un millième de millimètre)», explique Florian Breider, chercheur au Laboratoire central environnemental de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Mais il en existe d’autres, les nanoplastiques, «qui sont mille fois plus petits».

Quelle que soit leur taille, ces grains de plastiques ont des origines diverses. Certains d’entre eux ont été intentionnellement ajoutés dans les procédés de production de produits d’usage courant. «On les trouvait par exemple dans des cosmétiques ou des dentifrices, mais actuellement, leur ajout est interdit en Europe et aux Etats-Unis.» D’autres sont «des pellets, ces petites billes utilisées par l’industrie pour fabriquer des objets en plastique et qui, parfois, se retrouvent dans l’environnement».

A ces micro ou nanoplastiques dits «primaires» s’ajoutent tous ceux «qui résultent de la dégradation et de la fragmentation des objets en plastique (bouteilles, emballages, etc.) sous l’effet des vagues, du sable ou des rayons UV. Ces billes et débris se retrouvent dans l’eau douce à la suite de l’écoulement des eaux de surface et des effluents d’eaux usées (traitées ou non), mais aussi du débordement des égouts pouvant contenir des effluents industriels et des déchets plastiques dégradés. A cela s’ajoute le dépôt de particules de plastique présentes dans l’atmosphère. Certaines études suggèrent que des particules de plastique peuvent aussi provenir «des systèmes de production et de distribution de l’eau potable ou de la mise en bouteille», selon le rapport de l’Organisation mondiale de la santé.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 08/12/2019.

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