L’automne et l’arrivée du spleen

Dernière mise à jour 17/01/23 | Article
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Environ 3% des Suisses souffriraient de dépression saisonnière, une forme de dépression qui survient classiquement lorsque la luminosité baisse. Explications et pistes pour y faire face.

Le moral dans les chaussettes, une perte d’élan, une envie marquée de biscuits et de chocolat… Vous faites peut-être partie des personnes qui ont du mal à voir la page de l’été se tourner et les jours se raccourcir. Environ 3% de la population suisse est en proie, l’automne venu, à ce qu’on appelle la dépression saisonnière. Tandis qu’environ 10% de la population en ressent les symptômes, mais sous une forme atténuée.

Répertoriée dans le DSM 5, le manuel diagnostic américain des troubles mentaux, cette forme de dépression n’est pas un mythe. Elle touche majoritairement les femmes, entre septembre et décembre. «La dépression saisonnière se manifeste, tout comme sa forme classique, par un manque d’entrain, une baisse de l’humeur, des angoisses, de la fatigue persistante, de la tristesse, voire des idées noires. Mais aussi des difficultés de concentration et de mémoire et, contrairement à la dépression classique qui peut être marquée par une perte de l’appétit, à une forte envie d’aliments sucrés», indique la Dre Hélène Richard-Lepouriel, responsable de l’Unité des troubles de l’humeur aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Il n’est pas rare que ces crises d’hyperphagie se soldent, à l’issue de l’hiver, par une prise de poids. Alors que les personnes en proie à une dépression «classique» peuvent souffrir d’insomnie, c’est l’inverse qui peut se produire chez celles souffrant de dépression saisonnière. C’est en effet un besoin important de dormir (hypersomnie) qui peut se manifester.

Pour que le diagnostic soit posé, ces symptômes doivent avoir été constatés durant au moins deux hivers consécutifs, avec un impact douloureux sur la vie quotidienne.

Baisse de la luminosité

La dépression saisonnière est liée à la baisse de la luminosité. Dans la rétine, nous avons des cellules, appelées ganglionnaires, qui détectent la baisse de lumière. Ces dernières vont transmettre cette information au niveau cérébral, plus précisément au noyau suprachiasmatique, information qui sera ensuite relayée à la glande pinéale. C’est elle qui va provoquer la sécrétion de mélatonine, l’hormone qui prépare notre organisme à l’endormissement. Or, en automne et en hiver, en raison de la baisse naturelle de la luminosité, il arrive que nos cellules ne perçoivent pas le lever du jour. Le taux de mélatonine dans le sang reste alors anormalement élevé, ce qui peut expliquer la sensation de fatigue importante et l’envie constante de dormir.

Une autre hormone, la sérotonine, associée au sentiment de bien-être, subit aussi ce décalage de l’horloge interne. Durant la nuit, celle-ci est normalement transformée en mélatonine. Un processus qui s’interrompt au lever du jour. Mais si la sécrétion de mélatonine continue, toujours en raison de la baisse de la luminosité, alors l’organisme va manquer de sérotonine, ce qui peut avoir pour conséquence la survenue d’un épisode dépressif.

Pour réajuster le rythme biologique chez les personnes sujettes à la dépression saisonnière, des séances de luminothérapie sont recommandées. En stimulant directement les cellules de l’œil, l’exposition à une lampe (lire l’encadré) permet de compenser l’absence de lumière naturelle et de bloquer la sécrétion de mélatonine. De cette façon, on peut pallier le dérèglement de l’horloge interne. Ce traitement peut être pris en charge par l’assurance maladie, pour autant que le diagnostic de dépression saisonnière ait été posé. Prescrit en première intention, il est efficace dans 60 à 70% des cas.

Comment s’y prendre

Pour traverser l’automne et l’hiver de manière plus sereine et avec plus d’entrain, il peut valoir la peine d’investir dans une lampe de luminothérapie sans rayons infrarouges ni ultraviolets. On trouve différents modèles dans le commerce. Il faut veiller à en choisir un diffusant de la lumière blanche d’une puissance de 10000 lux au minimum. Pour que les effets se fassent sentir, il convient de s’exposer environ 30 à 45 minutes le matin au réveil, en respectant une distance de 80cm entre le visage et la lampe. Il n'est pas nécessaire de fixer la lampe sans rien faire, mais il faut regarder la lumière régulièrement. Pour réajuster le rythme circadien et le stabiliser, il est nécessaire de renouveler l’opération, si possible tous les matins à la même heure, jusqu’à la fin de l’hiver. Il est par ailleurs recommandé d’avoir un rythme de sommeil régulier et d’éviter les siestes.

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Paru dans le hors-série «Votre santé», La Côte/Le Nouvelliste, Novembre 2022.

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